Chapitre 38

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Vasco était resté dormir encore une nuit à la villa parentale, pour que le tissu cicatriciel de son épaule puisse agir quelques heures de plus. La plaie risquait sinon de se rouvrir. Car ce que sa mère avait oublié de lui dire, c'était qu'il avait des points de suture. Quatre, pour être précis. Il avait grimacé de dégoût en le découvrant dans la salle de bain, alors que Joâo l'avait aidé à changer ses pansements.

— Ça va juste rester quinze jours. Lui avait dit son aîné d'une vois neutre. Il paraissait toujours impassible. Il ne s'était même pas excusé de l'avoir foutu dans la merde, la veille !

— Tu aurais pu me dire, qu'on partait en mission suicide.

— Je n'avais pas prévu cette tournure. Et ça n'aurait rien changé, que tu saches ou non le fin fond des événements.

— La préparation psychologique, crétin ! Ça te parles ?

Le mafieu observa son petit frère sans broncher. L'insulte ne l'avait visiblement même pas atteinte. Il était toujours froid, distant, comme s'il flottait dans une bulle au dessus de tout le monde. Depuis son enfance ! Depuis que Vasco était né, il ne connaissait son aîné qu'ainsi : en armoire à glace. Et c'était frustrant, terriblement frustrant.

Le brun passait un coup de désinfectant sur son épaule. Les traits de son visage étaient détendus et ses gestes précis. Voir une blessure ne lui faisait ni chaud ni froid.

— Arrête ça.

Joâo ne prit pas la peine de répondre, au contraire il se lança sur un autre sujet :

— Maman ta raccompagnera chez toi demain soir. Si tu as un problème avec les bandages, appelle-là. Moi je repars en mission à six heures, tu dormiras encore.

Ce n'était pas un reproche, juste des faits énumérés de manière platonique.

— Je suis ton frère. Arrête d'être si flippant avec moi !

Vasco s'était dégagé pour lui faire face, grimaçant en sentant son épaule le picoter. Il lui fallait une dose d'antidouleurs. Les yeux verts de son aîné se plongèrent dans les siens, verts.

Personne ne le savait, mais Joâo avait toujours jalousé son petit frère pour ses yeux. Pour beaucoup de choses, en fait, mais surtout pour ses yeux. Lui aussi a les yeux verts, à la différence prêt qu'on n'avait cessé de le lui faire remarquer au cours de sa vie :

« Il a les mêmes yeux de lui ! » Lui répétait-on, quand il était môme. Et il avait tant de fois eu envie de leur hurler qu'il avait les yeux de son père avant tout. De son père, pas de son oncle ! C'était injuste, pourquoi on disait de Basco qu'il avait les yeux d'Inacio, et lui de Joâo, alors que c'était les mêmes ?

Il portait un prénom de haute renommée. Avant lui, fils aîné d'Inacio, il y avait l'autre Joâo. Le vrai Joâo. Celui dont il n'était que l'ombre.

L'ombre d'un homme mort depuis prêt de trente ans.

Joâo Osabio avait d'abord été le fils aîné de Getulino. Le grand frère de son père, Inacio. L'héritier de la couronne, le mafieu le plus éminent de son temps, le prince le plus puissant. Tant de rumeurs circulaient sur lui dans la Mafia. Certains disaient qu'il dormait dans des bains de glaces. D'autres qu'il tuait avant d'apprendre à marcher. Ou encore qu'il n'était qu'un robot antipathique.

Il avait été tué par une mafia ennemie, en pleine mission. Et la vrai histoire de son oncle, c'était celle décrivant un homme dégoûté par la vie, haïssant ses semblables, tuant dans leur œuf ses propres émotions.

« Tu sais, il est mort en souriant. » Lui avait un jour dit sa mère. Elle avait toujours cette lueur de tristesse qui apparaissait au fond de ses beaux yeux violets, quand elle parlait de lui. Elle l'aimait, sans aucune doute. Et alors qu'il n'était qu'un gosse, il croyait qu'elle ne l'aimait pas lui mais juste son prénom. Et les souvenirs qui y étaient attachés.

Princesse Dulce a deux couronnes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant