Dulce courrait sur le sable. Agée de deux ans, la petite fille semblait avoir hérité du traditionnel tempérament énergique de sa famille maternelle. Elle criait en se dirigeant vers l'océan, pour venir se réfugier entre les jambes de sa génitrice dès qu'une vague menaçait de mouiller ses pieds.
— Plein d'eau ! S'extasiait-elle, car c'était la première fois qu'elle voyait la mer.
Chrysis sourit à sa fille. La jeune femme de dix-neuf ans arborait de longs cheveux blonds. Dernière enfant des monarques du Portugal Léna et Jayson Apo Ti Thalassa, son statut expliquait les deux gardes qui, assis non loin de là, étaient chargés de les surveiller.
En bordure de plage se dressaient quelques maisons. La jeune femme laissa mécaniquement ses jambes l'y guider, sachant très bien jusqu'où elles allaient l'emmener.
Qu'importe, de toute façon. C'était du passé, et aucune chance qu'il soit là.
Quelques souvenirs jaillirent dans son esprit à la vue des villas. Il y avait la sienne —enfin, celle de ses parents— qui apparaissait en première. Suivie d'une deuxième, qui à l'époque appartenait à la famille de Vasco. Celle-ci avait bien changée : alors que Chrysis gardait l'image d'une maison plutôt délabrée, elle avait maintenant l'apparence des autres propriétés du quartiers, qui valaient plusieurs millions d'euros.
Ils l'ont sûrement vendu. Pensa-t-elle en s'approchant. Elle se voyait encore, trois ans auparavant, sauter de sa fenêtre pour échapper aux gardes et aller surfer sur les vagues de la marrée montante avec ses amis. Elle sourit. C'est sa mère qui lui avait appris à fuguer, au grand désespoir de son père selon qui la sécurité qui leur était imposée était déjà le strict minimum.
À quelques mètres de là, dans la fameuse villa, Inacio, Parrain de la Grande Mafia Européenne, discutait avec ses enfants. À la demande de Vasco, son cadet, l'homme avait transformé la majorité de la propriété en une villa d'entrainement sportif. Lorsqu'il avait questionné l'adolescent sur la raison d'un tel souhait, celui-ci s'était légèrement refermé sur-lui-même pour répondre d'un air indifférent « elle me rappelle des mauvais souvenirs ».
— As bouge ton cul ! Lui lança sa sœur, Adriana, tandis que les lumières de la villa s'éteignaient d'un seul coup. Sûrement l'œuvre de leur mère, qui avait la fâcheuse manie de couper le courant à distance lorsqu'ils étaient trop en retard.
— Je vous rattrape. Souffla-t-il alors que son aînée acquiesçait et refermait la porte derrière elle.
Le jeune homme passa sa main sur son front pour sécher le peu de sueur qui y restait, et jeta un regard par la fenêtre. C'était sa petite routine, avant de partir. Regarder le jardin de la maison d'à-côté, et surtout regarder la plage.
Comme si elle allait ressurgir, sourire dessiné sur les lèvres, à lui faire coucou comme elle l'en avait l'habitude. Voire même, si elle n'avait pas fait le mur, lui crier dessus pour qu'il se dépêche de descendre.
Or, aujourd'hui était un jour bien différent des autres.
Son corps se figea dès qu'il croisa cette silhouette féminine.
Il plissa les yeux, persuadé d'avoir rêvé.
Elle ne souriait pas, elle ne le saluait pas de la main, et elle ouvrait encore moins la bouche pour lui parler.
Mais elle était là.
Chrysis était là, à l'observer, visiblement tout aussi troublée que lui.
Son poul s'accéléra dans sa poitrine. Il ne put s'empêcher de sourire. Tant de questions se bousculaient dans sa tête ! Car la seule chose qu'il savait, c'était que la jolie blonde, sa jolie blonde, avait disparu du jour au lendemain depuis presque trois ans. Sans explications, et sans donner de nouvelles.
Vasco se rua dans l'escalier pour le descendre en courant. Il parcourut le petit jardin à la vitesse de l'éclair et sauta sur la plage en la cherchant du regard.
L'adrénaline tomba.
Elle n'était plus là.
Le garçon chercha du regard la princesse, en vain. Il aperçut juste, au loin, une silhouette féminine entourée de deux gardes, qui se dirigeait vers le parking.
Ses épaules s'affaissèrent.
C'est que, dans sa surprise et sa joie de la retrouver, il n'avait pas vu la petite fille collée comme une sangsue aux jambes de la jeune femme.
Peut-être aurait-il comprit.
Car l'enfant lui ressemblait comme deux gouttes d'eau.
Dulce.
C'était le prénom de sa fille, dont il ne connaissait pas encore l'existence.
Lorsque sa mère lui demandait pourquoi ce choix, Chrysis répondait « qu'elle aurait un cœur aussi doux que celui de son père ». Et à cette réponse Léna avait souri, serrant la blondinette dans ses bras.
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Princesse Dulce a deux couronnes
Teen FictionDulce Sonhador a seulement deux ans, et sa généalogie, gardée partiellement secrète, fait d'elle l'enfant la plus éminente au monde. Sa mère Chrysis, fille cadette de la Reine Léna, l'a eue à seulement dix-sept ans. Une grossesse précoce et non dés...