attraction éternelle

DEUXIÈME ROUND

Voilà près d'une semaine que nous avons quitté la maison en catastrophe et pourtant j'ai l'impression que ça fait des années. C'est peut-être parce qu'il s'est passé autant de choses que dans un roman depuis notre départ. Tout s'est enchaîné et c'est comme si les jours s'étaient transformées en mois, en années. Je me sens nostalgique en voyant la maison devant nous. Il y a à l'intérieur autant de bons que de mauvais souvenirs. C'est une sensation étrange que d'être là sans oser rentrer.     Pour la première fois depuis mon premier séjour en Australie, je ne me sens pas chez moi. J'ai la furieuse et désagréable impression de n'être qu'une étrangère qui ne serait pas la bienvenue.

     A côté de moi, Gabi fixe la porte sans presque jamais cligner des yeux. Je me demande à quoi il pense. C'est ici qu'il a grandi et la dernière fois que nous étions là, nous nous sommes enfuis. Je me doute que cette situation le fait souffrir mais je n'ai pas les mots pour le soulager de sa peine. A ce jour, je suis complètement désemparée et je n'ai aucune idée de la tournure que va prendre les événements. Nous allons devoir être forts et je compte sur l'amour que nous éprouvons l'un pour l'autre pour nous sortir de ce cauchemar vivants.

     -Tu crois que c'est une bonne idée ? bafouille-je, incertaine.

-On a pas le choix, Clarke. Pas question de se dégonfler. On attend ce moment depuis des jours. Il faut qu'on se lance sans réfléchir.

-C'est juste que...j'ai du mal à croire qu'on soit encore obligés de se battre pour être ensemble.

-Moi aussi mais on va le faire. On va montrer à ton père qu'on a rien fait de mal et qu'on veut juste la paix.

     J'essaie tant bien que mal d'assimiler ses mots comme un mantra pour m'aider à affronter tout ça. Je veux être forte pour Gabi et pour nous. Notre histoire est la seule chose véritablement précieuse que j'ai créé et je refuse de l'envoyer au feu tout simplement parce que mon père ne l'accepte pas. Je suis fière du chemin qu'on a parcouru et je ne veux pas abandonner ce pour quoi on s'est tant battus. Nous méritons d'être enfin tranquilles. On a assez subi jusqu'à maintenant. Nous avons nous aussi droit au bonheur.

     Soudain, la porte d'entrée s'ouvre et Aaron apparaît sur le palier.

     C'est lui qui nous a prévenu durant la nuit que mon père voulait nous voir. Nous l'avons appelé ce matin pour obtenir plus de détails et il nous a expliqué que Lili, mon père et lui avaient longuement discuté jusque tard et qu'ils en étaient arrivés à la conclusion qu'un échange était nécessaire. Mon père aurait alors accepté de nous rencontrer pour discuter de toute cette histoire. Mon demi-frère nous a mis en garde. Apparemment, mon père est toujours en colère et il le cache derrière une façade prétendument calme. Je ne suis qu'à moitié surprise. Il a toujours été du genre à dissimuler ses vrais sentiments pour faire bonne figure.

     Néanmoins, il a affirmé qu'il était prêt à nous voir et je veux me raccrocher à ça. Nous avons enfin l'occasion que nous attendions avec tant d'impatience. Je veux lui expliquer ce qu'il s'est passé, ce qu'il a manqué et lui montrer que nous ne sommes pas les monstres qu'il pense que nous sommes devenus. Je ne suis peut-être pas tombée amoureuse de la personne idéale mais il va devoir accepter l'évidence. Entre Gabi et moi, c'est du sérieux et nous n'allons pas nous séparés de sitôt. Même jamais, si le destin en décide ainsi.

     -Bon, tu es prête ? soupire Gabriel, sans grande motivation.

-Je ne le serai jamais.

-Alors on y va.

     Sans un mot de plus, nous sortons de la voiture. Nous sommes tous les deux tendus comme un arc. La tension est à couper au couteau et l'air semble irrespirable par ici. J'ai l'impression d'entrer en terrain ennemi mais aussi d'être en proie à la moindre attaque. Je ne fais pas le poids face à mon père, je le sais. J'espère seulement que le fait d'avoir un allié tel que Gabriel me permettra de remporter la bataille. Je ne m'appuierai pas indéfiniment sur lui mais il est la force dont j'ai besoin pour avancer. Je ne flancherai pas tant qu'il sera à mes côtés.