attraction éternelle

L'HEURE DE VÉRITÉ

Lorsque la porte de la chambre s'ouvre dans un fracas, j'émerge à peine du sommeil et le corps chaud et encore engourdi de Gabriel pèse sur le matelas à côté de moi. Mes yeux sont tout juste entre-ouverts quand je les pose sur l'intrus qui s'est brutalement invité dans notre chambre. Mon cerveau somnolant a besoin de plusieurs secondes pour reconnaître le visage de mon père et un moment encore avant de remarquer à quel point il est en colère. 

     Il se plante devant notre lit alors que Gabi ouvre seulement un œil et nous darde d'un regard d'un noirceur infini. Je croyais l'avoir déjà vu hors de lui mais ce visage-là n'a rien à voir avec ce que j'ai déjà connu par le passé. Je m'étais trompée. Voici à quoi ressemble mon père quand il est vraiment furieux et j'avoue qu'il me fait tout de suite peur. 

     -Qu'est-ce que c'est que ça ? gronde-t-il d'un ton sans appel. 

     Mon père brandit en l'air ce que je comprends être ma carte d'identité. Ma toute nouvelle carte d'identité, celle que j'ai récemment fait mettre à jour. Je suis immédiatement horrifié par cette carte que j'ai pourtant amoureusement lorgné il y a quelques temps quand elle est arrivée à la maison. Je comprends assez facilement que nous sommes tous les deux dans une merde sans nom, Gabi et moi. 

     -C'est quoi ce bordel ? grogne celui dont j'ai pris le nom. 

     Gabriel ouvre enfin les yeux et tombe nez-à-nez avec mon cher père et son regard de fou furieux. Il fronce aussitôt les sourcils, repousse la couette de sur son nez et se redresse de la même façon que moi. 

     -Qu'est-ce que tu fous ici ? C'est notre chambre. On a encore le droit à un peu d'intimité, non ? On dormait encore, merde. 

-Je te conseille de te la fermer toi, lui répond mon père d'une voix tranchante. C'est à ma fille que je parle. 

     A côté de moi, Gabi veut répliquer mais je l'en empêche. Il vaut mieux qu'il se taise si nous ne voulons pas aggraver les choses. On est déjà dans de beaux draps, lui et moi. Je crois d'ailleurs qu'on doit se préparer à passer un sale quart d'heure. Qu'il garde sa salive tant qu'il le peut. Bientôt, mon père va nous massacrer tous les deux et il ne pourra même plus compter sur sa mâchoire quand mon père lui aura brisé tous les os. 

     -Maxine, dis-moi ce que c'est. 

-C'est ma carte d'identité, réponds-je tout bas. Qu'est-ce que tu fais avec ça ? Tu as fouillé dans mon porte-feuille ? 

-Ne va pas insinuer quelque chose que je n'ai pas fait, réplique-t-il aussitôt. J'ai confondu ton porte-feuille avec celui de Lili et je suis tombé là-dessus. 

     Du coin de l'œil, je croise le regard inquiet de Gabi. Il ne sait pas comment réagir tout comme moi. Nous n'avions pas prévu d'annoncer la grande nouvelle maintenant. En fait, on avait pas encore établi de plan. Je ne m'attendais pas à être prise au dépourvu de cette façon. Je croyais que nous étions en sécurité pour le moment. Encore une fois, je suis complètement à côté de la plaque. 

     -Je crois qu'on devrait se calmer une seconde, dit Gabi, plus conciliant que je ne l'avais espéré. 

-Je suis très calme, mon garçon. J'attends seulement une réponse à une question. 

-Papa... 

-On pourrait au moins sortir du lit et aller parler dans le salon. Ce n'est pas le moment de... 

-Toi, je t'ai dit de te taire. 

     Profondément surprise par la violence de ses éclats de voix, je sursaute et resserre ma prise sur la couette que je colle contre moi comme le ferait une petite fille effrayée.