Les liens secrets

11 : Elisabeth et William.

— Quoi ?

Il souffle et racle le fond de la coupelle avec sa cuillère avant de la mettre dans sa bouche. Il pointe ensuite la cuillère désormais propre vers moi.

— Pourquoi tu me détestes ? Réitère-t-il sa question, mais cette fois-ci avec plus de conviction.

Je baisse la tête pour prendre une cuillère de mousse à mon tour, afin de digérer sa question inopportune. Je ne sais même pas comment réagir, je ne pensais pas qu'il allait me confronter à nos querelles de cette manière. Je ne pensais même pas qu'il se questionnait à ce sujet.

Quand je relève la tête, ses yeux me dévisagent toujours et heureusement que je suis assise, mes jambes auraient lâchement faibli.

— Il y a beaucoup de raisons qui font que je ne t'apprécie pas. Mais toi, pourquoi tu me détestes ?

Il aurait aimé une réponse plus développée. Son regard insistant me le prouve. Mais je n'ai aucune intention de débiter sur ce sujet.

— Je ne t'ai jamais détesté.

Son ton catégorique voire, même, offensé me surprend et j'explose de rire. Je ne peux pas concevoir qu'il soit sérieux si c'est vraiment le cas.

— Je ne t'ai jamais détesté. L'imité-je avec un visage ronchon.

— Arrête, c'est vrai. Grince-t-il tout en me fusillant du regard.

— Ah ouais ? Jure-le.

Il louche sur mon petit doigt que je viens de lui tendre par-dessus la table. Depuis petite je fais ce genre de promesses, jamais je ne les brise. C'est sacré pour moi, et tout mon entourage le sait... je leur ai fait passer le test.

S'il l'un d'eux a eu le malheur de rompre une promesse du petit doigt, il s'en est souvenu. Mes phalanges m'ont fait mal quelques temps après mais j'en étais satisfaite.

Puis, dans un soupir résigné, il enroule son auriculaire au mien et touche nos pouces dans un « je te le jure » soufflé.

Je jurerai avoir vu des étincelles briller dans ses yeux tandis que mon cerveau calquait ce moment sur un souvenir de ma mémoire. Ce calque subtil et soudain m'a figée de nouveau sur place.

— C'est quoi ça ? murmuré-je pour moi-même, sous le choc du souvenir.

— De quoi ?

Il arque un sourcil et je me ressaisis, lui affichant un faible sourire afin de noyer le poisson. Je ne lui dirais pas que ce souvenir vient de me donner la certitude que je le connais. Que je le connaissais.

***

On va enfin pouvoir s'en aller, ça fait plus d'une semaine que nous cohabitons tous les après-midis ensemble et je commence à en avoir plus marre qu'autre chose de le voir tous les jours. On ne se connait quasiment pas et nous voilà en pleine cohabitation... sans parler du fait que je ne le porte pas dans mon cœur.

Je me suis rendue chez Ethan pour passer un moment tranquille avec lui, j'avais aussi besoin de me confier au sujet d'Eliott. Malgré tout, notre relation s'effiloche et je n'apprécie guère d'assister à ça en étant impuissante. Si notre relation doit s'arrêter, faisons en sorte que ça soit rapide. Je n'ai pas envie de le voir devenir distant tandis que ma réticence quant à passer du temps avec lui s'accentue chaque jour.

— Bon... il faut que je te raconte. Dis-je en revenant de la cuisine, des chips et du coca en main.

— Oui, moi aussi d'ailleurs !

Son enthousiasme me contamine et j'ai désormais envie de découvrir ce qu'il a à me dire. Mes préoccupations peuvent attendre, il semble réellement content.