13 : Miss White.

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Il est dix-neuf heures quarante-cinq quand je m'assois au bar pour commander un cocktail. J'ai passé la moitié de l'après-midi à me perdre dans les rues de Manhattan après avoir quitté Central Park.

C'est vraiment grand, et j'aime cette partie de la ville. Non pas bondée de buildings, ce sont des immeubles plutôt bas qui peuplent les rues. Les couleurs qui reviennent le plus sont le marron, jaune et orange. Un peu comme un paysage d'automne intemporel.

J'ai pu repérer certains lieux, certaines adresses qui pourraient nous être utiles. J'en avais remarqué sur le dossier mais les voir en de mes propres yeux me donnait la certitude qui me manquait.

Le verre en main, je fixe l'horloge murale à ma gauche. L'heure ne se décide pas à avancer... il n'est toujours pas vingt heures. Je me demande ce qu'il a fait de son côté... A-t-il visité la ville comme moi ou s'est-il perdu dans des restaurants pour passer le temps ? J'aimerais que ça soit la première option.

Je souffle tout en chassant Nathan de mes pensées et bois une autre gorgée de mon mojito. La douce chaleur de l'alcool m'enveloppe la gorge et je ferme les yeux, appréciant ensuite le goût sucré du cocktail.

Un tabouret racle le sol à ma droite et je tourne la tête vers celui-ci, alerte. Un homme désigne le siège comme interrogation.

— Cette place est prise, mademoiselle ?

Je l'examine, des pieds à la tête et constate qu'il est bien vêtu. Comme un banquier.

— Oui, j'attends quelqu'un.

Mon refus semble être entré dans l'oreille d'un sourd puisqu'il me sourit de toutes ses dents parfaitement alignées tout en s'asseyant sur le tabouret. Ses effluves de parfum me parviennent et je me surprends à froncer le nez.

Je n'aime pas la cannelle.

— Super, ça nous laisse le temps de faire connaissance !

— Pas vraiment... marmonné-je, espérant intérieurement que mon coéquipier soit rapide.

Je finis mon mojito d'une traite lorsque sa voix brise le silence de — trop — courte durée. Je lâche un soupir et me contente de fixer les bouteilles d'alcool alignées sur une étagère derrière le comptoir.

Je ne peux même pas demander de l'aide au barman, il est en pleine discussion avec une cliente particulièrement saoule. Les signes de détresse décorent assez son visage pour que je lui rajoute un fardeau sur le dos.

— Alors, dis-moi quel est ton joli nom ?

Je ne réponds pas, espérant que ça le repoussera. Il doit avoir la trentaine, je me respecte assez pour sortir qu'avec des gens de ma décennie. Puis, je ne suis pas venue jusqu'ici pour faire des égarements.

— Peu bavarde... moi c'est Jackson, je viens du New Jersey pour un voyage d'affaires... et toi ?

Je ne réponds toujours pas, et je suis surprise de sa ténacité. Finalement je récolte pleins d'informations en restant muette. J'en prend note et le laisse parler seul.

En voyant que je suis déterminée à ne pas lui répondre, il souffle faiblement mais ne démords pas. Il continue de me parler de lui, de sa famille et de sa grande sœur qui est partie en France il y a deux ans.

— Tu sais pourquoi les plongeurs sautent en arrière ? Finit-il par dire, hors contexte.

Je tourne la tête vers lui, interloquée. Lui, est fier d'avoir obtenu une réaction de ma part pouvant montrer ne serait-ce qu'une once d'intérêt à ce qu'il me déblatère depuis dix minutes.

— Car s'ils plongeaient devant, ils tomberaient dans le bateau !!

Je n'ai pas le temps de comprendre la chute de sa devinette qu'il part dans un réel éclat de rire. Je secoue la tête et m'apprête à commander un autre mojito quand le bras de l'homme plié en deux à mes côtés se pose sur mes épaules.

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