24 : Recouvrir et repousser.

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Quatre jours plus tard,

— On va rester encore quelques semaines ici, le temps que tu te remettes complètement sur pied.

Nathan me fait face et a placé les poings sur ses hanches, il me fusille du regard. Je baisse la tête, consciente que mes actes sont un peu irréfléchis.

J'ai tout de même l'impression de me faire engueuler par mon père. Je frissonne rien qu'à l'image et me contente de relever la tête vers lui. Ses traits sont plus doux que précédemment mais mon inconscience lui pèse, ça se ressent. L'atmosphère est alourdie par ses inquiétudes.

— J'ai déjà lu trois livres et regardé une série entière ! M'exclamé-je, ennuyée. J'ai besoin de sortir, le confinement c'était il y a trois ans...

Il s'avance et s'assoit sur le bord du lit dans lequel je suis déjà assise depuis vingt minutes. Il est venu me chercher dans une rue de New York en plein footing matinal. Je reconnais cependant que mes cuisses me tiraient énormément à chaque foulée...

Mais ne rien faire me baisse le moral, les souvenirs reviennent comme des vagues avides de larmes. J'en ai marre de pleurer, de constater l'ampleur des dégâts que ces trois ou quatre misérables semaines ont causé sur mon corps et ma santé mentale.

— Je sais que c'est chiant, mais ton corps a été malmené et poussé à bout... tu dois le reposer, ça ne fait que quatre jours. Me dit-il doucement.

Mon état mental aussi, a été mis à rude épreuve.

— Ok, j'arrête.

Il arque un sourcil sous la stupeur et je hoche la tête pour montrer mon accord. J'ai compris et je ne bougerai pas. On ne va pas continuer d'argumenter dessus, il a raison de toute façon. Je n'ai pas la force non plus de me battre pour quelque chose de temporaire. Je serais de nouveau sur pied, un jour.

— Tant mieux, je suis là en cas de besoin.

J'opine et reste silencieuse après ça. Nous nous fixons quelques secondes de trop et son regard dérive sur mes lèvres. Je tourne la tête, les souvenirs revenant en flèche.

Nous n'avons pas reparlé de ça.

Je persiste à croire que c'était une erreur, ça ne peut que nous faire du mal. Je suis en morceaux et peu certaine d'avoir la possibilité d'aller mieux. Pas après les semaines vécues dans ce sous-sol. Je lui causerai plus de mal que de bien.

Je sens son corps partir du matelas et entends la porte de la suite se fermer. J'expire avec lourdeur et m'affale sur le dos. En quelques secondes mon cœur se serre, les souvenirs affluent malgré eux. Malgré ma volonté accrue de les repousser. J'en ai marre de broyer du noir.

J'ai besoin de sortir.

Je dois penser à autre chose.

Je me lève avec tant de vivacité que je tombe à terre, mes jambes encore fragiles n'ont pas supporté le mouvement.

— Putain...

Des larmes de rage envahissent mes yeux — elles aussi je veux les repousser. Mais décidément, mon corps n'est plus mien, désormais. Je serre les dents, mon cœur se froisse et je ferme les yeux pour ravaler ma peine.

J'ai déjà assez pleuré.

Je dois passer à autre chose.

Même si ça brûle. Même si mes jambes me déchirent de l'intérieur. Même si je ne sais plus comment faire pour aller mieux. Même si le bonheur n'est qu'un souvenir lointain pour moi.

Je dois me relever.

Je n'arriverai pas à vivre dans le cas contraire.

Je parviens à me redresser et fait face au miroir du petit couloir de la suite. Je ne peux même pas l'éviter, il est directement en face de moi. Mon reflet se moque de moi, ces entailles en pleine cicatrisation me narguent et sont un rappel constant de ma captivité. Je suis devenue une tout autre personne.

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