Chapitre 28

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PDV Hina

Pour la première fois, je parcours seule ce petit village qui compose mon lieu de vie. Et pour la première fois, je ne ressens aucune crainte d'être seule. Parce qu'ici, je me sens entourée, protégée, même lorsque je ne suis pas en compagnie de plusieurs personnes. C'est comme si c'était ma place. Mais est-ce ma place ? Cette sécurité me donne envie que ce soit le cas, mais une réalité s'insinue en moi. Je ne suis pas de leur meute. Je ne suis d'aucune meute. Et cette réalité me fait peur. Combien de temps encore vais-je pouvoir rester ici ? Combien de temps vont-ils m'accueillir de cette façon, me protéger, me choyer, alors que je ne leurs apporte rien de particulier ? Je ne suis qu'une invitée. Et les invités n'ont pas vocation à rester indéfiniment. Cette crainte est bien réelle et vivace en moi. J'ai des difficultés à imaginer me retrouver dans une vie seule, loin d'ici. L'idée me serre le cœur, et je me sens presque suffoquer.

Il y a la peur d'être seule. La peur de ne pas m'en sortir.

La peur qu'il me retrouve, d'être reprise.

Mais au-delà de cela, bien plus vivace, il y a la peur de ne plus les revoir. De ne plus les avoir auprès de moi chaque jour. De sentir leur présence.
De sentir sa présence.

Nous n'avons pas reparlé de ce moment que nous avons échangé. Ce baiser. Mes joues rougissent rien que d'y repenser. Dix jours. C'est le temps qui a passé sans que rien ne soit esquissé à propos de cet échange. Il n'a pas l'air de vouloir en parler. Et je n'ai pas le courage de demander. Les sensations sont encore là, pourtant. Et je comprends ce que les filles m'expliquaient. A quel point ce genre de moment peut être incroyable. C'est exactement ce que cela a été. Et ça me fait presque douter qu'il ait existé. De telles sensations, est-ce vraiment possible ? Plus j'y repense, plus cela m'a l'air irréel, impossible. Comme un doux rêve qui m'aurait emporté.

J'ai plusieurs fois hésité à en parler, à Yuki, Emna et Maï. Leur demander quoi faire, comment agir, comment le comprendre. Mais je n'ai jamais osé. J'ai l'impression que partager ce moment avec d'autres me privera de le ressentir entièrement. Comme si le souvenir allait se diviser et ne m'en laisser que des miettes. Mais je veux me souvenir. De ses lèvres, de son corps, de ses mains, de son odeur, de sa chaleur. De sa douceur au milieu de cette passion, de sa langue contre la mienne, du feu qui m'a dévoré de l'intérieur. J'aurais voulu que rien ne s'arrête. Et en même temps, je me sentais sur le point d'exploser. Je crois que j'aurais voulu exploser. Juste pour continuer. Pour savoir si les sensations pouvaient être encore plus fortes et incroyables.

Tout est exactement comme avant. Il me laisse m'approcher lorsque j'ai mal. Profiter de sa chaleur et des bienfaits de sa présence sur moi. Il veille. Il s'assure que je vais bien, sans jamais poser la question. Parce qu'il n'a qu'à croiser mon regard pour connaître la réponse. Je ne sais pas si j'aime que rien n'ait changé. Mais je ne prendrai pas le risque de perdre ce qu'il m'apporte pour parler de ce baiser. Son souvenir me suffit, si c'est pour continuer à profiter de sa présence. Parce qu'elle m'est essentielle. Et cela renforce ma peur. Ça me paralyse presque. Un monde sans son regard. Sans sa puissance qui s'enroule autour de moi. Sans son odeur, sans la chaleur de son corps contre le mien, sans les frissons qu'il fait naître en moi, et même, sans la rougeur de mes joues lorsqu'il est là. C'est un monde dont je ne veux pas.

Mes doutes et mes questions se taisent lorsque j'arrive devant un lieu que je n'avais pas encore vu de mes yeux. Je sais où je suis rapidement, et l'inscription sur la pierre me le confirme. Debout devant la tombe de cette louve que je n'ai pas connue, je sens une espèce de chaleur me traverser. Comme si je devais être là. Et j'ai cette folle envie de m'adresser à elle, comme si elle pouvait m'entendre, comme si j'étais légitime à lui parler.

Avec le Destin - Notre Destinée Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant