Chapitre 12

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PDV Hina

L'eau chaude sur mon corps me déstabilise un instant. Je la regarde couler le long de ma peau, presque intriguée par ces gouttes qui ruissellent sur moi. J'ai l'impression d'être entourée d'un cocon protecteur, chaud et rassurant. Pourtant, ce n'est que de l'eau. Mais c'est revigorant. Le fait que mes blessures soient étrangement refermées me permet de savourer l'eau sur ma peau. Je me souviens des rares fois où mon bourreau me jetait un seau d'eau comme seule toilette. C'était toujours douloureux. La brûlure atroce de mes plaies sous l'eau, parfois trop chaude, parfois trop froide. Je voudrais chercher des réponses à cette guérison miracle. Je n'en ai pas la force. Quand bien même cette nuit de repos m'a fait du bien, elle ne rattrape pas les années de souffrance. Mon esprit a besoin de repos, encore un peu. Juste un peu. Alors je contente de rester sous l'eau, de fermer les yeux, et d'oublier l'espace d'un instant.

Je m'amuse du savon qui mousse contre ma peau. Je hume son odeur sans m'en lasser. Ça sent bon. Et je tente de chasser cette pensée qui me souffle de cela sent en partie comme le propriétaire de cette maison. Je ne sais pas combien de temps je reste sous l'eau. Peut-être trop. Je ne me rappelle pas des usages. Mais je m'accorde ce petit moment. Et si j'en abuse, j'aurai au moins la satisfaction d'avoir pu le faire une fois dans ma vie. Je joue avec les bulles que le gel douche crée, comme une enfant qui découvre la vie. Au fond, est-ce vraiment faux ? J'ai passé une grande partie de ma vie enfermée sans pouvoir jouir de ce genre de petit plaisir. Je suppose que j'ai le droit de me comporter comme si j'avais l'âge auquel on a décidé de me prendre tout ce qui composait mon enfance et mon innocence. Au moins quelques minutes.

Consciente que je ne peux pas rester là toute la journée – je me souviens que l'eau chaude finit par refroidir, au bout d'un moment – je me glisse hors de la douche en m'accrochant à tout ce que je peux trouver pour réussir à faire quelques pas. C'est un peu plus assuré encore que ce matin. Je parviens à me déplacer jusqu'au lavabo, où se trouve une serviette, dont je savoure la douceur. Hier, je ne parvenais pas à poser le pied au sol sans hurler de tout mon cœur. Au réveil, je parvenais à faire trois pas avant de chanceler. Maintenant, je ne saurais dire combien de temps plus tard, mais pas plus de trois quart d'heure, je parviens, non sans mal, à faire quel pas mal assurés. A ce rythme, je pourrais courir un marathon dans la soirée.

Ce n'est pas normal. Mais tant pis. Il n'y a jamais rien eu de normal chez moi, de toute façon. Mon regard glisse vers une pile de vêtements qui se tient là. Je ne l'ai même pas vu les emmener. Mais je ne retiens pas un sourire en les voyant. Continuer à porter les vêtements du loup ne m'aurait pas plus que cela dérangé, mais je suppose qu'il n'aurait pas été légitime de le faire. Et ces vêtements... je ne me souviens pas la dernière fois que j'ai eu quelques chose d'aussi joli. Sûrement avec ce vieux monsieur. La dernière personne a m'avoir offert un semblant de vie.

J'attrape une petite robe verte sur le dessus, incroyablement douce et légère. C'est comme porter sur soi un nuage. Elle a une odeur particulière, que je ne saurais décrire, mais elle sent bon. Je comprends sans mal qu'elle appartient à quelqu'un, sans savoir d'où elle provient. Mais je ne me pose pas de question. Je me contente d'écouter mon ventre gronder une nouvelle fois. Il semble avoir assimilé qu'ici, il pouvait être rempli. Alors il ne se gêne pas.

En m'appuyant contre les murs, puis parfois en faisant quelques pas sans leur aide, je m'avance jusqu'à l'escalier. Je regarde le vide devant moi, en hésitant pendant un moment. Marcher sur du plat, c'est une chose, mais descendre un escalier... Je devrais sûrement attendre que Nader vienne m'aider, mais une espèce de force me pousse à essayer. Peut-être un égo mal placé, qui a envie d'y arriver. Pourtant, il y a de cela bien longtemps, que je n'ai pas pu me permettre d'avoir de l'égo.

Je pose mon premier pied sur la marche devant moi. Je me souffle que je vais y parvenir, que ce n'est que peu d'efforts supplémentaires. Mais à l'instant où je m'appuie sur cette jambe pour descendre la seconde, tout cède. Mon corps part en avant, et je ne retiens pas une exclamation, à la fois de terreur, de surprise, et en avance, de douleur. Une chute dans les escaliers alors que mon corps guérissait miraculeusement, il ne manquait plus que cela.

Avec le Destin - Notre Destinée Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant