Chapitre 32

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PDV Hina

Lorsque je sors de la chambre d'amis que me prêtent Emna et Jeiran, ce ne sont pas leurs silhouettes que je trouve dans le salon, mais celle d'un loup que je n'aurais pas pensé trouver ici. Visiblement en train de m'attendre. Ramin me regarde sans rien dire, me confirmant que sa présence, et l'absence des propriétaires, ne sont pas des coïncidences. Je ne comprends pas forcément, mais je ne me sens pas plus que cela mal à l'aise. Je l'observe un moment, pesant le pour et le contre. J'ai tendance à faire attention aux mots que j'emploie avec lui. Si au début, c'était par crainte de ses réactions, à présent, c'est plutôt par crainte de la douleur qu'il pourrait ressentir. Je crois qu'il s'en ait pris assez, ces derniers jours.

Je m'avance et m'assoie dans le canapé, à un mètre de lui. C'est lui qui est là pour me voir, et pourtant, il n'engage pas la conversation. Pourtant, il m'a l'air bien moins taciturne que son jumeau, en tout cas, quand il semble aller bien, au mieux qu'il peut dans cette situation.

— Comment tu te sens ?

Il met un moment à me répondre. Comme si il réfléchissait à la réponse. Il n'a pas l'air de souffrir outre mesure, et cela me rassure. A la fois parce que l'idée que l'un d'eux souffre ne me plaît guère, et aussi parce que je suis consciente que Nader souffrirait également pour son frère. Il a beau être celui qui l'a plié en deux, en réalité, il déteste voir son jumeau avoir mal.

— On finit par s'y habituer.

La douleur et la tristesse finissent par rejoindre celle qu'il avait encore en lui. Malgré ses mots, les cernes sur son visage sont bien présentes, plus que d'ordinaire. Il a dû lutter pour ne pas sombrer, et je ne doute pas que les premiers jours à faire face à ce qu'on lui a rendu ont dû être insupportables.

— Tu lui en veux ?

Je sais que je m'engage sur un terrain glissant. L'évocation de son jumeau fait rarement bon ménage, pourtant cette fois, une voix me souffle que je peux en parler sans crainte. Le fait qu'il reste calme face à ma question me confirme que sa colère est suffisamment contenue pour qu'il arrive à l'évoquer.

— C'est compliqué.

— Tu veux en parler ?

Il grogne, et je retrouve là les mimiques de son jumeau. Si différents et si similaires à la fois. Pourtant, malgré cette réaction, il ne reste pas muet.

— Il n'avait pas le droit de la prendre.

Je le comprends. Comme je comprends Nader. Qui, si il avait la possibilité de réduire la souffrance de ses proches, ne le ferait pas ? Je pense qu'il y a plus à lui reprocher dans la manière dont il lui a rendu. Mais je ne me risque pas à tenter de défendre le point de vue de l'absent. Non seulement c'est rarement concluant avec Ramin, mais ensuite, le second loup me tombe dessus. Pour une fois, je préfère me taire, et j'y parviens.

— Tu le penses vraiment responsable ?

Il grimace, comprenant exactement de quelle partie de l'histoire je parle. Il semble se battre contre deux idées contradictoires. La vérité, qui lui fait tant de mal, et le mensonge dans lequel il s'engouffre depuis des mois, qui semble lui accorder un peu de réconfort.

— Non.

Un seul mot, mais je sais que je ne lui en tirerais pas plus sur ce sujet. Il sait la vérité. Il sait que son frère n'est pas coupable. Il sait que ses propres actions depuis des mois sont mauvaises. Ce seul mot, il dit tout, sans avoir besoin de grandes phrases. J'aurais aimé qu'il soit capable de le dire plus tôt. Pour éviter tout cela.

— Y a-t-il l'un d'entre vous qui avait raison dans cette dispute ?

Je sais qu'à un moment, il n'acceptera plus de répondre à mes questions. Qu'il n'en sera plus capable. Alors je m'étonne de chaque réponse criante de sincérité qu'il m'offre. Et je me demande qui de nous deux avait le plus besoin de cette conversation.

Avec le Destin - Notre Destinée Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant