Chapitre 29

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PDV Nader

Quelque chose ne tourne pas rond. J'ai cette sensation, au creux du ventre, qui ne me quitte pas. Il manque un élément, et je ne mets pas si longtemps que cela à comprendre quoi. C'est elle, qui manque. J'ai accepté avec peine de ne pas l'avoir sous les yeux pendant un moment le temps de m'entraîner. J'ai Jeiran en visuel, cet idiot ne risque donc pas de lui proposer toutes activités dangereuses ou stupides qui viendraient buter contre ses limites quasi humaines en mon absence. Le périmètre du camp de la meute est sécurisé, alors à part se briser une cheville en tombant si elle loupe une marche, elle ne risque pas grand-chose. Même si l'idée qu'elle se casse quelque chose ne me plaît pas plus que cela. Je ne vais pas l'envelopper dans du papier bulle. Quoi que, ça reste une idée. Pourtant, malgré tout, j'ai une boule au creux du ventre. Je ne la sens plus. Elle est trop loin, en dehors du périmètre dans lequel elle met d'habitude les pieds. En dehors du périmètre sous lequel je peux ressentir si tout va bien pour elle. Et m'assurer qu'elle est vivante. Et je déteste encore plus ne pas la sentir que de ne pas l'avoir sous les yeux.

Je lutte un moment contre cette pulsion d'aller la chercher, me répétant que je ne suis pas une nounou. Mais c'est plus fort que moi. La possibilité qu'elle puisse aller mal, ce que je ne sens pas d'ici, m'oblige à bouger. Je grogne, peu satisfait de ressentir ce que je sens pointer le bout de son nez. De l'inquiétude. Je déteste ne pas réussir à réfréner ce que je ressens, et j'ai de plus en plus de mal quand il s'agit d'elle. Je sens que Yuki pose un regard interrogateur sur moi, mais elle ne me suit pas. Je mets un moment à faire le tour du campement. Notre village est tout de même conséquent, bien que perdu au milieu des bois. C'est justement ce qui m'inquiète. Elle ne connaît rien à la vie en dehors de sa prison et des habitudes que nous lui avons fait prendre. Je doute qu'elle sache se repérer dans les bois, et pour une personne de sa condition, ils renferment un certain nombre de dangers. C'est en me rapprochant d'une zone en particulier que je la sens. Et mon inquiétude augmente considérablement. Parce qu'elle est dans cette zone-ci. Et qu'elle n'est pas seule.

Le corps d'Hina à côté de celui de mon frère, devant la tombe de Tala, c'est un spectacle que je n'apprécie pas de voir. Surtout pas après ce qu'il s'est passé les dernières fois que le sujet de la louve s'est trouvé sur la table entre eux. Pour la première fois depuis longtemps, je sens mon cœur battre à une vitesse folle, l'angoisse prenant le pas sur ma raison.

— Hina.

Je grogne son prénom, et elle ne cherche pas à comprendre, s'approchant de moi comme je le souhaitais, à trois pas de Ramin. D'instinct, je me place devant elle, et je sens qu'elle ne saisit pas tout, mais me laisse faire. A-t-elle senti ce que je ressens ? Je ne sais pas. Mais le fait est qu'elle m'écoute et me fait confiance. Et si je fais confiance à mon jumeau, dans ce cas précis, j'ai tendance à douter de ce qu'il est capable de faire. Je sais que lui sent exactement ce qui me passe par la tête en ce moment. Et à quel point je suis tendu, de les trouver là. Il m'observe, avec cette colère aux bords des yeux, aux bords des lèvres aussi. Je sais dans quoi nous nous embarquons avant même qu'il n'ouvre la bouche. Je le connais suffisamment pour ça.

— Quoi, tu pensais que j'allais l'égorger ? Je ne tue pas les louves, moi.

— Ramin.

Ma voix, presque un grognement, une menace, une mise en garde. Parce que j'en ai marre de son petit jeu de piques incessantes. Parce que j'en ai marre des disputes et de gérer sa colère. Et parce qu'après avoir craint pour la jeune femme derrière moi, je ne suis pas suffisamment serein pour conserver ma patience. J'ai besoin de temps pour décompresser de cette inquiétude, et s'il me cherche pendant ce laps de temps, il va me trouver.

Et il le sait. Il le sait, et c'est exactement ce qu'il attendait, depuis des mois. Qu'enfin je réponde, que je rentre dans son jeu.

— Quoi, la vérité te blesse, Nader ? Ou bien c'est de l'admettre devant Hina qui te dérange ?

Avec le Destin - Notre Destinée Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant