Reddie

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Eddie ?

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« Another Love » de Tom Odell

Le clown rétrécit au fur et à mesure que les insultes du groupe passent la barrière de leurs lèvres. Richie se déchaîne, il hurle des mots plus sanglants les uns que les autres, sa colère lui fait perdre les pédales.

Ça est maintenant réduit à une bouillie rouge et blanche. Cet être diabolique ne fera plus jamais de mal à qui que ce soit, ils se le promettent. Le soulagement peut se lire sur chaque visage, Beverly pose sa tête sur l'épaule de Ben tandis que Bill soupire en se massant les tempes.

Richie quant à lui, se précipite vers un endroit très précis, son cœur cogne contre sa cage thoracique. Il est terrifié, terrifié de voir son corps. Terrifié de découvrir qu'il a succombé à ses blessures. Il ne pouvait pas se résoudre à le perdre, ce serait trop pour lui.

Il se jette à genoux près de son ami, celui-ci a les yeux clos, son torse ne bouge pas d'un millimètre. Le cœur de Richie rate un battement, il secoue dans tous les sens le corps sans vie, sans réaction. Les larmes bordent les yeux de l'homme, il n'arrive plus à respirer. L'atmosphère pesante lui presse les poumons, son souffle devient irrégulier. Par panique, il gifle violemment Eddie. Le mourant se réveille en prenant une grosse bouffée d'air.

- Mais t'es malade !? Je suis pas déjà assez amoché comme ça abruti ! grogne Eddie en grimaçant.

Richie soupire de soulagement en lâchant quelques rires. Il est épuisant comme mec, c'est pas possible. Il tente de relever son ami, le blessé s'aide des pierres pour se relever. Le reste du groupe trottine en leur direction.

- Richie, l'endroit est en train de s'effondrer, il nous ralentira plus qu'autre chose, lâche Mike.

- Il a raison, laisse-moi là.

Richie ouvre la bouche en signe de protestation :

- NON ! Il est hors de question qu'on le laisse ici ! On a déjà perdu Stan, je ne veux pas perdre encore une personne ! Même si c'est un crétin fini avec supplément imbécillité.

Beverly ricane, puis aide Richie à porter Eddie.

- C'est si gentil, souffle Kaspbrak.

Le groupe traîne alors Eddie hors de la maison. Le chemin est long mais ils arrivent néanmoins à sortir tous en vie. Eddie tombe souvent dans les pommes, Richie est toujours là pour le réveiller, si le blessé s'endort, Tozier a peur qu'il ne se réveille plus jamais.

Enfin dehors, les amis se précipitent dans une voiture et foncent en direction de l'hôpital le plus proche.

Le doute oppresse Richie chaque minute qui passe, Bill appuie sur l'accélérateur avec une force démesurée. Ben essuie les traces de sang sur le visage d'Eddie, la fraîcheur du linge lui fait du bien et l'aide à tenir bon. Richie est torturé par la peur, il n'avait jamais ressenti ça auparavant, voir son plus proche ami aussi pâle d'un drap lui retourne les entrailles. Sa jambe trésaille frénétiquement, il se ronge les ongles en fixant le corps des yeux, comme si le regarder suffirait à le soigner miraculeusement. Une main rassurante se pose sur sa jambe.

- Il s'en sortira, il est en vie et c'est grâce à toi, lui murmure la rousse en lui adressant un sourire rassurant.

- Il a quand même un trou tellement gros que sa mère pourrait passer dans l'abdomen.

- Je t'emmerde, râle Ed, toujours les yeux clos.

Les minutes deviennent des heures pour lui, mais l'ombre d'un immense bâtiment blanc apaise son angoisse.

Bill s'arrête devant les portes et ordonne à tous de porter Eddie. Tout le monde s'exécute avec rapidité. Tozier s'occupe d'expliquer la situation à l'accueil. Un tragique accident de voiture, bien sûr. L'équipe médicale installe le blessé sur un brancard puis disparaît derrière de grandes portes blanches. La vie d'Eddie est à présent entre les mains des médecins, Richie ne peut qu'attendre sur une chaise en priant que son ami s'en sorte.

Il s'assoie et balance son dos contre le dossier puis ferme les yeux. La journée a été particulièrement difficile, son corps ne demande que du repos après tout ça. Toutefois, il n'a pas envie d'abandonner son ami. Il s'en voudrait terriblement si lors de son réveil, il dormait. Bill doit lire dans ses pensées car il le rassure :

- Nous te préviendrons quand il se réveillera, dors, tu en as besoin.

Richie souffle un faible remerciement et s'endort immédiatement.

Quelques heures s'écoulent. Tozier sent une présence à ses côtés, ses paupières s'ouvrent soudainement. Un médecin s'approche du petit groupe d'amis avec une mine désolée sur le visage.

Richie se relève, tout le monde fait de même. Il ne veut pas entendre quoi que ce soit de triste, il en a assez.

- Je suis désolé. Votre ami a succombé à ses blessures, il est décédé à dix-huit heures-quarante-trois.

Un coup de poignard s'enfonce dans le coeur de l'homme à lunettes. Il n'arrive plus à ressentir quelque chose, le temps est comme figé. Le manque d'air dans ses poumons le fait revenir sur Terre, il plaque sa main sur son pectoral gauche avec férocité. Sa tête tourne, la souffrance s'abat soudainement sur lui. Dans un soufflement rauque il arrive à prononcer des mots :

- Où est Eddie ?

Beverly tourne son regard rempli de larmes vers son ami.

- Rich, il est mort, dit-elle dans un sanglot.

- Non ! Je refuse que tu dises ça ! Je croyais que tu avais de l'espoir... murmure-t-il avec douleur.

- Il repose encore dans la salle trente-neuf. Vous pouvez aller le voir monsieur Tozier, indique le médecin.

Il n'en faut pas plus pour que Richie court dans le bâtiment à la recherche de son unique amour. Car oui, il est tombé amoureux de cet imbécile de merde. Ce gamin qui avait peur de chaque maladie existante, qui faisait des crises d'asthme tous les jours. Qui avait tenu tête à sa mère pour aller aider ses amis. Ce crétin qui s'était cassé le bras en s'évanouissant devant un lépreux. Ce pignouf qui l'avait toujours écouté, malgré leurs chamailleries répétitives. Ils s'étaient sauvés mutuellement de Ça ainsi que de leurs problèmes respectifs.

Richie pousse la porte de la salle trente-neuf. Un corps enveloppé d'un drap blanc est allongé sur une table. Le coeur de Rich se fissure, les larmes brûlent ses yeux et il ne se retient pas. Il tombe à genoux auprès de son défunt ami, des larmes dévalant ses joues rouges. Il est brisé. Il hurle, pleure, se débat, frappe et pleure encore plus. Le visage pâle d'Eddie redouble les sanglots du noiraud. Il a l'air reposé, serein. Il ne l'a jamais vu aussi calme, Richard se calme petit à petit.

- Eddie ? Tu m'entends ? Comme j'aimerais tout t'avouer ici. T'avouer que je t'aime depuis le premier jour où je t'ai vu, que notre séparation m'a fait atrocement mal et que maintenant je parle à ton cadavre comme si de rien était. Que je suis pitoyable.

Une larme coule. Prit d'un courage inespéré, il se penche sur son corps et dépose doucement ses lèvres sur les siennes. Malheureusement Eddie ne répond pas, seules ses lèvres glacées accueillent Richie.

Durant de longues minutes, le noiraud pleure sur le torse nu de son âme sœur. Sa solitude lui tient compagnie et le silence accompagne ses sanglots.

Eddie était mort. Et c'était de sa faute.

- Je suis tellement désolé, susurre-t-il.

Mais personne ne répond.

C'était la fin.


Love in SocietyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant