Boreo

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ATTENTION : évocation tentative de suicide.


Trop tard

°°°


« Don't Leave, Don't Go » de Deyaz.

Théo sort d'une grosse dispute. Boris est allé trop loin cette fois-ci. Ses paroles tournent en boucle dans l'esprit du blond.

- Tu n'as personne ! Tu n'es personne Théo ! Rentre toi ça dans ton crâne une bonne fois pour toute ! Tu as mis en danger tout le monde pour ton putain de tableau à la con ! Tout est ta faute. Si ta mère n'est plus là c'est à cause de toi. C'est toi qui l'as tuée.

Il avait dit ça avec un accent ukrainien très prononcé. Sa colère a dépassé sa pensée, c'est ce que se répète constamment Théo. Il n'aurait jamais dit ça sinon. Boris a tenté de se faire pardonner, il s'est lui-même rendu compte de la dureté de ses propos, mais c'était trop tard. Théodore était déjà dehors, il a claqué la porte du café sans se retourner. Il s'est dirigé vers l'aéroport le plus près, il devait s'en aller loin, c'était ce qu'il y avait de mieux. Il a acheté un billet et se retrouve maintenant sur un siège, attendant qu'une voix résonne dans les enceintes que son vol part dans quelques minutes.

Le blondinet essuie ses joues d'un geste brutal. La colère qu'il ressent en lui n'a jamais été aussi violente. Néanmoins, sa tristesse est encore plus forte. Des larmes coulent le long de son visage, il ne prend même plus la peine de les essuyer. Il a mal, terriblement mal. Il n'a jamais réussi à faire le deuil de sa mère, pourtant, cela fait des années que le drame est passé, mais la douleur est toujours aussi poignante. Decker s'est senti coupable toute sa vie pour sa mort. Il aurait pu la sauver, mais il ne l'a pas fait... Il est resté statique alors que la personne la plus importante à ses yeux se faisait carboniser devant lui. Il s'en veut au point de vouloir en finir totalement. Mais Boris était là pour effacer tous ses soucis avec la drogue et l'alcool. À treize ans il était devenu un alcoolique et un drogué. Quel pitoyable état, et si jeune en plus. Il ne sait pas pourquoi il était heureux de revoir Boris après tout ce qu'il lui a fait. D'un certain côté, il a été là lorsque Théo faisait des cauchemars la nuit, il a été là pour tenter de récupérer le tableau qui lui tenait à cœur, il a été là dans sa fuite du monde réel. Il ne sait pas situer son attachement envers ce diable. Boris l'avait sauvé comme il l'avait détruit.

Un tintement aigu retentit dans tout l'aéroport :

- Le vol 324 en direction de la France est sur le point de décoller. Dernière appel pour le vol 324.

Théo sort de ses pensées. Il n'avait pas remarqué que le vol a été déjà annoncé, son esprit est si embrouillé. Il ne sait pas pourquoi il est là, mais sa décision est prise : il partira loin de Boris. Pour son bien, et le sien.

Le blond attrape la lance de sa valise et se dirige vers l'allée qui mène à son avion. Son regard est vide, son cœur souffre et son corps n'est plus qu'un mouchoir usé. Boris a visé juste, et c'est ça qui lui fait le plus mal aujourd'hui.

- Théo ! hurle une voix bien connue à ses oreilles.

Le concerné secoue la tête. Voilà maintenant qu'il a des hallucinations auditives.

- Potter ! achève la même personne, essoufflée.

Cette fois-ci, Théo a bien entendu. Il se retourne, son regard se pose directement sur l'homme qui court vers lui. Boris a les yeux rouges, il a dû lui aussi pleurer. Le blond fronce les sourcils, mais que fait-il ici ?

Le noiraud arrive à son niveau avec rapidité.

- Potter, je suis désolé. Pardonne moi pour toutes les atrocités que j'ai dites. Je ne les pensais pas, sur le coup de la colère je me suis emporté. Je ne voulais pas dire ça, je t'ai/

Pavlikovsky n'a pas le temps de finir sa phrase qu'une détonation résonne dans la pièce. Une vague d'inquiétude submerge Théo, Boris se fige, une tâche de sang se répand sur sa chemise blanche. Le coeur du blond s'arrête. Il n'y a plus aucun bruit autour de lui, plus aucun mouvement.

- Trop tard, grogne le noiraud avant de s'effondrer dans les bras du blond.

Théodore le rattrape de justesse, ses genoux rencontrent férocement le sol, la tête de Boris se loge dans le coude du blond.

- Aidez moi ! Je vous en supplie aidez moi ! Il est mourant ! hurle Théo en pleurant toutes les larmes de son corps.

Boris s'étouffe dans son propre sang, son buste émet quelques secousses.

- Le t...ableau est e...en lieu sû...sûr Potter, chuchote le blessé avant de fermer progressivement les yeux.

- NON ! Tu n'as pas le droit de m'abandonner une deuxième fois ! Réveille toi salaud ! Réveille toi mon sang !

Théo le gifle violemment. Il secoue son corps pour qu'il se réveille. Il n'ouvre pas les yeux, Boris ne respire plus. Le blond dépose son corps sur le sol, puis commence un massage cardiaque. Les larmes lui brûlent les yeux, sa respiration devient sifflante, son estomac se tord de douleur. Sa gorge l'irrite, il ne peut pas le perdre. Pas comme ça.

Les mains posées sur son torse, Théo finit par arrêter. Il s'accroupit à côté de lui, il renifle. Il hurle de douleur à s'en décrocher les cordes vocales. Cette action lui fait du bien. Il a perdu un ami, il est parti sans qu'il n'ait pu le remercier pour ce qu'il avait fait. Il est responsable d'une seconde mort.

C'était à cause de lui, encore une fois.

- L'avion en direction de la France est parti. Merci pour votre confiance, parle une voix robotisée.

Il est trop tard.



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