A Quiet Place

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Jem se rapprocha de la portière, le coeur battant à tout rompre. Divine le suivit dans l'objectif de refermer après qu'il soit descendu.

  – Attends, s'interrompit-il, qu'est-ce que tu vas faire ?
  – Fermer derrière toi ! Tu crois pas que je vais laisser rentrer cette chose ?!

  – Et moi ?!
  – Je t'ouvrirai si tu reviens...
  – Tu vas pas verrouiller la portière n'est-ce pas ? s'inquiéta de plus belle le garçon.
  – Non ! Pour qui tu me prends ?!

Jem fit la grimace à ces mots, pas du tout sûr ni de la croire, ni de savoir pour qui il la prenait réellement.

  – Jem... déclara la jeune femme sur un ton soudain devenu grave. Je te jure que je ne ferai pas un sale coup. Tu peux me croire. Vraiment.

Le garçon soupira. Le fait de devoir insister pour prouver sa bonne volonté n'était pas très rassurant en soi. Il se retourna vers la portière en prenant une dernière inspiration.

Alors il sortit avec lenteur du véhicule.


La porte du poids lourd se referma derrière le garçon dans un déclic à peine perceptible. Le soleil était prêt à se coucher, renvoyant entre les nuages des lueurs crépusculaires qui donnaient à l'horizon une tonalité de fin du monde.

Tout autour, le paysage était désert. La route traversait des étendues peuplées de forêts de pins dans lesquels les seuls signes de civilisation, si l'on exceptait sa chaussée inégale, constituaient en deux véhicules à l'arrêt. Rien ni personne n'était passé par là depuis plusieurs heures, ce qui pouvait signifier soit que l'endroit était totalement isolé, soit qu'un drame était survenu dans la région.

Jem s'efforçait d'ignorer cette seconde hypothèse pour mettre tous ses sens aux aguets. Il avait à peine fait deux pas depuis qu'il était sorti, n'osant pas quitter la proximité rassurante du camion derrière lui.

  – Non, non, non, non, non, non, répétait-il d'une voix quasi inaudible, comme une prière adressée à quiconque l'entendrait. Ne viens pas, je t'en prie, ne viens pas ! Faites qu'il ne soit pas là !

Il n'avait personne en réalité à qui adresser ces prières, ignorant même s'il était croyant. Il parlait pour se rassurer, quoique cela ne fonctionnât pas vraiment. Le moindre mouvement autour de lui, une branche de buisson, un souffle d'air, un grincement de roue du pick-up retourné, provoquait l'emballement de son coeur.

Jem avait le choix entre se diriger vers le véhicule accidenté au milieu de la route, ou contourner le camion pour vérifier si la créature était bien partie. Il préféra rester à proximité de leur engin, pensant qu'au moins en cas de problème on ne pourrait lui barrer sa retraite.

Après quelques pas cependant, Jem réalisa l'absurdité de cette initiative : la créature pouvait se trouver partout, y compris tapie dans les buissons, comme elle l'était lorsque leur chauffeur s'était fait égorger. Il doutait à présent même qu'elle soit partie. Qu'est-ce qui lui avait pris de quitter sa cachette !

Pourtant, il ne distinguait rien au sommet du camion. Poussé par une force morbide, il poursuivit son inspection. Il n'était plus qu'à deux mètres de l'extrémité arrière du véhicule. Il était attiré par cet angle mort, fasciné, rempli à la fois de la frayeur d'y découvrir le monstre, et contraint en quelque sorte de vérifier qu'il n'y était pas. Il avançait la gorge sèche. L'extrémité du camion se rapprochait... Un mètre... cinquante centimètres...

Transi de peur, il déboucha dans l'angle du véhicule et découvrit l'espace situé à l'arrière. Il se figea d'un effroi provoqué par sa propre imagination. Il n'y avait rien à cet endroit, rien du tout.

Arrivé à ce point, il aurait pu repartir en arrière, mais la même force, ou le même besoin de certitude, le poussa vers l'angle suivant, celui qui revenait vers la gauche du camion, sur le milieu de la chaussée.

Une dernière étape... songeait-il. S'il faisait le tour, il pourrait vérifier que la créature n'était pas là... peut-être après tout était-elle réellement partie !

Osant à peine respirer, il pivota dans cet angle. Le soulagement le remplit alors : le champ était libre.

C'est à ce moment qu'il la vit.

C'est son ombre qu'il vit, plus exactement. Le soleil rasant projetait l'ombre de leur véhicule loin devant, sur la route. Et au dessus du trait rectiligne dessiné par le sommet du camion, une forme se dressait.

Traversé par un frisson de terreur, Jem comprit que la créature n'avait pas sauté comme il leur avait semblé à force de ne rien entendre. Elle se trouvait toujours là, juste au-dessus de sa tête !

Jem subit un sursaut d'adrénaline : il fonça vers la portière du camion. Celle du côté gauche, à l'opposé de celle par laquelle il était sorti. Mais là, il se heurta à la poignée, verrouillée de l'intérieur.

Il se mit à hurler de panique. Dans la cabine, Divine hurla aussi en réponse à son cri. Jem crut que la jeune femme l'avait livré en pâture au monstre. Pourtant la porte s'ouvrit l'instant d'après.

Jem jaillit à l'intérieur porté par la terreur. Il referma derrière lui en hurlant.

  – T'avais promis de pas verrouiller !!!
  – Mais j'ai pas verrouillé !!
  – Non c'était quoi alors !

  – T'as pas dit que t'allais changer de porte !
  – Comment je pouvais savoir !
  – Mais moi j'attendais à l'autre !

Ils cessèrent subitement de hurler, car des pas lourds résonnèrent sur le toit du camion. Les vibrations se propagèrent dans toute la carcasse du véhicule. Les paroles des jeunes gens restèrent coincées dans leurs gorges. La créature, qui n'avait pas bougé lors de la fuite de Jem, s'était brusquement mise en mouvement. Elle progressait à présent vers l'avant du camion.

Les deux adolescents verrouillèrent de plus belle les portières et se réfugièrent à l'arrière dans leur couchette, le rideau tiré. Avec une peur viscérale, osant à peine respirer, ils écoutèrent les pas se rapprocher. La créature n'était pas excitée comme au début, lorsqu'elle avait tué leur bienfaiteur ; elle marchait lentement, pesamment. Et tout bien compté, cela n'en était que plus effrayant.

La créature n'avait pas réagi vite lorsque Jem était passée à proximité d'elle. C'était un peu comme si elle s'était endormie, et qu'ils l'avaient réveillée. Mais à présent, il n'y avait plus de doute possible. Durant de longues minutes, ils l'entendirent arpenter le sommet du camion. Si elle ne tenta rien contre eux, sa présence suffisait à les terrifier.


La nuit tomba progressivement sur ce statut-quo. Les pas allaient et venaient, résonnant de manière obsessionnelle dans le crâne des deux adolescents. La cabine sombra peu à peu dans l'obscurité.

Au bout d'un moment, ils n'entendirent plus les pas, mais ils savaient que le monstre était toujours là, à l'affût, aussi n'osaient-ils pas proférer la moindre parole. Ils n'entendaient que le souffle respectif de l'autre, tout bas, au travers du silence sinistre.

Instinctivement, ils s'étaient rapprochés. Ils ne se touchaient pas, mais leurs bras et leurs épaules s'effleuraient lorsqu'ils respiraient plus profondément. Ils avaient terriblement besoin de cette présence rassurante.

Ils ne tentèrent aucun autre plan de sortie, bien évidemment, sachant qu'un prédateur mortel les attendait en embuscade ; encore moins dans cette nuit qui s'épaississait de plus en plus.

Dans leur état, la fatigue ne put triompher de leur crainte, et ils ne purent dormir. Ils restèrent dans une sorte de rêve éveillé, confus, se redressant parfois en sursaut pour ne pas s'assoupir. Ils savaient qu'ils auraient à passer la nuit ici. Et peut-être bien davantage... mais ils n'arrivaient pas à penser jusque là.


C'est au beau milieu de la nuit qu'ils furent tirés de leur torpeur par un brusque embrasement à l'extérieur de leur cabine. De puissants phares éclaboussèrent l'obscurité. En même temps, des grondements mécaniques retentirent.

Des véhicules motorisés s'approchaient.




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