Runaways

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Le lourd camion roulait depuis peu de temps sur la route inégale, lorsque le conducteur, après avoir jeté plusieurs coups d'œil sur sa droite en direction des deux jeunes auto-stoppeurs, demanda avec son fort accent :

  – C'est sûrement pas mes affaires... mais vous avez des ennuis, pas vrai ?
  – Nous avons fugué, dit Divine, en s'emparant de la parole avant Jem. Nos parents ne voulaient pas qu'on soit ensemble...

La jeune femme se serra contre le garçon à ces mots, en lui prenant la main, puis ajouta en feignant l'émotion à la perfection :

  – Mais nous refusions d'être séparés.

Le chauffeur jeta un œil à Jem, qui fut un peu pris de court. Il émit une mimique d'acquiescement bien moins éloquente que le rôle joué par sa comparse, laquelle sembla néanmoins suffire à convaincre leur hôte.

  – Vos vêtements, ajouta-t-il. Vous les avez trouvés où ?
  – Nos vêtements étaient trempés, réagit aussitôt Divine. On a dû les jeter et prendre ceux-là.

Le chauffeur grimaça à ces paroles, pourtant sorties avec une belle spontanéité de la bouche de l'adolescente.

  – Vous irez pas loin habillés comme ça, dit-il. Si vous fouillez dans ma cabine, vous trouverez autre chose à enfiler.

Le chauffeur indiquait un espace, protégé par un rideau, derrière lui. Il s'agissait de sa cabine personnelle, dans laquelle il lui arrivait régulièrement de dormir au cours de ses trajets.

Divine se jeta sur l'occasion, et passa derrière le rideau. Jem avait fait de même par réflexe, mais la jeune femme lui referma le rideau au nez. Il recula en se défaussant d'une autre mimique peu convaincante.

A ce moment, l'attention du chauffeur se détourna de ses passagers, car une espèce de bruine s'était mise à tomber. Il lança les essuie-glace en se plaignant des traces laissées sur son pare-brise.

  – Bon Dieu, grommela-t-il. Voilà qu'il pleut de la terre maintenant...

Une couche brune orangée était venue maculer son pare-brise, ce qui était par ailleurs un peu surprenant, étant donné que depuis le matin, le ciel demeurait clair, dénué de vent avec seulement quelques nuages.

  – Qu'est-ce que c'est ? lui demanda Jem, décontenancé.
  – Encore ces foutus vents du désert, dit-il. Avec le réchauffement climatique, bientôt les sables vont venir jusqu'ici !

Jem profita de l'allusion pour se renseigner sur leur position géographique. Il le fit de manière un peu maladroite, ne trouvant pas de façon discrète de le demander.

  – Ici... c'est où exactement ?
  – Au nord des Prairies, répondit distraitement le chauffeur. Au tout début du Bouclier.

Jem ne comprenait pas. Le chauffeur fronça encore davantage les sourcils.

  – Dans le nord de la province de Saskatchewan, insista-t-il. Au beau milieu du Canada.

Jem ouvrit de grands yeux. Il eut de la chance que le chauffeur fut absorbé par la pellicule sablonneuse orangée sur son pare-brise, sans quoi cette ignorance lui aurait sûrement paru suspecte. Au lieu de cela, le camionneur maugréa de plus belle contre la météo et le réchauffement climatique.

  – Regarde-moi ça, dit-il. Le ciel est tout orange !

Jem s'inquiéta à son tour.

  – Et c'est pas normal ?
  – Jamais vu ça par ici.

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