Sahar

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La porte de la salle blanche s'était ouverte dans un bruit de glissement, en coulissant à l'intérieur de la paroi même. Le groupe de jeunes prisonniers avait naïvement supposé que leur altercation était restée inaperçue ; manifestement, ce n'était pas le cas.

Dans l'encadrement de cette porte surgit un colosse en costume impeccable : veste noire, cravate gris foncé. Mâchoire carrée, lunettes noires, il tenait dans sa main un espèce de cylindre métallique de vingt centimètres de longueur.

Il avait une démarche et une tenue corporelle un peu raide. Même en découvrant ses captifs réveillés, il ne sembla pas s'émouvoir. Il se passa deux bonnes secondes avant qu'il ne réagisse, ce qui laissa aux adolescents tout le temps de l'observer, quoique pas suffisamment pour s'organiser. Ils se trouvèrent un instant suspendus dans cette situation dont ils ignoraient ce qui allait ressortir...

Jusqu'à ce que soudain, sans parler, ni même esquisser une grimace, le colosse lève le bras pour tendre son cylindre en direction de Sahar, qui se trouvait droit dans sa ligne de mire.

  – Attention ! s'écria Nero avant même qu'il ne décrive ce geste.

Nero n'eut pas le temps d'intervenir, en dépit de la lenteur de leur tortionnaire, et de sa propre avance temporelle. Mais Sahar en revanche réagit avec une promptitude qui étonna ses compagnons. Elle bondit de côté, et de la même façon qu'elle avait évité l'onde de choc de la dénommée Divine quelques instants plus tôt, sortit du faisceau ennemi.

Bien lui en prit, car le cylindre s'auréola d'électricité. Un bruit de crépitement en surgit, immédiatement suivi d'éclairs désarticulés qui répandirent dans l'air une odeur de poussière brûlée. 

Les éclairs balayèrent tout l'espace devant le colosse, sur un cône d'un mètre de diamètre et trois de portée. Sahar ne dut qu'à son agilité de lui avoir échappé.


Dans la salle blanche, le reste de la troupe se retrouvait totalement désemparée. Ils étaient déjà déstabilisés par leur perte de mémoire, leur enlèvement et ces soi-disant pouvoirs dont ils semblaient avoir hérité... Ils n'avaient pas eu le temps, loin s'en faut, de digérer toutes ces informations, et ne parvenaient pas à élaborer une véritable réflexion. Mais face à cette scène fantasmagorique, cet individu grand de deux mètres, solide comme un roc, à la peau étrangement blanche, comme s'il portait un masque, ils restaient simplement pétrifiés.

Le colosse toutefois ne leur laissa pas le temps de comprendre. D'un geste mécanique, il visa Zeke, le suivant dans son champ de vision.

  – Oh putain ! s'écria ce dernier.

Et comme il l'avait fait contre l'attaque de Divine un peu plus tôt, Zeke disparut subitement devant la décharge d'éclairs électriques qui le visait. A nouveau, des éclairs désarticulés remplirent le vide devant eux.

  – Lui laissez pas le temps d'attaquer ! s'écria alors Sahar.

En se relevant de la roulade qui lui avait permis d'échapper aux éclairs, l'athlétique jeune femme s'était emparée d'un long débris de métal à terre, laissé par le sarcophage de Divine. Elle ne fit ni une ni deux et fonça sur l'individu sans craindre ni sa carrure ni son arme. Elle lui ficha le morceau de métal pointu dans la poitrine.

Du moins, c'est ce qu'elle avait voulu faire ; en réalité, le métal ne fit que s'écraser sur la poitrine du colosse, sans déchirer autre chose que son costume.

Sahar se trouva aussi désemparée que les autres et ne put éviter l'attaque suivante. C'est Nero qui esquiva à sa place. Il avait cette fois eu le temps de profiter de son avance temporelle. Il avait vu Sahar attaquer, comme il avait deviné son échec. Il avait vu que le colosse riposterait d'une autre décharge de son cylindre. Aussi, lorsque ce dernier pressa sur le bouton métallique, Nero avait-il déjà attrapé Sahar par le bras, et put-il l'entraîner de côté avec lui.

Pour la troisième fois consécutive, l'attaque du colosse échoua.

Un individu normal aurait probablement dû s'irriter de cette suite d'échecs ; mais cela ne semblait pas être le cas de leur gardien, qui se prépara sans la moindre émotion apparente à poursuivre ses tentatives.

C'était sans compter Zeke, qui se téléporta cette fois de manière intentionnée, en calculant son emplacement de retour. Il réapparut exactement dans le dos du colosse. Et quand bien même ce dernier mesurait plus d'une tête de plus que lui, il le ceintura par derrière.

  – Allez-y, je le tiens ! cria-t-il à ses compagnons.

Les autres ne savaient pas exactement ce qu'il attendait d'eux, mais Jem le plus proche réagit néanmoins. Il avança sur le flanc droit du colosse et, se rappelant le trou qu'il avait laissé dans la paroi lors de sa collision involontaire, à la fois pour éprouver ses capacités et pour défouler sa hargne, il asséna un coup de poing en plein visage de leur adversaire.

L'attaque n'eut pas cependant l'effet escompté... Jem écarquilla de grands yeux incrédules : son poing s'était écrasé sur la face de leur gardien, sans lui faire davantage d'effet que le coup de Sahar. Seules les lunettes de soleil en avaient subi les conséquences : elles s'étaient brisées sur son nez.

En même temps, elles révélèrent la véritable nature de leur adversaire... Le visage du colosse était comme un masque sans vie, dénué d'expression. A la place de ses yeux, il n'y avait que deux globes compacts, pâles, inertes, comme tout le reste de son visage. Il ne semblait pas conçu de chair, mais de matière inanimée.

L'être profita de la stupéfaction de l'adolescent échevelé pour le gratifier d'une puissante décharge issue de son cylindre de métal. Jem fut foudroyé et projeté trois mètres en arrière dans une nuée d'éclairs. Il tomba comme un pantin désarticulé et ne se releva pas.

Sans laisser de répit à ses adversaires, le colosse se libéra de la prise de Zeke en lui décochant un coup qui le renvoya violemment en arrière. Zeke fut éjecté hors de la salle blanche, par la porte restée ouverte derrière eux, et heurta un montant métallique au dehors. Lui aussi perdit instantanément connaissance.


Après cette démonstration de force, effectuée dans une succession de gestes précis et mécaniques, le colosse se retourna inexorablement vers les derniers captifs.

Sahar et Nero d'un côté, se tenaient prêts à tout, quoiqu'ils fussent considérablement refroidis par ce qu'ils venaient de voir. Ils subissaient cette situation sans avoir le temps de réfléchir et encore moins de s'organiser.

De l'autre côté, se trouvaient les corps inertes de Jem et de Ciara, cette dernière ne s'étant pas réveillée dans l'intervalle.

Mais en face du colosse, c'est l'adolescente blonde qui s'imposa. Et celle-ci, loin de l'attitude impassible du gardien, débordait de fureur.

Quoique la fatigue marquât encore ses traits, Divine avait rassemblé ses dernières forces dans une prodigieuse onde de choc. Toute sa rage se déchaîna dans cet assaut, comme si elle avait donné tout ce qui lui restait. Une puissance brute, chaotique, non maîtrisée certes, mais qui souleva le gardien du sol en dépit de son poids. Il fut projeté avec violence au travers de la porte devant laquelle il campait.

Le colosse suivit le même trajet que Zeke avant lui, mais avec une puissance décuplée qui le projeta plus de dix mètres à l'intérieur de la salle précédente. Quant à l'instigatrice de l'attaque, elle s'effondra sur elle-même, au bord de l'inconscience, seulement retenue par un fil miraculeux.


Sahar et Nero avaient assisté à cette scène fantasmagorique à la fois éberlués par la prouesse de Divine et paralysés par les performances de leur adversaire... Ils étaient sans voix, sans réaction.

Jusqu'à ce que la jeune métisse, puisant dans sa force mentale, reprenne le dessus.

  – On peut le faire ! cria-t-elle à son compagnon. Viens ! On achève cet enfoiré !

Nero ne manifestait pas l'enthousiasme de Sahar, trop conscient de leur faiblesse face à la créature qu'ils affrontaient. Néanmoins, lorsque sa compagne se jeta dans la salle jouxtant leur prison, les mâchoires serrées et sa cicatrice à la joue gauche la rendant plus farouche encore, il se lança à sa suite sans chercher à réfléchir.



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