Mutante - Tome 4

Chapitre 39 : L'île (Fin T.4)

Depuis combien de temps étais-je accroupie dans l'herbe ? Peut-être une heure. Ou deux. Ou trois. Ou une éternité. J'avais pleuré toutes les larmes que mon corps était capable de produire. Plusieurs fois. Mes yeux me brûlaient, tandis que mes mains étaient crispées à force de tenir les quelques fleurs que j'avais cueillies. 

Tremblante, je finis par les déposer devant le petit monticule de pierres informe. A son pied, une plaque de pierre gravée. « A toi que nous ne verrons jamais, mais que nous avons connu. Nous t'aimons, et t'aimerons toujours. A & A ». 

Quand Adam m'avait demandé ce que je voulais inscrire, je n'avais pas répondu. Non pas car je ne voulais pas y croire, non. Le vide que je ressentais dans mon ventre était une preuve irréfutable. Mais parce que je ne savais pas quoi dire. Que pouvait-on dire dans ces-là ? Pourquoi cette vie innocente avait subi cela ? 

Je savais très bien ce qu'il s'était passé : de l'autre côté du volcan, des Ombres nous attendait. Ils avaient vu des silhouettes, n'avaient pas réfléchi et tiré dessus. J'avais senti les balles arriver, alors je m'étais jetée devant Adam pour le protéger. Il n'avait pas eu assez de temps pour comprendre la situation. Puis une balle avait atteint le bas de mon ventre. 

Ensuite, les Mutants s'étaient occupés de régler le compte des Ombres, avant qu'Adam ne me porte vers l'hélicoptère piloté par ma cousine. Et là... là, le sang n'était pas seulement celui de la blessure. Mais aussi celui de mon bébé. Celui qui aurait dû être mon bébé. Celui à qui la tombe devant moi appartenait. Une tombe sans nom. Appartenant à un être vivant qui aurait dû avoir une vie incroyable. Remplie de bonheur. Mais qui ne verra jamais cette vie. Parce qu'elle lui a été retirée. Un être innocent mort pour nous protéger. 

Des bruits de pas interrompirent le fil de mes pensées, et deux mains délicates se posèrent sur mes épaules. La jeune femme s'accroupit à mes côtés, déposant une fleur aux côtés de mon maigre bouquet.

– Law a terminé de préparer le repas, me chuchota Lucy.

Je ne réagis pas, n'en n'ayant plus la force. Lucy dansa d'un pied à l'autre, inconfortable face à mon silence.

– On ne lui a même pas donné de nom, lâchai-je.

Lucy soupira, ne sachant pas quoi répondre. Je ne la blâmais pas, je ne savais même pas ce dont j'avais besoin. Elle s'assit à côté de moi, triturant un brin d'herbe.

– Quel sentiment te venait à l'esprit quand tu pensais à lui ? me questionna-t-elle subitement.

Je fronçais les sourcils, ne sachant ni ou elle voulait en venir, ni quoi répondre.

– J'avais peur, j'imagine. Peur qu'il subisse tout ça, répondis-je en balayant l'horizon de la main. Peur que je ne sois pas la mère qu'il lui faudrait. Peur qu'il ne survive pas dans ce monde si dur...

Mon amie laissa planer un silence, tandis que j'essayais de démêler ce mélange d'émotions. Des regrets, de la tristesse, de la honte, de la culpabilité...

– Seulement de la peur ? insista Lucy.

Ma réflexion dura plusieurs minutes, puis je trouvais autre chose. Autre chose de plus positif que le reste. Le remède à la peur.

– De l'espoir. Un espoir d'avenir dans ce monde si incertain, supposai-je. Un espoir pour Adam et moi.

Lucy saisit la pierre gravée, et sortit un petit couteau. Je suivis distraitement sa gravure, les yeux perdus dans le vague. La mort de ce futur enfant tournait dans ma tête, tant je pensais qu'agir autrement, avec un seul geste différent, lui aurait sauvé la vie. Puis le froid que j'avais ressenti me revint en mémoire. Comme si j'avais d'un seul coup été totalement abandonnée.