2. Par Merlin les enfants

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Roderick détestait aller faire les courses avec sa mère. Quelle perte de temps, franchement ... Qu'il l'accompagnât ou non ne changeait rien : elle ferait exactement le même chemin, choisirait les mêmes produits sur les étagères et lancerait les mêmes remarques. Roderick les connaissait par cœur : il fallait commencer par ce groupe de Moldus qui campaient sur un rond-point en buvant de la bière - Roderick les aurait bien rejoints, ils avaient l'air drôles, mais ils sentaient trop mauvais -, puis par le prix des boîtes de conserve, la lenteur de la caissière qui ne savait pas se servir de sa baguette, l'interdiction complètement idiote d'utiliser sa magie devant les Moldus qui empêchait de faire léviter les courses jusqu'à la maison :

Ce jour-là, cependant, un nouveau sujet s'invita dans la conversation : le petit Montgomery qui avait été attaqué.

« C'est une famille de sorciers, je n'en reviens pas qu'ils aient fait cela à une famille de sorciers ! pestait Enid Ashford.

-Mais il a été attaqué par une créature magique, non ?

-Oui, et alors ?

-Alors, les créatures magiques n'attaquent que les sorciers ! »

Enid s'arrêta de traîner son chariot sur les trottoirs de la banlieue nord de Manchester et jeta un regard interdit sur son troisième garçon.

« Mais qu'est-ce que tu es venu m'inventer, toi ?

-Eh bien, poursuivit Roderick à qui tout ceci semblait parfaitement logique, les créatures magiques attaquent les humains magiques, c'est-à-dire les sorciers, et les créatures non magiques attaquent les humains non magiques, c'est-à-dire les Moldus. C'est pour ça qu'on a des pouvoirs magiques : pour pouvoir se défendre contre les monstres ! »

Enid ricana, au grand agacement de Roderick.

« Tu es bien inventif, mon grand, mais ce n'est pas comme ça que ça marche.

-Mais alors, demanda Roderick en fronçant les sourcils, pourquoi est-ce qu'on a la magie, nous, et que d'autres n'ont rien ?

-Parce que nous, nous pouvons nous défendre contre les animaux fantastiques, justement, et pas les autres. Et tu sais quoi ? Il y a mieux : nous, nous pouvons contrôler les animaux magiques, pour les envoyer contre les Moldus. »

Roderick envisagea un instant d'envoyer un immense griffon détruire le grand immeuble.

« Et il y autre chose, aussi, poursuivit Enid en se remettant à avancer à grands pas sur le trottoir. Les animaux magiques sont attirés par tous ceux qui n'ont pas de magie. C'est dans leur instinct, ils sont poussés à les détruire. Pareil pour ceux qui trahissent la magie.

-Moi, je n'ai pas trahi la magie, quand même ? s'inquiéta Roderick.

-Bien sûr que non, mon grand. Mais la petite de l'immeuble, là ...

-Rebecca ?

-Oui, c'est ça, Rebecca. Tiens, tiens-moi mon chariot pendant que j'ouvre la porte. »

Elle refourgua son caddie à son fils et sortit sa baguette pour esquisser un grand geste. Aussitôt, une porte surgit de nulle part : Enid la poussa pour pénétrer dans la petite épicerie sorcière où elle faisait les courses familiales.

Roderick la suivit entre les rayonnages, tandis qu'elle saisissait chaque produit pour en inspecter l'étiquette de prix, écrite à la main sur un bout de parchemin, puis qu'elle le reposait avec un claquement de langue agacé. Le petit garçon sentait ses oreilles chauffer à mesure qu'elle poursuivait son manège, devant le propriétaire et les autres clients, qui l'observaient d'un air surpris et souvent moqueur. Il avait compris depuis un certain temps que sa mère n'était pas comme les autres - pire, qu'elle était moins bien que les autres. Moins polie, moins aimable, plus avare et plus sèche. Et c'était une autre raison pour laquelle il détestait faire les courses avec elle : pour ces regards en coin, ces grimaces dissimulées, qui le rangeaient, lui, dans le même panier qu'elle.

La guerre aux yeux gelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant