5. Des Dragibus contre le monde entier

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La conclusion que les trois défenseurs de l'immeuble tirèrent de leur espionnage, ce fut qu'il fallait guetter un danger de l'extérieur duquel les parents ne s'inquiétaient pas. Cameron, le frère de Gavin, était d'abord allé sonner chez les Ashford, les parents de Roderick. Enid, la mère du garçon, lui avait ouvert et avait à peine écouté trois mots qu'elle lui claquait la porte au nez en hurlant qu'elle et sa famille avaient le sang bien trop pur pour que quelqu'un osât s'attaquer à eux.

Chez les Rhyce, au deuxième, Cameron était tombé sur Maud et Edward, qui l'avaient poliment écouté mais lui avaient dit qu'il se faisait bien trop de soucis. Que pouvait-il leur arriver, dans ce petit coin perdu où ils avaient trouvé refuge quand tout le monde voulait les séparer ? Et puis, Edward était un sorcier, avait assuré ce dernier. Il protégerait sa femme jusqu'à son dernier souffle. Sur ce, il avait embrassé Maud avec passion, ce qui avait fait soupirer Rebecca et hoqueter Roderick et Gavin, qui n'avaient sans doute jamais vu personne s'embrasser, à part Xavier, l'aîné des Ashford, et son amoureuse, quand ils avaient dix ans. Elle était Moldue et vivait dans le grand immeuble : les autres enfants avaient refusé de parler à Xavier pendant toute une après-midi pour le punir d'avoir pactisé avec l'ennemi, et l'amoureuse s'était de toute façon retrouvée avec une violente éruption de boutons violets sur la peau – cadeau d'Enid, outrée qu'une sale Moldue eut osé toucher à son fils.

Quant à la vieille, au rez-de-chaussée, elle avait effectivement jeté une boîte de conserve sur la tête de Cameron en lui hurlant qu'elle n'avait pas besoin d'aide.

Or, les parents avaient toujours plus raison que les grands frères et grandes sœurs, c'était une loi universelle : Cameron avait donc perdu quelques points dans l'estime des trois enfants. Pas assez, cependant, pour les empêcher d'aller le trouver et le supplier de leur apprendre à jouer au Quidditch. Il avait consenti à apporter des balles la prochaine fois qu'il viendrait, et Roderick et Rebecca avaient tracé un immense calendrier sur le mur de leur repère pour compter les jours. A présent, plus d'un mois s'était écoulé, et pas de trace de Cameron. Les enfants étaient passés à autre chose.

Rebecca avait revu le chat rouge, plusieurs fois, et ne désespérait pas de l'amadouer complétement. On était en mai, à présent, et les jours s'étaient considérablement allongés : elle pouvait donc rester plus tard le soir à guetter le chat devant la benne à ordures, parfois rejointe par Roderick qui n'avait pas encore décidé si c'était une perte de temps ou non. Evidemment, ils n'invitaient pas Gavin à se joindre à eux : avoir un grand frère joueur de Quidditch n'autorisait pas tout.

Cet après-midi de mai, Rebecca était postée devant la benne, seule. Le chat n'était qu'à quelques mètres d'elle, abrité sous un carton à pizza qui devait sentir bon la saucisse. Il était allongé tranquillement, les pattes avant croisées devant lui, et observait la petite fille d'un air légèrement blasé, l'air de lui demander ce qu'elle lui voulait, encore, après tout ce temps.

« Allez, viens, petit chat » ... susurra Rebecca en poussant vers lui le bol de lait qu'elle ne manquait jamais d'apporter.

Il ne bougea pas d'un pouce. Evidemment : il semblait avoir boulotté le reste de pizza que contenait le carton, et avait l'estomac bien rempli.

« Allez, petit chat, répéta Rebecca à voix basse. Tu es un chat magique, non ? Eh bien, moi aussi je suis une petite fille magique. Alors, on devrait bien s'entendre, non ?

-Mousse ? l'appela alors quelqu'un derrière elle, avec douceur.

-Chut ! s'exclama Rebecca sans se retourner. Tu vas l'effrayer. »

Elle n'avait pas besoin de regarder derrière elle pour deviner qui s'approchait ainsi : elle reconnaîtrait cette voix entre mille, c'était celle de la première personne qu'elle eût jamais connue.

La guerre aux yeux gelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant