Jamais Enid n'avait préparé un aussi beau gâteau. Elle était une femme fidèle au poste, mais pragmatique, le genre qui ne s'embarrassait pas de sentiments : avec son mari comme avec ses enfants, elle était une lionne sur qui on pouvait compter, mais vraiment pas le genre à dépenser de l'énergie dans un gâteau d'anniversaire. Elle se contentait généralement d'un pudding au chocolat de la forme du moule qui lui tombait sous la main, sur lequel elle plantait une poignée de bougies.
Mais ce 15 octobre, pour l'anniversaire de Roderick, elle réalisa un gâteau à plusieurs étages, avec des saveurs différentes selon la couche, et recouvert d'un glaçage de couleur vert pomme. Elle était allée jusqu'à ensorceler des boules de feu pour qu'elles virevoltent autour du gâteau, au lieu des traditionnelles bougies. Des lettres en chocolat indiquaient « joyeux anniversair, Roderick » – l'orthographe n'avait jamais été son fort.
Lorsqu'elle l'amena sur la table en chantant de toutes ses forces, la mâchoire de Roderick et de Flora, mais aussi celle de leur père, manqua de se décrocher. Marcus jeta un coup d'œil à sa fille, et vit la convoitise briller dans ses yeux : pour son anniversaire à elle, en février, il n'y avait eu qu'un gâteau moitié chocolat moitié nature, haut d'à peu près deux centimètres car il n'avait pas bien levé pendant la cuisson.
Enid posa le gâteau devant Roderick, dont le sourire était hésitant. Il souffla ses onze bougies avec application, puis coula un regard vers sa sœur, empli d'excuse. Marcus en fut surpris, et songea que son fils avait bien changé depuis qu'il avait arrêté de fréquenter Rebecca Rhyce pour aller chez les Murdoch. Fut un temps où il aurait relevé le menton avec fierté, ravi de cette marque d'attention.
« Et maintenant, les cadeaux ! » s'exclama Enid.
Sous les yeux ébahis de sa famille, elle sortit trois paquets emballés dans du papier doré et les tendit à son fils. Roderick ouvrit rapidement le premier, et tomba sur des places pour un match de Quidditch le mois prochain.
« Vous êtes fous ! s'exclama-t-il. Ça coûte super cher ! »
Enid, qui tenait fermement les cordons de la bourse familiale, balaya ses protestations d'un geste de la main.
« Ne t'occupe pas de ça et profite de ton cadeau. Ça te fait plaisir, ou quoi ?
-Bien sûr ! Mais ...
-Alors dis merci et tais-toi. Et tu as vu qu'il y avait deux places : tu pourras proposer à ton ami, l'arrière-petit-fils de Mrs Murdoch, de venir avec toi. »
Une drôle d'expression passa sur le visage de Roderick, mais il acquiesça et rangea soigneusement ses places. Puis il ouvrit ses autres paquets, qui contenaient une cape flambant neuve et un jeu de construction. Il reçut également un dessin de la part de Flora, qui s'était appliquée mais faisait grise mine devant les cadeaux rutilants que son frère avait reçus. Marcus, quant à lui, s'abstint de tout commentaire.
Cependant, lorsque le gâteau fut englouti, les assiettes lavées et les enfants couchés, il s'approcha de sa femme qui aspirait les miettes restées sur la table à l'aide de sa baguette, et déclara à mi-voix :
« Ce sont des beaux cadeaux, ce que tu as trouvé à Roderick ...
-Evidemment, répliqua Enid avec agacement. Tu as vu comme il s'est bien comporté ces derniers mois ? Il fait la fierté de cette famille, c'est normal de l'encourager.
-C'est bien plus que ce que ses frères et sœurs n'ont jamais reçu ... »
Enid posa sèchement sa baguette sur la table et se tourna vers Marcus, les poings sur les hanches.
« Alors, c'est ça, le souci ? C'est pour ça que tu tires une tête de six pieds de long depuis tout à l'heure ?
-J'ai juste pensé à Flora ... Elle n'a jamais rien reçu de tel pour ses anniversaires à elle.
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La guerre aux yeux gelés
Fanfiction"Dans les guerres, ce ne sont peut-être pas les enfants que l'on vise, mais c'est eux que l'on tue." André Frossard Du haut de leurs dix ans, la principale préoccupation de Rebecca et Roderick est d'attraper des papillons et des chats sauvages, de s...