Au bout d'un temps que Rebecca fut incapable de mesurer, de nouveaux bruits de pas dans l'escalier retentirent, et deux personnes entrèrent dans l'appartement par la porte défoncée. C'étaient deux sorcières vêtues de robes bleu ciel identiques, avec un logo qui représentait une baguette et un os entrecroisés. Elles se figèrent en voyant l'appartement ravagé et la flaque de sang sous le corps de Maud, mais reprirent vite leurs esprits. L'une d'elles s'agenouilla près de Maud et l'ausculta à l'aide de sa baguette, tandis que l'autre s'approchait de Rebecca et Valerian.
« Bonjour les enfants, murmura-t-elle avec beaucoup de douceur. Comment vous appelez-vous ?
-Valerian », sanglota le petit garçon qui n'avait pas lâché sa sœur.
Rebecca n'ouvrit pas la bouche. La sorcière se tourna vers elle, mais elle resta immobile. La sorcière n'insista pas.
« Vous pouvez me raconter ce qui s'est passé ? reprit-elle avec la même douceur.
-Avec leurs baguettes, ils ont tout cassé ... commença Valerian, avant d'éclater en sanglots.
-Ne t'inquiète pas, lui dit la sorcière en posant la main sur son épaule. On va s'occuper de vous.
-Il y a quatre personnes qui sont entrées chez nous, intervint Rebecca sèchement. Trois hommes et une femme. Ils voulaient que notre mère quitte notre père et parte de l'immeuble parce qu'elle est moldue et lui sorcier. Elle a refusé. Puis ils nous ont jeté des sorts, ils l'ont suspendue en l'air et ils m'ont plaquée au sol. Puis ils lui ont jeté des sorts pour lui faire des entailles. Puis le fils de notre voisine est arrivé et ils se sont battus. Ils ont lancé des sorts qui coupent. »
Elle avait débité son discours d'un ton tranchant, le plus rapidement possible, car elle ne supportait pas le ton doux de la sorcière, ce ton qui semblait vouloir assurer que tout irait bien alors qu'il était manifeste que non.
« Vous étiez tout seuls ? » demanda la sorcière.
Rebecca fit signe que oui. A ce moment même, on entendit la porte de l'immeuble s'ouvrir si fort qu'elle en percuta le mur ; puis quelqu'un se mit à monter les marches quatre à quatre avec fracas. Rebecca sentit ses yeux s'humidifier de soulagement : elle avait reconnu le pas.
« Ecartez-vous ! rugit Edward en entrant dans l'appartement comme une tornade.
-Monsieur, écoutez-moi, fit l'une des sorcières en se relevant. Je suis une Médicomage et ...
-Ecartez-vous ! beugla Edward. Je veux voir ma femme ! »
Rebecca et Valerian échangèrent un regard. La petite fille n'avait jamais vu son père dans cet état. Les yeux fous, le visage écarlate, lui toujours si calme écarta la sorcière d'une bourrade et tomba à genoux près de Maud qui gisait toujours au sol.
« Mon amour, chuchota-t-il en lui attrapant la main, c'est moi, c'est moi ... Réveille-toi, il nous reste tant de choses à vivre ensemble ... »
Mais lorsqu'il fut clair que Maud ne se réveillerait pas, Edward sembla se briser littéralement de douleur. Son dos ploya et il s'effondra sur le corps de son épouse en poussant un hurlement qui n'avait rien d'humain. Il la serra contre son cœur sans cesser de crier sa douleur, ce qui provoqua les pleurs de Valerian.
« Papa ... »
Sans lâcher la main de son frère, Rebecca s'approcha de son père, autant pour le réconforter que pour chercher elle-même un peu de réconfort. Elle voulut s'agripper à son dos et enfouir son visage contre lui, mais Edward, sans même la regarder, sortit sa baguette et repoussa sa fille d'un sortilège qui brilla d'une lumière violette. Rebecca fit un vol plané de plusieurs mètres et atterrit sur le dos à l'autre bout du salon. Elle se redressa sans mal et adressa un regard plein d'incompréhension à son père, son père qu'elle avait toujours idolâtré, son père qui lui apprenait à jouer de la clarinette, son père qui la prenait dans ses bras quand elle avait peur – son père qui venait de lui jeter un maléfice.
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La guerre aux yeux gelés
Fanfiction"Dans les guerres, ce ne sont peut-être pas les enfants que l'on vise, mais c'est eux que l'on tue." André Frossard Du haut de leurs dix ans, la principale préoccupation de Rebecca et Roderick est d'attraper des papillons et des chats sauvages, de s...