24. La liberté de tout le monde

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Caché derrière un arbre, sous un sortilège de Désillusion mal exécuté, Marcus retenait son souffle. A quelques pas devant lui se trouvait Lexie, et à sa gauche Sigge, qui n'avait même pas pris la peine de se rendre invisible. Le Suédois tapait impatiemment le sol du bout de son pied, l'air impatient. Il se jetait toujours dans la mêlée avec une rage proche de la délectation qui mettait Marcus légèrement mal à l'aise. Lui-même préférait rester en retrait et limiter le nombre de sorts qu'il jetait, mais le regard inquisiteur d'Evander, le leader du groupe, le forçait à s'impliquer.

Un pop sonore retentit alors, et trois silhouettes apparurent alors dans la forêt. Leurs souffles créaient des nuages de vapeur dans l'air froid de janvier et les feuilles gelées craquaient sous leurs pas. Le ciel, tout blanc, projetait une clarté qui éblouissait Marcus et l'empêchait de distinguer les visages des nouveaux venus. A quatre contre trois, avec l'effet de surprise, son groupe avait de très bonnes chances, même si ni Marcus, ni Sigge, ni même Lexie n'étaient de très bons sorciers. Le seul à avoir un peu d'adresse baguette à la main, c'était le tout jeune Evander, qui ne faisait pas ses vingt ans.

« Qu'est-ce qu'on va faire ? demanda l'un des trois fugitifs d'un ton anxieux.

-Se débrouiller, répondit un autre d'un ton sec. Ça fait une semaine qu'on dort dans la rue, tu penses vraiment que ça va s'améliorer alors qu'on a des bandes de Rafleurs à nos trousses ? »

Rafleurs. C'était un mot que Marcus avait appris tardivement, après sa troisième ou sa quatrième mission peut-être. Cela désignait des bandes comme la sienne, aux ordres d'un sorcier plus puissant, qui pourchassaient les fugitifs, nombreux sous le nouveau régime. Ils raflaient, comme le nom l'indiquait – mais s'ils raflaient les personnes ou les primes, cela restait à déterminer.

« Cette forêt est pleine de gens comme nous, reprit l'un des fugitifs avec déterminé. Il suffit de les trouver. J'ai entendu dire qu'ils s'étaient organisés en communauté, qu'ils se suffisaient à eux-mêmes. »

C'était faux. Enfin, cela avait été vrai, mais le réseau avait été démantelé avant Noël par une bande de Rafleurs plus puissante encore que celle d'Evander, menée par Fenrir Greyback, un loup-garou dont Marcus souhaitait qu'il ne rencontrât jamais ses enfants.

Parmi ces fugitifs-là, se trouvaient deux journalistes de la Gazette du Sorcier qui avaient tenté de publier un article sur un meurtre de Nés-Moldus de douze ans particulièrement atroce, que le régime avait voulu étouffer. La troisième était la femme de l'un des deux.

Marcus vit alors Evander lui adresser un discret signe de la main. C'était le signal. Marcus crispa ses doigts sur sa baguette et s'élança, quelques secondes après que Sigge et Lexie eurent jailli de leurs cachettes. Le Suédois fonça sur ses proies en vociférant des insultes que personne ne comprenait. L'un des journalistes poussa un cri de terreur pure et brandit sa baguette, mais il fut aussitôt désarmé et stupéfixé par Lexie.

Les deux autres se révélèrent plus coriaces. Evander prit la femme pour lui, et ses trois comparses se mirent ensemble sur le dernier journaliste. Il désarma rapidement Lexie, dont la baguette tomba à terre à côté de lui. Sans hésiter, il la brisa d'un coup de talon. La jeune femme poussa un cri de fureur mais dut s'écarter. Il ne resta plus que Sigge et Marcus. Le Suédois bouillonnait d'énergie et lançait maléfice sur maléfice, si bien qu'il finit par accaparer toute l'attention du fugitif. Marcus, lui aussi, se retrouva à l'écart.

« Achève-le, Marcus ! » hurla Lexie derrière lui.

Marcus sursauta. Oui, c'était ce que la logique voulait, la meilleure stratégie pour en finir avec le journaliste. Il bégaya une formule et rata son premier sort, qui atteignit le tronc pâle d'un bouleau quelques mètres plus loin. Le fugitif ne fut pas atteint mais il se mit désormais à surveiller Marcus également.

La guerre aux yeux gelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant