7. La poudrière

28 5 0
                                    

Depuis la nuit où elle avait aidé la Brigade de police magique, un mois et demi plus tôt, la vie d'Emma au ministère de la Magie avait imperceptiblement changé. En apparence, elle était toujours cette petite secrétaire du service des usages abusifs de la magie, entassée avec trois autres dans un bureau si petit que les quatre tables se chevauchaient les unes les autres. Elle classait des dossiers, prenait des notes lors des rendez-vous de ses supérieurs et publiait des comptes-rendus.

Mais la Brigade de police magique l'avait repérée, et faisait parfois appel à elle lors de moments improbables : au beau milieu de la nuit, le dimanche après-midi ... Emma savait qu'elle aurait pu se plaindre à son propre département, la Justice Magique, pour non-respect du code du travail et exploitation des employés, mais en réalité, elle s'était prise à apprécier ces virées. A chaque fois, elle était plongée dans ce qui ressemblait de plus en plus à une guerre. Mais lorsqu'elle courait derrière Linus et Clyde, lorsqu'elle consignait sur ses parchemins ce qu'elle avait sous les yeux en sachant que ses notes constitueraient des pièces judiciaires importantes pour arrêter les coupables, lorsqu'elle dégainait sa baguette pour sécuriser un périmètre ... Elle se sentait extraordinairement alerte, et à sa place. Elle avait l'impression de raviver ses rêves de se battre pour un monde meilleur qu'elle avait à Poudlard, et que deux ans au ministère de la Magie avaient sérieusement amochés.

Emma se força à replonger le nez dans ses parchemins. Elle était en train de mettre au point le planning de sa patronne pour la semaine prochaine, tout en sachant très bien que celui-ci ne serait jamais respecté, car le principe du service des usages abusifs de la magie, c'était qu'il fallait sans cesse intervenir sur le terrain pour réparer les abus magiques. Sauf quand on était secrétaire, apparemment.

A ce moment, la porte du bureau s'ouvrit et les quatre secrétaires levèrent le nez vers l'homme de haute taille qui venait d'entrer. Sa robe d'uniforme indiquait qu'il faisait partie de la Brigade de police magique, et Emma l'avait suffisamment fréquenté lors des dernières semaines pour le reconnaître immédiatement.

« Miss Coston, déclara-t-il en s'adressant à elle, avez-vous fini de rédiger au propre votre rapport sur le vol par effraction de l'apothicairerie de Halesworth ? On en a impérativement besoin maintenant, on est sur le point de coffrer le coupable et il faut faire ça dans les règles.

-Je ne l'ai pas encore recopié au propre, mais ça devrait faire l'affaire », marmonna Emma en sortant un parchemin.

Elle signa et le tapota de sa baguette pour l'authentifier, puis le tendit à Linus. Celui-ci le saisit, la remercia rapidement et tourna les talons. Mais avant de fermer la porte, il adressa un regard perçant à Emma. Celle-ci ne broncha pas, même si elle sentit son cœur bondir dans sa poitrine.

Elle connaissait ce regard. Elle y avait droit à chaque fois. Il ne durait qu'une fraction de seconde, mais suffisait à lui donner l'impression qu'une épée affûtée la traversait de part en part. Et elle savait très bien ce qu'il signifiait, même si Linus n'en avait jamais fait mention à voix haute.

Trouvez vos papiers et falsifiez-les.

Emma leva sa baguette magique et tapota le planning qu'elle remplissait scrupuleusement pour le colorer et le rendre plus lisible. Cela faisait un mois que les mots de Linus, si cyniques mais si réalistes, lui trottaient dans la tête et qu'elle n'avait rien fait. Bien sûr, elle comprenait pourquoi il le lui avait dit. Elle était aux premières loges pour suivre ce qui se passait dans le monde de la magie, l'assassinat des grands hommes et femmes politiques comme Amelia Bones, l'été précédent, mais également les petits accidents quotidiens, si nombreux qu'ils ne pouvaient pas tous apparaître dans les journaux. Quinze jours plus tôt, Rebecca, la petite fille qu'Emma baby-sittait à l'occasion, avait été attaquée par des Détraqueurs. Une môme de dix ans, qui ne faisait rien d'autre que se promener dans la rue avec sa mère.

La guerre aux yeux gelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant