Sur le quai de la gare, Rebecca trépignait d'impatience. Elle s'était depuis longtemps éloignée de ses parents et de son frère pour se mettre le plus proche possible des rails, et scrutait l'horizon en attendant de voir le panache de fumée blanche qui annonçait l'arrivée tant attendue du Poudlard Express, ce train écarlate qui n'avait d'autre intérêt, pour l'instant, que de transporter à son bord sa soeur aînée, Charlotte. On était le premier juillet, premier jour des vacances d'été.
Si elle avait été un peu plus attentive, Rebecca aurait remarqué que le quai était bien plus vide qu'à l'ordinaire, et que les quelques présents jetaient régulièrement des coups d'œil nerveux à leurs montres, comme si l'idée d'un retard du train les mettait dans tous leurs états. Mais Rebecca ne pensait à rien d'autre qu'à sa sœur qu'elle allait enfin retrouver et qui allait passer l'été avec elle, à l'immeuble. Le mois de juin avait été sinistre, à peine égayé par le soleil et le rythme de l'école primaire qui s'était considérablement ralenti. Elle n'avait personne pour jouer avec elle, et refusait d'aller voir Gavin, qu'elle trouvait toujours aussi stupide et nul en magie, ou son frère, qui était trop petit.
Elle avait donc eu de longues semaines de tête à tête avec elle-même, à songer à ce que Roderick avait dit et à la guerre. Cette guerre qu'elle ne comprenait pas. Oh, elle avait bien compris qu'elle avait commencé depuis longtemps, depuis avant Noël certainement, et qu'elle rendait les gens soupçonneux et craintifs, comme Roderick. Mais elle n'avait pas compris qui se battait contre qui, au nom de quoi, et en quoi elle était concernée. Elle avait songé à se remettre en question après sa discussion avec Roderick - après tout, peut-être avait-il raison, peut-être était-elle une mauvaise sorcière en raison de son ascendance moldue - mais un instant seulement. Rebecca, au plus profond d'elle-même, ne doutait pas de sa valeur. Elle était une sorcière intelligente, elle méritait d'avoir des amis. C'était Roderick qui avait tort, pas elle.
Malgré tout, les semaines avaient été bien ternes, et Rebecca frétillait à l'idée de revoir sa grande soeur. Elles allaient bien s'amuser, cet été. Rebecca avait hâte de lui montrer le chat rouge, qui se laissait maintenant caresser, et surtout quand la petite fille apportait du jambon avec elle.
Et en parlant de rouge ... Rebecca poussa un cri de joie en repérant une tâche écarlate au loin, entourée d'une nuée blanche. Elle se mit à sautiller sur place, et lorsque le train arriva à son niveau, elle courut comme une folle avec lui pour trouver le visage de Charlotte derrière les vitres. Enfin, le train ralentit, souffla un dernier panache de fumée blanche et s'arrêta. Un instant plus tard, les portes s'ouvrirent et les élèves commencèrent à en sortir.
Cette fois, Rebecca remarqua des bizarreries. Tout d'abord, il n'y eut qu'une cinquantaine d'élèves qui descendirent du train, contrairement aux centaines qui se pressaient d'ordinaire sur le quai. Ensuite, la plupart affichaient une mine sombre, voire carrément des yeux rougis de larmes pour certains. Tous se précipitaient vers leurs parents et filaient sans discuter, sans bavarder une dernière fois avec leurs amis comme à l'accoutumée.
Inquiète et tendue par cette étrange atmosphère, Rebecca se mit à chercher sa sœur avec plus d'ardeur. Elle serpenta entre les élèves, les malles et les cages à hiboux en courant, et finit par repérer la petite silhouette bien connue.
« Charlotte ! » cria-t-elle en bondissant sur elle.
Charlotte se retourna juste à temps pour attraper sa sœur dans ses bras, ou plutôt pour lui faire un câlin, car les deux sœurs faisaient la même taille, malgré leurs trois années d'écart. Elle la serra brièvement contre elle, et Rebecca constata avec stupeur qu'elle aussi avait les yeux rouges.
« Charlotte ! s'exclama-t-elle avec inquiétude. Qu'est-ce qui t'arrive ?
-C'était très difficile à Poudlard ces derniers jours, Rebecca ... et on n'est pas sûr que Poudlard reste ouverte l'année prochaine.
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La guerre aux yeux gelés
Fanfiction"Dans les guerres, ce ne sont peut-être pas les enfants que l'on vise, mais c'est eux que l'on tue." André Frossard Du haut de leurs dix ans, la principale préoccupation de Rebecca et Roderick est d'attraper des papillons et des chats sauvages, de s...