Chapitre 4

67 15 2
                                    


PDV Darla :

Ma peur démesurée des endroits clos est décuplée. Me sentir bloquée dans une cabine avec un inconnu qui partage le peu d'air qui reste me terrifie. Je réduits cet état en fixant mes pensées sur la réunion retardée. J’oublie un instant ma claustrophobie.

L'étudiant en face de moi est d’un calme mortel. Il se sert d'une lampe de poche avec une lumière blanche éblouissante. Bien que cette lumière éclaire notre espace exigu, ma vision reste floue tachetée de blanc.

Impatiente, je clique sur tous les boutons à la fois d’une main tremblante. L'homme face à moi tente une discussion mais je l'ignore, excédée. Il affronte la situation avec une sérénité déroutante. Comment fait-il pour rester zen ?

Soudain une main froide se pose sur la mienne dans un geste sec, m'ordonnant d’arrêter de pianoter sur les boutons. Il prend de l'avance et essaye de lire tous les symboles.

D'après les sons que j’entends à peine, je peux reconnaître le brouhaha de Sophia. Ce qui signifie que nous sommes bloqués juste avant le deuxième étage. Même si la porte s'ouvre nous nous heurterons à un mur.

Un silence lourd assourdissant. J'ai l'impression d'être coupée du monde, de la planète entière, pourtant ma phobie m'offre encore du répit. Mon inconnu tente d'ouvrir la porte. Je récupère mon téléphone et passe un appel à Olivia. Mince ! Impossible d’établir une liaison dans ce bunker !

Le sifflement d'urgence résonne brusquement dans toute la pièce. L'alarme est déclenchée !

Après plusieurs essais une voix sortie de nulle part :

« Écrivez votre code secret » Annonce la machine.

Mon partenaire improvise quatre zéros mais en vain, continue sans se lasser à essayer des codes aléatoires.

– Sur ton badge ! Dis je

– Pardon ?

– Le code est noté sur ton badge, ou sur le QR de ta carte d’étudiant, répliqué je

– Je n'ai pas de badge.

Super, ça se complique !
Ma respiration s’alourdit.

Avec un flegme à l’anglaise, l’étudiant me tend sa lampe de poche et me prie de la tenir. Il ouvre son cartable délicatement, prend une chemise et commence la lecture de ses papiers un par un.

Mes mains tremblent. Je vis une scène surréaliste. Je joue un rôle dans un thriller sans le savoir ? Je dois être encore dans l’avion qui me ramène de New York. J’ouvre grand les yeux pour me réveiller.

– Voilà je l'ai trouvé ! Dit-il

Il compose quelques chiffres, l'alarme s'éteint et la porte s'ouvre comme par magie ! Je lui décernerais le rôle d’un personnage shakespearien flegmatique.

Nous nous trouvons pris au piège entre deux étages, à proximité du deuxième. L'air me caresse les poumons. Au moins on respire !

Ma tête s’alourdit, j’essaye de la poser quelque part. Je frôle un métal froid et me laisse glisser vers le bas. Je n'ai rien mangé depuis hier soir. Un dîner qui se résume à une entrée froide précédée d’un apéritif et accompagnée de deux verres de champagne.

Mon estomac vide crie famine, les reflux et le goût amer de l'alcool n’arrangent rien à mon piteux état.

Sa présence tout près de mon visage et les effluves émanant de son after-shave me donnent des frissons.

– Mademoiselle, vous allez bien ?

Des tremblements tout au long du corps, j’ignore pourquoi, mais je réalise que ce bel étranger est en train d’entourer ma tête délicatement de ses mains. Les portes restées ouvertes laissent entrer un mélange d’air et de poussière qui nous permet néanmoins de respirer.

Je sens quelque chose sur mes lèvres et m'éveille, surprise. Il vient de glisser un bonbon caramélisé dans ma bouche. C'est exactement ce qu’il me faut !

Je reprends mes esprits au bout de quelques instants en me séparant de sa prise.

Un son métallique s’échappe, les portes se ferment laissant entendre un signal sonore, la lumière s'allume de nouveau.

La cabine monte doucement pour atteindre le deuxième étage, Olivia et un technicien m'y attendent.

PDV d'Iram :

Je passe au troisième comme prévu. A l’entrée de l’étage se trouvent un petit salon et un large bureau vide. L’endroit est déserté, pourtant des voix raisonnent provenant des bureaux au bout du couloir. Me voilà enfin devant une porte en bois, capitonnée, portant une indication dorée où on pouvait lire le numéro 36 et un nom marqué finement : Pr Harris Darla.

Je perçois des bruits émis par quelques personnes à l’intérieur. Je tapote trois fois, figé sur place. Mes mâchoires se serrent, je regarde anxieusement la porte. C’est ma première réunion. Selon les premières informations, je dois répondre à un questionnaire et faire une petite présentation Power Point.

J'ai bien fait attention le matin en mettant mon flash-disc contenant tout mon travail.

Je tapote une deuxième fois plus fort pour être entendu.

Quelques secondes plus tard la porte s'ouvre enfin sur une femme aux cheveux gris. Elle bloque le passage et se contente d'un simple :

– Oui monsieur.

– Bonjour, je suis là pour l'inscription !

Elle me dévisage avec silence. Son badge de professeur collé à sa robe noire annonce la couleur. Une sexagénaire avec une peau de pêche bien hydratée, au teint unifié. Des yeux souriants un peu trop mielleux.
Elle lève le menton, regarde le plafond. Une gestuelle peu protocolaire. Tout donne lieu à penser qu’elle avait des obligations plus importantes que celle de m’ouvrir la porte. Son esprit ne s’est pas détaché de son auditoire à l’intérieur

– Vous êtes enseignant monsieur ?

– Non étudiant, troisième cycle.

– Ah ! Ce n'est pas par ici, il faut consulter la scolarité, près de la librairie.

Sans attendre ma réponse, elle bloque le passage et s’éclipse derrière la porte en la laissant entrouverte.

– On m'a indiqué ce bureau !

La dame n'est pas d’humeur à vouloir s’épancher ; elle semble occupée par la foule qui bavarde à l'intérieur. Cependant, hormis son air indisponible, une ambiance assez décontractée que je devine à travers l’embrasure de la porte semble régner sur les lieux.

Malgré son air affairé, j’insiste en exhibant mon téléphone pour lui montrer le message.
Elle reste stoïque, aucune marque de gentillesse. Elle donne l’impression qu’elle déploie un effort surhumain pour pouvoir m’aiguiller.

– Ah le master, il y a un bureau juste au rez-de chaussée de Phillips Hall, tu les rejoins là-bas.

Agacé, je reprends mon téléphone et lui montre le second message où le bureau est mentionné.

– Mais voyons, dit-elle en haussant un peu le ton.

Elle scrute mon petit écran, sans cacher son mécontentement pour me forcer à libérer les lieux.

– Miss Darla !

Son visage crispé se métamorphose, ses traits s'adoucissent laissant dessiner un sourire des plus chaleureux. Où est passée la dame crispée qui m’a ouvert la porte ?

Elle se retourne vers la foule en disant :

– C'est pour miss Darla !

Elle me fait signe de la main et m’invite à entrer :

– Chers Messieurs, nous avons un invité !

Miss DarlaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant