Chapitre 9

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Pdv d'Iram :

Nous arrivons au Palais des Sciences. Je ne lâche pas Darla d’une semelle puisque les visages me sont inconnus.

Je la suis sans commenter. Contrairement à ses habitudes à la faculté, elle adopte une attitude très avenante avec tout le monde. Hochements de tête accompagnés de sourire, discussions çà et là, poignées de mains chaleureuses. Je suis sous le charme. Les convives étant d’un certain âge, nous sommes visiblement les plus jeunes, même si je suis incapable de définir celui de Darla.

Elle se tient droite depuis une heure sur des talons de quinze centimètres. Un superbe manteau sur ses épaules. Un ensemble couleur noire très chic, un pantalon qui moule bien ses jambes et un haut arrivant à peine à ses hanches. La taille trente-six je présume, aucun excès de poids.

Elle est traitée dès notre arrivée comme une princesse. Elle me lance parfois un regard, et prend la peine de me présenter à certaines de ses connaissances.

– La réunion qui commence dans quelques minutes est très importante. J’y présente ma nouvelle méthode pédagogique. Si le vice-doyen me donne sa confirmation vous serez la première génération à en profiter !
Elle chuchote presque. Nous sommes un peu à l’écart. Sa main accolée à mon bras me donne des frissons.

16 : 35

Je prends part à la réunion qui se termine enfin. Darla me prête un micro me permettant ainsi d’expliquer ma vision de vive voix. Je présente le contenu de mon flash avec brio : La présentation PowerPoint que j'avais préparée pour décrocher mon inscription.

Darla fascinée, me lance des regards d’admiration. Je vois une lueur de stupéfaction dans ses yeux. Elle ne s’est pas attendue à cette assurance de ma part.

Durant toute la réunion je prends des notes, et les adresses mails de certains professeurs et partenaires.
Le discours de Darla séduit l’auditoire. Tous les regards sont tournés vers elle. IMPRESSIONNANTE !
Je comprends enfin comment elle a réussi à monter dans l’estime et des étudiants et de ses collègues : la connaissance, la présence d’esprit, la touche subtile d’humour, tout cela majoré par son charme inné et son élégance.

Après la réunion, nous nous dirigeons vers la salle de cérémonie. Une grande estrade est dressée au fond de la pièce. Je reste à la table de Darla. Je passe la majorité du temps dans le silence, parfois elle m'invite à me présenter à des invités ou à donner mon avis. Je m'exécute timidement en quelques mots.
Le temps s'écoule très vite à ses côtés. On ne s'ennuie pas.

La vibration de mon téléphone me détache de ma concentration sur la petite fille de cinq ans qui pianote la fameuse « Por una cabeza » sur un piano gigantesque.

« Tu as terminé les cours mon grand ? Je suis en route. »

Impossible ! C'est fou comme le temps défile ! Il est dix-sept heures cinquante-cinq. Je suis sous l’emprise de cette belle atmosphère, absorbé par toute cette organisation. J’apprends chaque speech par cœur, avale chaque parole, me délecte de toutes les mélodies. Je me sens vivre.

J'écris un message à Noah pour lui expliquer la situation. De toute façon, le programme prend fin dans trente minutes selon l'animatrice.

Tout le monde se lève pour quitter la salle. Les rideaux se ferment sur l'estrade et les lumières s’allument de nouveau.

Il fait déjà nuit à l'extérieur, un mistral glacial s'amuse à lever les robes et les écharpes des femmes.

– Darla ma chère, tous les membres de la SME auront un dîner fermé. Ta présence compte vraiment, annonce la femme qui animait la réunion quelques heures auparavant.

La sexagénaire à l'air efficace et calme.

– Matilde, tu me connais très bien ! Je ne veux pas mettre le nez dans les affaires des politiciens ! gémit ma prof.

La femme met sa main sur la joue de Darla :
– Darla chérie ! Fais-moi confiance. Nous allons fixer les ABC de tout le programme de l'année. Nous devons être diplomates.

Darla semble perplexe, ne sachant pas quoi faire. Finalement elle cède.
– D'accord, je viendrai, lâche-t-elle finalement.

Matilde la serre dans ses bras un moment, puis se sépare d'elle.

– D'accord nous y allons directement, je t'envoie la localisation du restaurant sous peu.

Plus tard, nous rejoignons le parking Darla et moi. J'écris un message à Noah pour qu’il vienne me récupérer. Je dois avertir ma mère de mon retard, j’attends que Darla monte dans sa voiture pour lui passer un coup de fil.

– Vous montez ou pas ? Me demande-t-elle.

– Ne vous inquiétez pas pour moi Madame, un ami vient me chercher. Je ne veux pas vous causer du retard.

– Vous ne venez pas avec moi au restaurant ?

Cette question me déstabilise ! Un homme sensé ne refuse pas une telle invitation, mais un homme sensé avec seulement cinq dollars à la poche doit certainement refuser.

– Je ne veux pas vous déranger Madame !

– Mais non, votre présence compte vraiment. Le vice-doyen a l'air de vous apprécier. Vous me serez très utile.

Je suis tout confus. Je ne trouve pas les mots. Je n’ai pas les moyens de payer ne serait-ce qu’une entrée dans un restaurant à la carte. Ma tête fait mille tours à la fois.

– J'ai quelques empêchements familiaux.

– Pouvez-vous faire quelques efforts pour les reporter ?

Ses yeux de biche me séduisent de plus en plus. Et qui voudrait se séparer d'une telle femme ?

– D'accord, est-ce que je peux passer un coup de fil ?

Elle hoche la tête.

Désemparé j’écris un message à Noah. Je lui explique le pétrin dans lequel je me suis fourré, et lui demande de m’appeler en se faisant passer pour ma mère me recommandant de rentrer à la maison de toute urgence.

Je n'ai pas le choix !

Quelques secondes plus tard mon téléphone vibre :

« Va avec elle ! Tu n'as qu'à m'envoyer la localisation avant la fin de ton dîner, je serai là, je te prête la somme nécessaire ! Fais-moi confiance ! »

PDV de Darla :

C'est la première fois que l'un de mes étudiants m'accompagne dans un cadre non professionnel. D'ailleurs aucun étudiant n’est monté auparavant dans ma voiture. Le dîner, bien qu'il soit important, ne m'intéresse pas. J'ai déjà bien présenté et expliqué mon travail. Heureusement que ce jeune homme me tient compagnie. J'ai inventé tous ces mensonges pour le garder un peu de temps avec moi. Il peut prendre la parole à ma place. Sa présence n'est pas indispensable mais sa compagnie est vraiment utile.

Le reste du dîner se passe agréablement. Je me contente d'admirer le paysage tout en sirotant les verres de Champagne offerts par les serveurs.

A deux heures du matin, je décide finalement de rentrer chez moi. J’ai du mal à conduire ma voiture. Ma vision est floue, l'alcool et la fatigue aggravent la situation.

Finalement je décide de ne pas rentrer chez moi, je n'ai pas la force d’affronter ma belle-mère. Je change de direction vers mon appartement, pas très loin du restaurant.

En me garant dans le parking une voix m'effraye :
– Ou sommes-nous professeure ?

Je sursaute.
Oh mon Dieu j'ai oublié mon stagiaire !

Miss DarlaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant