Chapitre 30 :

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PDV D'Iram :

J'ai l'impression que les policiers exagèrent quant à la sécurité. Ils terrorisent tout le monde en ne cessant de gueuler leurs ordres même aux stars. Ils courent partout obligeant les gens à vider le pavé devant l'entrée.


Arrivant au point où tout le monde passe par la même entrée : stars et public !

Normalement, le public a son accès par la grande porte du Grand Rex, les scénaristes, les acteurs et les photographes devraient passer par la petite porte en arrière après avoir pris des photos. En arrivant, nous avons trouvé des barrières et un accueil des moins chaleureux !

- Accès fermé. Passez par la porte d'entrée principale.

-Monsieur, tenté-je d'expliquer en levant mon badge, nous sommes les acteurs du court-métrage de minuit, on nous a accordé...

- Passez par la grande porte, hurle-t-il.

Nous nous écrasons les uns les autres depuis une vingtaine de minutes pour atteindre la façade du Grand Rex !

- Les femmes en avant, nous allons les escorter jusqu'à la porte, lancé-je.

Muhamet s'exécute en mettant Matilde devant lui. En passant, il s'est avéré qu'ils sont mariés depuis quinze ans.

Pauvre Noah ! Il est fou d'elle !

J'avais l'impression de voir son regard malsain posé sur moi depuis le début. Il adore me taquiner ce bonhomme.


Nous avançons malgré la densité de la foule. J'entoure Darla de mes bras. Sa fourrure caresse doucement mon visage à chaque fois que je me penche vers elle.

- Fermez bien vos sacs, dis-je.

- A vos ordres chef, me répond Muhamet.

Sous mon étreinte, je sens la vibration de Darla à travers son dos collé à mon torse. Elle est certainement en train de rigoler.

- S'il vous plaît monsieur ! S'il vous plaît ! Respectez les autres. Vous n'allez quand même pas nous écraser pour passer.

Je pousse un type qui essaie de se coller à Darla sur sa gauche pour la devancer. Il n'a pas remarqué qu'elle est bien escortée, et donc il profite de sa féminité pour la désarçonner. Il manque de manières ce type. Il a même osé la tirer par le bras. Rien qu'en voyant quelqu'un d'inconnu qui la touche me gêne. Mon sang bouillonne. D'un coup sec, je le bouscule et l'oblige à reculer.

- Darla, le colis que je t'ai envoyé tout à l'heure.

- Oui ?

- Supprime Billy Wilder et mets Henry Petry.

Maintenant les deux femmes rigolent sans retenue. Sérieux ce Muhamet ? Il se moque de tout ce que je dis ?

Je sors mon téléphone pour vérifier l'heure et voir si Saja et Lucas m'ont contacté.

- Ce n'est pas la peine de chercher sur Google. Henry était le garde-corps de François Mitterand.

- Muhamet, laisse-le tranquille, lui ordonne Matilde en rétractant son sourire.

Nous stagnons depuis un moment en attendant qu'ils ouvrent officiellement les portes. Nous ne jouissons d'aucun droit de laisser-passer bien que nous fassions partie des invités d'honneur.

Ce ne sont pas les règles qu'ils nous ont communiquées il y a une semaine !

Darla commence à se fatiguer à cause de ses talons. Elle se laisse tomber de plus en plus dans mes bras. Elle est agoraphobe, et ça me rappelle le petit incident de l'ascenseur.

- Je n'ai pas de bonbon cette fois ci, soufflé-je doucement dans son oreille.

- Bonne mémoire.

Tout le monde commence à s'énerver. On vérifie les badges, on fouille les sacs et on fait passer les visiteurs un par un à travers le détecteur des explosifs.

- Vous fouillez jusqu'à l'os, lance quelqu'un dans la foule.

Darla ne peut plus se tenir debout. Je sens ses pieds qui vibrent.

De ma main gauche je la serre fort et la porte en haut. Je dois la porter dans mes bras afin qu'elle se repose un peu. En m'exécutant ma main se pose par le plus heureux des hasards sur sa fente, ce qui déclenche un contact direct avec sa peau.

Je sens un picotement sous mes doigts !

Elle a la chair de poule.

- Repose-toi un peu. C'est crevant de se tenir debout avec ces talons.

Juste pour l'informer que je veux l'aider et qu'elle enlève toute autre idée de sa tête.

Soudain les lumières s'éteignent, le public commence à siffler. Je prends Darla dans une étreinte plus serrée. Son agoraphobie lui jouera un sale coup certainement. Je pose ma tête sur son épaule lui confirmant ma présence. Elle n'est pas seule je suis à ces cotés.

- Je peux te faire sortir d'ici si tu veux.

- Non ça va, ça ira.

Et la grande cour s'allume de nouveau. On dirait une panne...

Le temps passe comme dans un rêve, nos respirations se mêlent à chaque fois qu'elle lève sa tête pour vérifier que la queue avance.

A ma grande surprise elle enfouit sa tête dans mon cou. Sa respiration chaude me brûle la peau malgré le vent glacial de Paris. C'est à mon tour maintenant de vibrer de tous mon corps.



PDV de Darla :

Finalement assise sur ma chaise, crevée. Je suis au premier rang étant donné que je serai le porte-parole du projet africain, Immigration du sang noir. C'est une place réservée aux diplomates : des ministres et des représentants de tous les pays. Matilde, toujours debout, se contente de saluer les approbateurs de notre projet.

Quant à moi, j'ai toujours cette sensation bizarre de vertige. Mon cœur se serre de plus en plus. Quelque chose ne va pas.

Mon téléphone vibre : « ça va ? »


Je note une réponse rapide à Iram qui est au cinquième rang derrière moi et reprends vite mon sourire envers mes interlocuteurs.

- Madame Harris ! Nous comptons sur vous en tant que notre première représentatrice officielle et bientôt notre première dame. Je suis de tout cœur avec votre projet, je vous approuve et je vous soutiens. Je vous rendrai service tout le long des élections.

Armanda Simpsons, chargée des affaires extérieures des USA. Nommée ministre de la Santé en 2016, elle n'a pas su garder le poste. En 2019, grâce à ses avis au sein de la vie politique, elle est revenue en force occupant les premières pages des magazines et des émissions télévisées. Sa présence ne m'étonne pas aujourd'hui puisqu'elle a travaillé sur le dossier des mines du Nigeria. Elle a défendu les enfants qui y travaillaient et a revendiqué leurs droits à l'éducation. Un coup de chance qui lui a permis la promotion jusqu'à ce poste, qu'elle occupe depuis quelques années.

- Madame, dis-je en serrant sa main, je vous remercie pour votre soutien.

Elle continue son discours élogieux tout en insistant pour s'asseoir à mes côtés. Elle a même échangé son siège contre celui de Matilde. Je connais bien cette femme. Je suis avant tout professeure de sociologie, j'ai donc une bonne idée sur la psychologie des groupes mais également la psychologie des individus au sein d'un groupe. Si elle parvient à convaincre tout le monde de son humanité, elle n'échappera jamais à mes doutes. C'est une femme qui adore les lumières. Elle usera des affaires les plus sensibles et manipulera les personnes les plus faibles pour atteindre les plus hauts postes. Elle n'agira comme sauveteur que lorsqu'elle craindra de perdre sa situation. Elle n'aborde que les personnes qui lui semblent utiles. Je suis la prochaine sur sa liste. Cependant, même si elle me colle durant toute la soirée elle n'obtiendra aucun service de ma part.

La queue des invitées arrive presque à sa fin, ce qui signifie l'entrée des personnes les plus éminentes. Le dernier groupe est constitué exclusivement d'Américains. Ça me semble un peu bizarre ! Tout est bizarre.

- On dirait à Hollywood. Lancé-je doucement à Matilde. Que des Américains en plein cœur de Paris.

- Notre dame, me dit Signor Pedro en me lançant son plus beau sourire.

- Notre première dame, me lance la directrice des universités de Washington.

A ce point mon projet est important ?

- Madame j'avoue mon respect le plus sincère à votre couple. A cet instant même chacun de vous galère pour notre état ! Vous remporterez le premier rang et il remportera le projet d'Edy Woods.

Edy Woods ? Le salopard ! Maintenant tout est clair, l'absence de mon mari durant ces mois, les dîners galas répétitifs, ces réunions jusqu'à minuit... Il compte investir dans ce projet pour pouvoir présenter sa candidature aux présidentielles américaines !

On lance la musique, annonçant le début du spectacle.


Miss DarlaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant