PDV de Darla :
_Je préfère le siège à gauche. Lança t-il
L'hôtesse de l'air nous conduit le long de l'avion jusqu'à l'espace avant la cabine de pilotage. Une déconnexion complète de ce qu'on vient de voir. Nous accédons à un espace isolé du reste de l'avion :
_Welcome to A380 business class !
J'ai voyagé plusieurs fois, mais je n'ai jamais vu un endroit aussi luxueux. La cabine dispose d'un bar au centre de la forme curviligne, séparant deux sièges : Lits pliants en option : masseurs automatiques avec téléviseurs devant chaque lit et une petite boîte intégrée dans le haut de l'avion conservant une variété de desserts sucrés et salés. Les projecteurs se reflètent sur le sol blanc, créant un éclairage calme et apaisant. Les autres petites lanternes à l'arrière projettent une lumière jaune très relaxante. . . du jazz en musique de fond, l'arôme qui règne m'est inconnue, se mêlant à l'odeur de la nourriture. Je ne peux distinguer que le dîner kraft.
L'hôtesse nous explique à quoi servent les dizaines de boutons sur les sièges. Nous sommes émerveillés par l'extravagance de ces gadgets, restés tout de même incompréhensibles.
L'hôtesse m'aide à broncher le téléphone et le mac afin de les charger. Puis elle se dirige vers le bar pour nous servir l'élixir onéreux de bienvenue : Deux verres de La Diva vodka, dans lesquelles baignent deux cerises.
_On vous serre le diner ?
_Euh je ne sais pas, Iram tu veux bien manger ?
Sans prendre la peine de me regarder dans les yeux, il se contente de prononcer des phrases incompréhensibles :
_Euh, comme vous voulez. Pas encore, j'ai pas très faim...
_Dans une heure peut être ! Dis je
_D'accord, si vous avez besoin d'un service n'hésitez pas à me biper à travers ce bouton. Je vous serre encore un verre ?
_Non merci, c'est très gentil.
Elle quitte finalement la cabine rassurée de notre satisfaction : Le chauffage, la musique, la nourriture. Elle sort en me laissant tête à tête avec Iram. Le silence règne à part les bips sonores de certaines machines.
Il évite tout contact visuel, un regard haineux, blessé. Je fais quelques tentatives pour entamer des discussions, mais il reste très avare en paroles. Il a tenté d'annuler son voyage en demandant la permission de le faire. Prétextant pouvoir travailler avec nous à distance. Il ne voulait pas m'accompagner ! Comme si l'affaire ne l'intéressait plus. C'était son plus grand rêve de transformer ses scénarios en film, c'était son idée, et c'est toujours son idée tout ça.
Il se plonge dans un silence très pesant.
_Euh tu veux voir la version finale du travail ou tu préfères te reposer un peu ? D'ailleurs ils ont mis ta photo sur le grand poster. J'ai insisté pour qu'ils ajoutent ton nom en gras.
_On se repose un peu, puis on commence.
_D'accord, comme tu veux. Oui tu as raison, il nous reste encore environ neuf heures de vol, on a tout le temps.
Il s'allonge sur son fauteuil met ses écouteurs et ignore complètement ma présence et mes paroles.
Jamais je ne me suis sentie aussi vulnérable qu'en ce moment. Les larmes me montent aux yeux. Son geste est très blessant. Il me déteste, ça y'est je l'ai perdu.
Les minutes s'écoulent. Un silence mortel m'empêche de profiter du moment présent. Je suffoque pour ne pas éclater en sanglot. Lui, allongé tranquillement. Je ne peux pas le voir, il y a le bar qui nous sépare.
Je me lève finalement pour récupérer un verre d'eau. Je n'arrive pas à déclencher ce robinet électrique. Après quelques tentatives, je reprends mon siège. Je ne suis pas prête à demander de l'aide de l'hôtesse. Les larmes se gélifient encore dans mes yeux sans s'écouler.
Je les ferme et respire... Mon seul envie est d'étouffer ma tristesse en plongeant le visage dans mes draps. Ce fardeau je ne le supporte plus.
Pip, pip, pip
Un son de moteur est mis en marche.
_Tenez.
_J'ouvre les yeux pour croiser les siens. Un verre d'eau à la main.
_Merci, prononçais- je en essayant de calmer mes pensées.
PDV D'Iram :
Tout ça ne me dit plus rien. Quand je pense à ma petite sœur qui, à son jeune âge, a dû mettre toutes ses fringues neuves sur la table.
J'ai été impulsif, en quête d'une sensation inexplicable. Mon travail avec elle était de l'addiction, un pur plaisir... à ses côtés, j'en oubliais ma vie, ma famille .. Je ne pensais qu'à nous, ce "nous" éphémère. J'étais dans une bulle exquise, je me heurte aujourd'hui à la dure réalité !
Je n'ai pas pu refuser la demande du doyen. Une visite à la maison et un café partagé avec ma mère avaient scellé ma décision. Je gagnerai un peu d'argent après le voyage, il me l'avait promis. Le prix du meilleur scénario était en jeu, mais ça ne pesait pas lourd sur la balance. J'étais dépité.
Ses yeux me torturent. Un regard plein de regret, mais le mal est fait.
L'appel de ma mère interrompt mes pensées :
_Maman
_Mon enfant tu vas bien ?
_ On monte dans l'avion d'ici quelques minutes, je vais bientôt éteindre mon téléphone...
_Bon courage, Darla est avec vous, vous vous êtes retrouvés?
_Merci, comment va Lonar ?
_ ça va elle joue avec tes cartes comme d'habitude, Darla t'a donné une idée du projet?
_Oui oui, le chauffage fonctionne toujours ?
_Oui, zéro panne.
_D'accord maman, je dois raccrocher...
_Mon fils, Darla n'est pas une mauvaise personne... Ne lui en veux pas s'il te plait...
_On en parlera maman, dis-je d'un ton ferme.
A l'avion et une fois dans la cabine, l'ambiance cosy me réconforte. J'aurai besoin de travailler de longues années pour m'offrir ce vol. Un cadeau offert dès ma première année, quelques mois après mon inscription.
Je mets mes écouteurs pour avorter toute tentative de contact en dehors du travail.
Je réalise que mon attitude est un peu blessante.
Ses yeux rouges combattent des larmes, je le vois avec peine. Elle se sert un verre d'eau pour camoufler son désarroi, c'est son habitude.
Je ferme les yeux, je m'en fous ce n'est pas mon problème ! J'ai eu cette sensation hier et j'ai trop pleuré également !
Soudain, mes sentiments prennent le dessus, je l'aide à satisfaire sa soif.
Je reprends tout de même ma place, l'air indifférent puis je recule, je ne peux pas, c'est plus fort que moi :
_Est -ce que ça va ? Dis-je
_Non ! Dit-elle en laissant échapper deux larmes.
Je la vois pleurer pour la première fois. Je suis bouleversé.
Je lui tends un mouchoir de ma poche.
Un silence mortel...
_C'est quoi ce monstre ?
_Monstre ?
Le papier n'était pas tout neuf, il porte un dessin en stylo bleu :
_Ah c'est Monsieur Fréderic, je le dessine souvent à l'amphi.
Elle laisse échapper un sourire :
_Il n'est pas comme ça Frédéric... Il est plus moche.
Je souris à mon tour.
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Miss Darla
RomanceIram Al Andaloussi, issu d'une famille de paysans, remporte un prix pour sa thèse en sociologie, une réussite qui lui ouvre les portes de la faculté de Washington, un rêve enfin exaucé. Privilège accordé, on l'intègre à Miss Darla pour passer son st...