La Mélodie des Plumes - Tome 1

Prologue

— Au feu ! Au feu ! La nurserie est en feu !

L'Eylien chargé de la surveillance de la nurserie atterrit en catastrophe devant le perron d'un petit regroupement de maisons. Un ailé jaillit de chez lui les cheveux en pagaille.

— Allez chercher des seaux ! Tous à la nurserie ! s'écria le Conseiller avant de déployer ses ailes et de s'élancer vers le ciel.

Tous les ailés présents s'éparpillèrent. Les plus robustes filèrent à tire d'aile en direction du bâtiment en proie aux flammes. Ils devaient sortir les œufs avant que toute la génération à venir ne parte en fumée. Les plus rapides formèrent une chaîne. Des seaux remplis d'eau commencèrent à circuler de mains en mains. Le précieux liquide giclait. Des cris stridents se firent entendre. D'autres personnes convergeaient vers l'incendie.

— Que quelqu'un fasse venir un Maglien d'eau ! hurla une femme.

— Il n'y en a pas ! Ils sont tous à l'Académie.

Tous redoublèrent d'efforts. La danse s'accéléra. Des escadrons arrivèrent en renforts portant de grandes et profondes toiles remplies d'eau. Des centaines d'attos d'eau furent largués. Les flammes faiblirent puis reprirent de plus belle. Elles continuèrent de s'élever, hautes et claires dans la nuit sans lune. Une fumée noire s'élevait dans le ciel, masquant les étoiles. Les Eyliens continuaient de verser de l'eau mais sans effet.

— Le feu ne s'éteint pas, Conseiller Ginny ! hurla un homme.

— Allez chercher le Maître du Temps ! ordonna l'intéressé.

— Deux de nos hommes les plus rapides ainsi que le Conseiller Taël sont déjà partis !

— Ils ne seront jamais assez rapide ! s'écria une femme un peu plus loin après avoir passé un seau. Tous les œufs auront brûlé d'ici là !

— Tous ceux qui n'ont rien à faire ! Venez avec moi ! Sortons-les de là ! ordonna Ginny.

Deux hommes se joignirent à lui. Tout trois plongèrent dans les flammes incandescentes. Le toit s'était déjà en partie effondré. Les œufs étaient à la merci du feu. D'autres Eyliens se relayaient déjà pour les tirer du brasier, à commencer par ceux qui se trouvaient au cœur de l'incendie.

Le Conseiller s'empara d'un grand drap. Il attrapa tous les œufs qu'il put et les entassa dedans. Ses plumes d'un blanc nacre commencèrent à roussir. Il les rétracta. La chaleur et le feu s'attaquèrent à sa peau. La fumée s'infiltra dans sa gorge et lui envahit les poumons. Une quinte de toux le prit. Finissant d'envelopper son paquetage, il se dirigea cahin-caha vers la sortie. Une poutre tomba devant lui projetant des flammes et des copeaux enflammés en tous sens. L'un d'eux se planta dans son bras. Il poussa un hurlement de douleur.

Sa vue se brouilla. Tout son corps le lançait. Il sentait presque sa peau fondre sur ses os. Ses vêtements se mêlaient à sa chair, s'y incrustait dans une odeur de brûlé. L'horreur était partout. Ici et là, des coquilles d'œufs brisés gisaient. Ils étaient parfois accompagnés du corps carbonisé d'un des ailés ayant tenté de les sauver. Une paroi s'effondra bloquant une sortie. De la poussière pénétra dans la gorge de Ginny. Il toussa. Ses genoux ployèrent, mais il tint bon. Il fit un pas, tituba. Il en fit quelques-uns de plus et manqua de perdre connaissance. Des flammes léchèrent ses jambes. Il se retint de crier. Une langue de feu se jeta sur lui. Il se recroquevilla pour protéger les œufs.

La nurserie était le seul endroit où les enfants à naître pouvaient se développer. Chaque œuf contenait un futur nouveau-né, un espoir pour leur peuple. Son regard tomba sur un corps à moitié enfoui sous une poutre consumée par la fournaise. Trop petit. Trop jeune. Un liquide poisseux collait encore à son corps tout flétri.