La Mélodie des Plumes - Tome 1

Chapitre 8 : Un nouveau venu

Des yeux verts, une voix douce, des cheveux bruns presque noirs et un nez légèrement tordu. Elune ne l'avait jamais vu. Pourtant, elle s'arrêta.

— Je sais ce que tu vas trouver à l'hôpital. Tu ne vas pas apprécier.

— Je dois vérifier que-

— ...tes amis vont bien. J'ai bien compris. Mais n'y va pas.

Elune lui jeta un regard mauvais. Elle dégagea sèchement sa main et s'aventura sur les lianes. L'intéressé ne se démonta pas. Il déploya ses ailes et vint se poser sur l'île suivante. Il lui tendit une main pour l'aider à se hisser sur la terre ferme. Elle l'ignora et se dirigea vers le pont suivant. Il s'interposa.

— Pourquoi tu t'entêtes ? A quoi ça va te servir ? A rien ! Tu vas juste te sentir coupable alors que ce n'est pas de ta faute !

— On ne se connait même pas, alors laisse-moi ! hurla-t-elle avant de se figer surprise par son propre coup d'éclat.

Elle détourna le regard incapable de soutenir le regard de l'inconnu. Blessé, celui-ci s'écarta et la laissa reprendre sa route. Elune se précipita vers les lianes. Au moment de s'engager au-dessus du vide, elle s'arrêta. Il n'avait pas bougé. Il se contentait de l'observer en silence.

— Pourquoi ?

Sa voix trembla.

— Pourquoi tu veux m'en empêcher ?

— Je sais ce que tu vas y trouver. Tu y verras des morts, des blessés et de la souffrance. Tu n'as pas besoin de t'infliger tout ça.

Ses paroles étaient censées. Elune hésita. Son regard se porta alternativement du pont de liane à son interlocuteur.

— Reste sur l'île comme le Maître te l'a demandé. Ne cherche pas à partir. Où voudrais-tu aller ? Les autres Magliens te trouveront. Tu devras alors soit te plier à leur volonté et t'entrainer avec Orlyë, soit faire à nouveau face à la justice pour un acte dont tu n'avais pas conscience.

Il lui prit à nouveau une main. Sa voix douce apaisa Elune.

— Entraine-toi. Apprends à contrôler ton don. Après seulement tu pourras aller les voir sans mettre tout le monde en danger.

— Je ne suis pas une Maglienne. Il n'y a aucun don à contrôler. Ne me donne pas de faux espoirs. Si je te crois, je vais encore une fois me rater. Ils verront tous que je n'en suis pas une. Tu te trompes sur moi. Sur l'Île bleue, on m'appelait ''la ratée'' ou ''la cassée''. Tu sais pourquoi ? Parce que c'est ce que je suis. Une erreur de la nature. Une intrue.

Son interlocuteur fronça les sourcils. Elune retint un sanglot. Elle ne savait rien de lui, mais elle avait besoin de vider son sac. Il lui fallait dire à haute voix tout ce qui lui pesait sur le cœur. Il partirait. Il se comporterait comme tous les autres et la laisserait à son éternelle solitude. Elle s'en fichait.

— A ton avis, pourquoi je me balade toujours seule sans familier ? Pourquoi est-ce que je construis des ponts au lieu de voler ?

Elle retint à nouveau un sanglot. Jamais auparavant elle ne s'était autant livrée. Même à ses amis les plus proches.

— Parce que-

— Ne me dis pas.

La voix de l'inconnu claqua. Son ton n'était pas dur. Il avait parlé calmement. Elune se tut puis fondit en larmes. L'étranger la serra dans ses bras pour la réconforter. Elune ne chercha pas à se défaire de son étreinte. Elle continua de pleurer sans discontinuer sur son épaule jusqu'à ce que ses pleurs se tarissent. Alors seulement elle s'écarta. Ses yeux étaient rouges et ses joues humides, mais elle se sentait mieux.