Chapitre 47 : En attendant Loëry

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Lorsque les Gardiens de l'Equilibre et leur prisonnière arrivèrent à l'Île des Pierres. Orlyë les attendait déjà de pieds ferme toujours vêtu de son habituel bure nouée à la taille par un ceinturon. Son Artefact pendait à son côté. Le lourd ouvrage bien en évidence, Orlyë se tenait au milieu de la prairie herbeuse de l'île. Feynor, fidèle à lui-même, restait légèrement en retrait. La majorité des Gardiens de l'Equilibre restèrent en vol stationnaire. Les plus proches d'Ylkad atterrirent. Ce dernier récupéra la poignée qui tenait Elune attachée. Il pivota un cran sur celle-ci puis se rapprocha de sa captive. Nonchalamment, il posa sa main gauche sur sa nuque et la força à avancer.

— Si tu fais seulement mine de te servir de ton don, je n'aurais pas besoin de faire d'efforts pour t'en empêcher, murmura-t-il à son oreille. Contente-toi de faire tout ce que je te dis et tout ira bien. Et pas un mot. Si j'entends le moindre couinement de ta part, je me ferais un plaisir de te le faire regretter.

Suivi de près par Dusane et Zafar, Ylkad s'avança vers Orlyë. Les deux ailés se toisèrent.

— Où se trouve Loëry ? lança Ylkad de but en blanc.

— Il ne viendra pas.

— Vraiment ? insista Ylkad sarcastique.

Il fit tinter la chaîne qui le reliait à Elune.

— Combien de temps si je m'en sers ?

Loin de suivre la conversation, Elune gardait les yeux rivés sur Feynor. Immobile derrière Orlyë, il gardait la tête baissée. Ses bras pendaient légèrement.

— Vous pourriez la tuer, il ne viendrait pas, répliqua Orlyë d'une voix parfaitement maîtrisée.

— Et vous ne comptez pas l'aider ? le piqua Ylkad sûr de lui.

— Elle ne possède pas le don originel. Elle n'a d'importance ni à mes yeux, ni à ceux de Loëry.

— Dans ce cas vous n'y verrez pas d'inconvénient si je vous en débarrassais.

Sur ces mots, Ylkad entraîna Elune jusqu'au bord de l'île. Celle-ci se débattit. Ylkad était bien plus fort qu'elle. Une fois arrivé au bord, l'ailé la tint au-dessus du précipice et fit mine de la pousser.

— Non !

Le cri, provenu d'Orlyë, fit se figer Ylkad. Il se tourna vers son interlocuteur sans pour autant lâcher Elune.

— Cette jeune demoiselle aurait-elle finalement le moindre intérêt aux yeux du grand Orlyë ? Elle qui n'a ni ailes ni familiers ?

Orlyë plissa les lèvres. Malgré son air voulu calme et contrôlé, Elune aperçut ses épaules se crisper et ses jointures blanchir. Ylkad fit craquer ses vertèbres puis poussa son avantage jusqu'au bout.

— Si elle compte vraiment, servez-vous vos grands pouvoirs pour la sauver.

Un ricanement général se fit entendre parmi les ailés. Tendue comme un arc, Elune sentait ses pieds glisser inexorablement vers le vide. Sous elle, seul le néant s'étendait. Elle planta ses talons dans le sol mais ne parvint qu'à accélérer le mouvement. Une pluie de gravillons se détacha de l'île. Elle se sentit partir. Ylkad la rattrapa et la ramena devant lui. Figée, Elune fit à nouveau face au Maître du Temps. Si Orlyë restait de marbre, Feynor, lui, avait bougé.

La tête relevée, ses yeux brillaient d'un étrange éclat violet qu'Elune n'avait jamais remarqué chez lui. Dans ses mains auparavant vides, deux larges bracelets dorés entrouverts apparaissaient. Lentement, il se glissait dans le dos de son maître. Inconscient du danger qui le guettait, Orlyë continuait d'échanger avec Ylkad. Le ton montait entre eux. Piqué au vif par le coup bas de l'Eylien, le Maître du Temps se défendait verbalement du mieux qu'il pouvait. Mais il fallait se rendre à l'évidence. Il était acculé.

La Mélodie des Plumes - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant