La première heure du jour était déjà bien entamée lorsqu'Elune s'éveilla. Elle repoussa fébrilement les draps, cherchant ses repères. Elle passa une main pour réorganiser ses cheveux bruns emmêlés puis brossa ses vêtements déchirés pour leur donner un aspect moins miteux. Poussée à bout par la journée passée et par ce dont elle avait été témoin, elle s'était assoupie. Encore un peu vaseuse, elle se leva et ouvrit les placards avant de se rendre compte de la stupidité de son geste. Ils ne s'étaient pas remplit dans la nuit. Sa gorge sèche la rappela à l'ordre. Se nourrir pouvait attendre. Elune passa la lanière de son sac par-dessus son épaule et sortit sa gourde. Debout devant le buffet, elle plaça une main au-dessus du goulot ouvert.
— Níeta lendë.
Un petit nuage apparut et se mit à déverser son contenu. Mains en entonnoirs pour capter un maximum de gouttes, Elune parvint à remplir sa gourde. Alors qu'elle la rebouchait, elle s'attarda un instant sur la vitre. La vision du corps flasque du quokka, traverser le carreau pour s'écraser inerte sur la pelouse desséchée, la hantait. Même là, elle pourrait jurer entendre le bruit de verre brisé et le couinement de douleur du familier.
Une ombre passa devant la vitre. Elune plongea au ras du sol. Une silhouette vint obstruer le rayon de lumière qui pénétrait dans la maisonnette. Puis elle disparut. Elune demeura immobile quelques instants. Que faisait un ailé à cet endroit ? Des sons de battements d'ailes parvinrent à ses oreilles. Elune se précipita vers la porte. Des éclats de voix de l'autre côté l'arrêtèrent en pleine course.
— Lâche-moi les plumes, Herio. J'ai vu un truc bouger.
Elle tourna les talons et se précipita derrière le rideau. Son regard tomba sur le placard entrouvert au pied du lit. La poignée de la porte d'entrée tourna. Elune se glissa dans l'espace exigu et ferma la porte. Coincée entre le mur en pierres inégales et le plafond bas, elle se recroquevilla.
— Si on arrive encore en retard, j'en connais une qui va s'énerver.
— Ondë ? Laisse-la tranquille, elle s'est levée de la mauvaise aile ce matin. Je jette juste un œil, on en a pour dix secondes.
Des pas se rapprochèrent.
— Zafar, je suis sérieux, reprit celui qui se prénommait Herio. Le Gardien t'a déjà fait des remontrances hier pour avoir laissé partir la fille.
— T'es encore là-dessus ? J'aurais dû la capturer juste par ce qu'elle ressemblait vaguement à la description du Gardien et n'avait pas son familier avec elle ? Je vais pas chopper toutes les brunes qui passent non plus ! C'est pas comme si c'était l'élève du Maître du Temps. Ces Magliens de malheur roupillent sur l'Île des Pierres. Qu'est-ce qu'elle ficherait seule dans le coin ?
Elune se mordit la lèvre. Kahen avait disparu au moment où elle avait croisé les Eyliens la veille. Il n'était pas revenu depuis. Où était-il ?
— Dépêche-toi, moi je rentre pas, râla Herio.
Les pas se rapprochèrent.
— Herio ?
— Je ne rentre pas je te dis.
— Un pot cassé et de l'eau partout ça te suffit pour te la ramener ?
— Pardon ?
Elune se mordit la lèvre. Les gouttes de pluie du petit nuage étaient tombées sur le buffet. Elles n'avaient pas eu le temps de s'évaporer.
— C'est vieux de quelques minutes tout au plus, déclara Herio après un long silence.
Un chuintement métallique figea le sang d'Elune dans ses veines.
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La Mélodie des Plumes - Tome 1
FantasySur les terres eyliennes, seule la mort attend ceux qui ne peuvent pas voler. Née sans ailes, Elune est donc condamnée. Mais lorsqu'une sécheresse sans précédent se déclare et que tout ce qu'elle connaît part en fumée, Elune se retrouve coincée ent...