La Mélodie des Plumes - Tome 1

Chapitre 7 : Premier cours

Elune ouvrit les yeux sur le plafond de sa chambre. Il lui fallut un temps pour se remémorer les évènements de la veille. Elle n'y croyait pas encore totalement. Coincée entre rêve et cauchemar, elle attendait avec impatience le moment où elle se réveillerait. Tout ne pouvait pas être réel. Elle contempla ses mains. Elle n'était pas une Maglienne. Cette certitude pulsait auparavant en elle tel un refrain d'une chanson. Pourtant, elle n'en était plus si sûre. Lorsqu'elle avait avalé la graine, autre chose s'était éveillé en elle. Une chose qu'elle ne contrôlait pas, qu'elle ne connaissait pas, mais qui existait.

Elle se leva et se changea. Lorsqu'elle passa devant un miroir, elle se figea. C'était à peine si elle se reconnaissait. Rien, pourtant, n'avait vraiment changé. Ses cheveux bruns encadraient toujours son visage et retombaient dans son dos sans former la moindre boucle. Elle était toujours aussi petite. Son visage rappelait toujours celui d'un enfant de douze ou treize ans. Son ventre grogna. Sa faim était revenue. Ses maux de tête s'étaient envolés dès l'instant où elle avait avalé la graine de l'Arbre. Elune ferma les yeux.

— Toutes les charges sont abandonnées mais elle devra suivre un entraînement afin d'éviter que d'autres accidents ne se produisent ! avait conclu Marlä.

La sentence était tombée.

Son destin était scellé.

Sans prévenir, le Maître du Temps l'avait empoignée par le bras et traînée vers un Maglien debout à l'écart. Celui-ci avait fait apparaitre un portail. Ils l'avaient franchi. Ils s'étaient retrouvés à l'air libre, sur une île eylienne. Une seule bâtisse s'y dressait. En quelques mots, Orlyë lui avait expliqué que c'était en ces lieux qu'il vivait. Il en serait de même pour elle tout le temps de sa formation. Et sans plus lui demander son avis, il l'avait emmenée jusqu'à une chambre vide et ordonnée de se reposer. Elune avait voulu répliquer mais la fatigue l'avait rattrapée.

Elune poussa un long soupir. L'énergie qui l'avait envahie lorsqu'elle avait mangé la graine l'avait désertée. Il ne restait à présent que le vide. Une affreuse sensation de manque au creux de son ventre. La faim ou le désir de pouvoir reprendre une graine ? Sans qu'elle ne sache comment ni pourquoi, son corps réclamait cette source de vitalité. Le miroir le lui renvoyait de manière évidente. Une seule graine avait suffi pour lui rendre ce qu'elle avait perdu au cours de la semaine passée. D'ordinaire assez maigre, elle était presque devenue squelettique. Une graine et une nuit avaient suffi à l'effacer.

Si on se contentait de l'observer de loin, il serait impossible de deviner que quelque chose s'était passé. Pourtant, de près, un détail sautait aux yeux. Ses iris avaient perdu leur couleur vert pomme pour s'assombrir. Une majestueuse couleur vert émeraude dansait dans son regard, unique preuve de ce qui s'était éveillée en elle, de sa véritable nature. D'Eylienne sans ailes ni familiers, elle était devenue une Maglienne. Restait à voir s'il s'agissait de la vérité ou d'une autre erreur de la nature.

Elune avala son petit-déjeuner à toute vitesse ravie de pouvoir satisfaire la faim qui lui tordait les entrailles. Elle venait tout juste de finir lorsqu'Orlyë passa le pas de la porte. Il ne lui adressa ni la parole ni ne lui offrit le moindre sourire ou signe d'encouragement. Il se contenta de lui ordonner de le suivre. Elle s'empressa de lui obéir. Le Maître du Temps l'emmena au dehors jusqu'à une prairie dégagée. Parmi l'herbe rase, un cercle de petites pierres se dessinait. Tout l'intérieur était couvert de sable blanc. Le Maître s'y dirigea sans la moindre hésitation. Il s'assit à l'intérieur et invita d'un geste Elune à en faire autant. Nerveuse, elle s'exécuta.

— Que sais-tu des Magliens ? lui demanda-t-il de but-en-blanc.

Surprise par sa question, Elune resta muette.