La Mélodie des Plumes - Tome 1

Chapitre 11 : Sans espoirs ?

Ce ne fut ni détendue ni reposée qu'Elune retourna à sa chambre, mais bien plus perturbée et pensive. Même les commentaires désobligeants de Feynor et le regard froid d'Orlyë ne la sortirent pas de ses pensées. Elle ressassait les explications de Loëry sans savoir quoi en faire. En parler ou se taire ? Instinctivement, elle préféra ne rien dire et réaliser des recherches préalables. Le dernier commentaire de Loëry continuait de la chiffonner. Elle était absolument certaine de ne pas avoir mentionné le refus du Maître du Temps de faire d'Admar son successeur, même temporaire, mais il en était informé.

Elune reposa sa cuillère dans son assiette à peine entamée. Elle avait surpris une conversation privée entre deux des plus éminents Magliens existant. Le hasard avait voulu qu'elle se soit trouvée au bon endroit au bon moment. Involontairement certes, mais tout de même. Logiquement, Loëry n'avait pas pu se trouver là. Comment avait-il obtenu cette information alors ?

Orlyë lui adressa un regard insistant. Elle replongea sa cuillère dans sa soupe et la porta à sa bouche. A mi-chemin, elle se figea, posa la cuillère et se massa les tempes. Un autre détail de la conversation entre les deux Maîtres venait de lui revenir. Les interférences n'étaient pas censées exister. Tout comme le fameux diamant dont ils avaient parlé. Qu'était donc cette pierre apparemment si importante ? Orlyë avait parlé de la recréer et avait refusé d'aider Admar, quitte à ne pas choisir de successeur et laisser périr tous les Eyliens.

— Un problème ? demanda le Maître du Temps.

— Je n'ai pas faim.

Elune se leva et quitta précipitamment la pièce. Elle se dirigea vers une pièce qu'elle avait aperçu plus tôt : la bibliothèque. Une fois arrivée, elle commença à farfouiller dans les rayons. Si elle voulait obtenir des réponses, il lui fallait découvrir ce qu'était le diamant. Comment l'avaient-ils appelé déjà ? Le diamant primitif ? Un soupir désespéré lui échappa. Cela pouvait être n'importe quoi. Après réflexion, elle prit un livre sur les pierres précieuses, un sur les phénomènes rares en magie et un autre sur les Artefacts. Après une brève hésitation, elle y ajouta un livre de légendes. S'il n'était pas censé exister, peut-être une légende ou un conte avait-il été écrit à son sujet. Une fois dans sa chambre, elle entama, sans grande conviction, sa première lecture.

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La lune suivante renvoya le premier cours au rang d'amuse-bouche. Orlyë devint exécrable. Il n'hésita pas à la lever avant le début du jour et à poursuivre son cours jusqu'à ce qu'elle crie grâce. Elune passait désormais ses matinées à devoir tenter de résister aux afflux d'émotions contradictoires que le Maglien de l'Esprit lui infligeait. Pas une fois elle n'y parvint. Rapidement, elle perdit le compte du nombre de fois où elle avait crié, pleuré, râlé ou rit sans aucune raison apparente. Les cours s'allongèrent. La torture se poursuivit. Elle ne progressait pas. Chaque nouvelle leçon était un supplice mental. A force, Elune finit par abandonner.

La moindre tentative de résister lui collait un mal de crâne abominable qui ne partait pas de la journée. Le reste du temps, elle se traînait comme une larve jusqu'à sa chambre ou une île voisine pour avoir de la tranquillité. Ce petit jeu avec son esprit commençait à lui faire perdre la tête. Elle ne distinguait plus la joie de la souffrance, la colère de la tristesse, l'envie du désespoir. Tout se mélangeait. Avec le temps, elle eut de plus en plus de difficultés à distinguer ses propres ressentis de ce qui lui était imposé. Ses sautes d'humeur se firent plus fréquentes et plus violentes.

Loëry se fit lui aussi plus distant. Il venait moins souvent la voir et leurs échanges se limitaient à des banalités. L'état d'Elune et leur discussion à propos d'Orlyë avait créé entre eux une barrière que ni l'un ni l'autre ne cherchait à abattre. Malgré tout, sa présence était des plus bénéfiques à Elune. Constamment entourée par la haine de Feynor et le regard glacial du Maître du Temps, le sourire et la douceur de Loëry lui permettaient de ne pas se noyer. Un jour, alors qu'elle sortait d'une leçon des plus épuisante, il décida de reprendre les choses en main.