Chapitre 31 : Se dérober ou assumer ?

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— Comment ? osa Elune sans pour autant détacher son regard du minuscule oiseau blottit dans ses paumes.

— Tu m'avais parlé une fois de ce qu'il s'était passé juste avant l'accident sur l'Île bleue. Tu avais notamment mentionné le dictionnaire d'Ancien Langage que je t'ai apporté tout à l'heure. Le sort d'inaltération de Marlä l'a empêché de brûler dans l'incendie. Après le procès, comme il appartenait originellement à Aknaël, je me doutais qu'il lui avait été rendu. Et comme le Maître t'a donné l'autorisation d'apprendre l'Ancien Langage, j'ai pensé qu'il te faudrait un manuel.

Il soupira. Son regard se perdit au loin.

— J'étais à deux doigts de partir pour l'Académie lorsque je me suis rappelé l'existence de ce dictionnaire.

Il hésita.

— Ce n'est pas aussi pratique qu'un véritable manuel, mais passer à l'Académie aurait été compliqué.

Elune détacha ses yeux de Kahen et lui jeta un regard interrogateur. L'intéressé se tordit les mains avant de les plaquer contre le toit de tuiles.

— En réalité, très peu de personnes me connaissent.

— Combien ?

Loëry tressaillit.

— Désolée, bafouilla-t-elle. Je n'aurais pas dû demander.

— Ce n'est rien. Pour être exact, presque personne ne sait que j'ai été l'élève du Maître. A vrai dire, il n'y en a qu'une.

Il baissa les yeux.

— C'est toi.

Perdue, Elune ne sut comment réagir.

— Et ta famille ? parvint-elle finalement à répondre non sans buter sur le mot tant elle n'avait pas l'habitude de l'employer. Tu disais en prendre soin. Ils ne savent pas ?

— Je ne connais qu'une personne de ma famille, corrigea-t-il à mi-voix. Et oui, elle le sait.

— Alors ça fait au moins deux, non ?

Loëry haussa les épaules.

— Si j'étais passé à l'Académie, j'aurais peut-être dû dire qui j'étais. Ça n'aurait pas été très discret.

— Est-ce un mal que les gens te connaissent ?

Il se recroquevilla et passa ses bras autour de ses jambes avant de poser son menton sur ses genoux. Dans cette position, il semblait aussi fragile qu'un enfant le jour de son premier envol. Perdu au milieu de l'immensité du ciel, il n'était qu'une seule plume parmi toutes celles qui composaient les ailes d'un oiseau.

— Il ne vaut mieux pas. Les choses sont suffisamment compliquées comme ça. Si les Eyliens découvraient mon existence et mon don, ils me forceraient à l'utiliser pour régler les problèmes de sécheresse. Sauf qu'en l'état actuel, je ne pourrais pas. Il existe bien une solution, mais elle est inenvisageable.

Il ferma les yeux. Sa voix se brisa. Elune n'osa pas pousser le sujet plus loin malgré toutes les questions qui lui brûlaient la langue. Les longues heures passées seules sur l'Île bleue lui avaient appris au moins une chose : forcer une personne à se confesser était souvent contreproductif. Elune se rembrunit. Elle s'était toujours efforcée de s'y tenir, mais au vu des circonstances le silence risquait de leur coûter bien plus cher que des aveux. Elle respecta néanmoins son mutisme. Avec le temps, peut-être apprendrait-il à se confier ? Tout irait pour le mieux s'ils ne commençaient pas à en manquer.

— Comment as-tu retrouvé Kahen ? demanda-t-elle pour changer de sujet.

Loëry lui jeta un regard reconnaissant avant de se redresser et de répondre.

La Mélodie des Plumes - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant