La Mélodie des Plumes - Tome 1

Chapitre 30 : La deuxième surprise

Le lendemain matin ne fut pas plus différent des autres. De l'accident de la veille, il ne restait à Elune qu'une vague douleur au sommet du crâne et une petite bosse invisible sous ses cheveux. Orlyë fut tout aussi intraitable à son habitude et Elune ne parvint pas non plus à garder le contrôle de son don une fois qu'elle avait commencé à utiliser son Artefact. Ce jour-ci, le Maître du Temps tint à mettre fin à leur cours une heure plus tôt qu'à l'accoutumée prétextant que c'était inutile de poursuivre ainsi. Son élève ne le contredit pas trop heureuse de pouvoir quitter le cercle des pierres sans ombre. Même la légère brise qui avait soufflé dans la matinée n'avait pas réussi à la rafraîchir. Le vent chaud transportait des grains de poussière et du sable. Juste avant de retourner se réfugier dans la bâtisse, Elune jeta un regard vers l'Est.

De l'endroit où elle se tenait, elle ne pouvait apercevoir les autres îles eyliennes. A quel point le désert avait-il reprit ses droits sur les îlots ? Quels lieux étaient encore cultivables ? Combien de temps leur restait-il avant que les Eyliens se mettent à mourir de faim et de soif ou avant qu'ils ne commencent à se battre pour obtenir les ressources vitales ? Les paroles d'Ylkad, le chef du mouvement qui cherchait à forcer la main au Maître du Temps, lui revinrent en mémoire. Dans une lune, ils passeraient à l'action. Elune serra les poings. Depuis toute petite, les autres enfants eyliens l'avait mise à part à cause de son handicap. A présent, elle devait être une des rares personnes à connaître une solution à leur situation. Elle devait absolument trouver l'enfant d'Orlyë, celui qui déclenchait les interférences et empêchait le Maître d'utiliser son don. Et si le principal intéressé restait passif face à la souffrance de son peuple, alors c'était à elle d'effectuer le travail à sa place. Il lui fallait obtenir plus d'informations.

Son regard croisa celui d'Orlyë. Celui-ci l'observait, immobile au centre du cercle de pierres. Il tourna son visage vers l'Est puis il la regarda à nouveau une lueur désolée dans les yeux. Elune cilla. Le Maître du Temps se détourna. Avait-elle rêvé ce regard ? Probablement. Jamais son Maître n'avait montré la moindre compassion pour les eyliens. Reclus sur son île depuis des années, le peuple qu'il devait protéger doutait même qu'il soit encore en vie. Était-il réellement conscient de la souffrance des siens ? A vrai dire, Elune n'en savait rien.

En traversant le rez-de-chaussée, elle nota l'absence de Feynor. Son renard, lové sur un coussin dans un coin, se morfondait. Il n'hésita pourtant pas à montrer les dents lorsqu'il aperçut Elune. Feynor avait dû s'en aller au marché. Elle jeta un regard dans le cellier. Celui-ci était déjà plein. Elle vérifia le niveau de leurs réserves d'eau. Il était assez haut pour au moins deux jours. Son départ de l'île n'était donc pas lié à un manque. Elune haussa les épaules. Au fond, elle s'en moquait un peu. Avec ses ailes, il pouvait aller où bon lui semblait et quand il voulait. Lui au moins savait contrôler son don. Il n'était pas non plus coincé pour plusieurs jours sur une île après s'être fait traîner comme un malpropre par des Eyliens en colère. Elune se massa doucement les côtes. La douleur se résorbait. Sous peu, elle pourrait sans doute quitter l'île sans que Loëry ne trouve à y redire.

Elle consacra le reste de sa journée au rangement de la bibliothèque et ne s'arrêta qu'à deux reprises pour grignoter quelque chose. La nuit avait depuis longtemps remplacé le jour lorsqu'elle pénétra dans sa chambre. Seule, elle n'était parvenue à réorganiser que la moitié des rayons mais c'était déjà un bon début. Elle était aussi retournée voir le livre à couverture mauve espérant qu'une autre scène se présente à elle. Sans succès. Même en le secouant et en le frottant, il était resté aussi inerte que les autres ouvrages de la bibliothèque. Et mirabelle sur la pâtisserie, elle n'était parvenue qu'à soulever encore plus de poussières.

Les bras lourds et les muscles douloureux à force de porter des piles de livres bien trop hautes, Elune se laissa tomber sur son lit. Quelques coups frappés à la fenêtre l'obligèrent à se relever.