Existence - Tome 1 [TERMINEE]

Chapitre 15 Soudain tout est clair

8 p.m

Je sors de la douche et presse mes cheveux, tête en bas, dans ma serviette pour enlever au maximum l'eau. Je relève la tête vivement et attrape ma brosse. Je m'applique à enlever tous les nœuds et finis par faire une grosse tresse épi à l'arrière du crâne. Je me sèche rapidement le corps et enfile mon pyjama pilou pilou favori. Je me regarde dans le miroir sans trop savoir quoi vraiment regarder. Dans le reflet, je ne vois que moi. Qu'est-ce que les autres voient ? La femme cassée psychologiquement, défectueuse ou juste... moi ?

Je secoue la tête de droite à gauche pour penser à autre chose. C'est toujours pareil, l'effet de ces cachets agit quasiment instantanément. J'en ai pris un il y a trois heures et je me sens déjà plus calme, moins impulsive. Mais la même question me revient sans cesse et me taraude l'esprit. La vraie moi, c'est celle avec les pilules ou sans les pilules ?

J'inspire et compte jusqu'à trois puis expire. Je réitère l'opération pour me donner tout le courage dont j'ai besoin pour affronter mes colocataires. 1, 2, 3. Expire. J'ouvre la porte de la salle de bain et j'entends des bruits dans la cuisine. Inspire. 1, 2, 3. Expire. Je laisse glisser mes chaussettes assorties à mon pyjama sur le parquet, un peu comme un enfant le ferait. J'arrive au bout du couloir, l'endroit où j'ai "espionné" mes colocataires ce matin. Je m'approche un peu plus juste pour avoir une vue sur la cuisine.

Amery prépare à manger, des lasagnes je crois. Mon ventre hurle à l'odeur de ces dernières, comme une idiote je me recroqueville pour éviter qu'il attire l'attention sur nous et lui susurre des petits "chut" comme s' il s'agissait d'un être à part entière. Je repasse discrètement la tête une fois mon estomac calmé, j'ai pas l'impression qu'on m'ait entendu. J'expire profondément de soulagement. Un peu plus loin, Marlon met la table tandis qu'Adena ouvre une bouteille de vin. Tous les trois sont dans une synchronisation parfaite, un peu comme ces nageuses artistiques qui font des rosaces avec leurs corps.

- T'espionnes encore ?

Je sursaute et me retourne vivement. Nolan a le bras posé contre le mur au-dessus de ma tête et son corps est appuyé contre. Je suis étonnée de le voir encore ici, c'est chez lui je sais. Mais depuis trois semaines que je vis ici, j'ai du le voir à l'appartement que quatre ou cinq fois.

- Je n'espionne toujours pas. Rappelle-moi de te montrer un James Bond un d'ces quatre.

- Il secoue la tête négativement, ce n'est pas mon truc les films.

- Quoi ? Mais les films sont le truc de tout le monde.

- A part moi faut croire. Il hausse les épaules et se redresse, bon tu viens.

Je le regarde en fronçant les sourcils. Il prend le chemin de la cuisine comme pour m'ouvrir la voie. Étrangement, sa présence dans cette pièce me rassure. Il parait normal vu d'ici, bien loin du bagarreur de rue que j'ai vu hier. Ici, il ne se bat pas, il ne vend pas de drogue et il semble plus calme. Un peu comme si notre colocation était sa bulle, une bulle de légalité.

J'inspire fort. 1, 2, 3 et expire de la même manière. Je sers les poings une minute, ou peut-être dix et entre dans la cuisine. Nolan s'est installé à table et s'est servi une bière. Je ne crois pas que boire un verre de plus aujourd'hui m'aidera mais je me sers tout de même du vin et sers les autres. Je ne dis pas un mot et de toute façon, je ne saurais quoi dire. Amery pose les lasagnes au milieu de la table et tout le monde s'installe. Comme par habitude, tout le monde prend les mêmes places sauf que cette fois-ci, j'ai Nolan en face de moi. Il me semble qu'il s'agit du premier repas qu'il fait avec nous.

Adena entreprend de servir tout le monde dans un silence toujours aussi pesant. Je souffle silencieusement ne sachant pas quoi faire pour débloquer la situation. Je ne sais même pas si je leur en veux vraiment. Finalement, ils sont comme tout le monde. Pourquoi je les blâmerai pour dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas..? J'attrape une fourchette de lasagne et l'apporte à ma bouche. C'est toujours aussi bon, Amery est vraiment un excellent cuisinier.