Existence - Tome 1 [TERMINEE]

Chapitre 44 A mi chemin

9 p.m

- Jam lâche cette bouteille.

- Non, non. Ma cicatrice. Je dois nettoyer ma cicatrice !

J'essaie d'attraper le bouchon qui s'est glissé sous ses grosses bottines mais il ne veut pas lever son pied. Je tire du mieux que je peux en le poussant mais cet idiot ne bouge pas d'un poil. Bien, qu'elle aille en enfer cette plaid de merde qui me ramène à chaque fois à cette nuit là. Qu'ils aillent tous en enfer.

- Jam...

Je ne l'écoute pas et me relève avec rage. Je passe devant lui et attrape la petite poubelle dans la salle de bain avant d'entrer à nouveau dans ma chambre qui ressemble bien plus à un champ de bataille maintenant. Il reste campé à l'entrée de la pièce et je ne souhaite qu'une chose, c'est qu'il s'en aille, comme il a l'habitude de le faire.

Je me rapproche du verre cassé sous la fenêtre et entreprends de ramasser les morceaux. Je crois discerner mon reflet dans les fragments de glace mais je ne me reconnais pas. Me suis-je déjà connue de toute façon ? Je ne crois pas avoir été aussi proche de la vrai moi que depuis que j'ai envoyé en l'air cette bibliothèque.

- Jam.

- Arrête de me parler ! Je lui hurle, gravement.

Les débris de reflets s'entassent un à un dans la corbeille dans un vacarme grotesque. J'ai l'impression qu'ils résonnent dans ma poitrine comme un milliard de voix oppressantes.

- Tu vas te faire mal.

- Je ne suis pas en sucre Nolan ! Je me retourne.

Je lâche une lame brusquement dans ma hâte et m'entaille la paume d'une grosse balafre. Je ne peux m'empêcher d'échapper un cri strident qui sort mon colocataire de sa bulle paisible. Il accourt vers moi et se laisse tomber à mes genoux. Il souhaite attraper ma main pour regarder l'étendu des dégâts mais je le repousse brutalement.

- Il faut soigner ça Jam !

- Non ! Et puis qu'est-ce que tu fais là d'abord ?!

Il m'analyse en silence pendant ce qui me semble être une éternité et baisse les yeux. Est-ce de la honte où juste son égo surdimensionné qu'il tente de réprimer ? J'aurai tendance à pencher pour la deuxième option.

Le sang coule copieusement de ma main et vient s'attarder avec toutes les autres tâches que j'ai semé sur mon parquet. La décoration est mieux ainsi, elle me ressemble beaucoup plus. Peut-être que je devrais repeindre les murs en noir pour être en total adéquation avec la lutte qui se joue dans ma tête.

Comme une tornade, les casiers de mon esprit s'ouvrent un à un laissant s'envoler les multitudes de feuilles entassées à l'intérieur. Le tiroir à souvenirs cogne au sol violemment, faisant vibrer tout mon corps. Je peux voir la maison de mon enfance prendre son essor dans l'obscurité de cette pièce froide qu'est mon crâne. S'ensuit la librairie de mon inconscient. Les citations fuient aussi vite qu'une course de voiture effrénée. Comment j'ai pu croire que des mots stupides pourraient me sauver de ma torpeur ? J'ai été bien bête.

- Jam, souffle-t-il.

- Je t'ai posé une question. Pourquoi personne n'est capable de répondre à mes interrogations sur cette putain de planète ?! Je me relève et subit un vertige, vivement rattrapé par mon colocataire.

- Je suis venu pour toi Jameelyne.

- Non, non, je secoue la tête, si tu es venu c'est pour toi, parce que moi ça va extrêmement bien !