Existence - Tome 1 [TERMINEE]

Chapitre 55 L'art d'oublier

6:00 p.m

Je lisse ma robe printanière, bien trop légère pour ce début de mois et mets de l'ordre dans mes cheveux.

- Bien, alors ce soir tu t'appelles Lyne et tu es en dernière année de Littérature comparée.

- C'est un doctorat Rory, souffles-je, je n'ai pas assez de connaissances sur ce sujet.

- Déjà, je pense que tu te trompes et en plus, le but ce n'est clairement pas de parler de vos cours.

- Alors quel est le but ?

- Te décoincer, ajoute-t-elle en remuant ses sourcils.

Je souffles et admire ma nouvelle carte d'identité. Quand a-t-elle eu le temps de faire ça ?

- Bon. Où sommes-nous ?

- Je te présentes, le Samuel Adams Taproom ! Dit-elle en pointant un bar tout en verre.

Nous sommes dans Downtown Boston, repère des bars pour étudiants. Rory a réussi à me convaincre de me lâcher ce soir, vivre les années étudiantes que je n'ai jamais vécu. Alors dans ce pub, pas de problème de boulot, pas de folie, pas de famille "courant d'air", pas de colocataires et encore moins de boxeurs. Seulement mon alter-égo, Lyne, étudiante sans problème et profitant de sa jeunesse.

- Tu es prête ?

J'hoche la tête et nous entrons dans cette boîte de verre. La chaleur des corps s'imprègne autour de nous très rapidement. Mon amie attrape ma main et me tire jusqu'au bar pour commander deux téquilas paf. C'est trop tôt pour boire ça, mais je ne souhaite vraiment pas donner raison à la mannequin. Alors je ne dis rien et claque mon verre contre le sien pour l'avaler cul sec.

Elle en commande deux autres et insiste pour boire à la santé de "nos années folles". Je ne peux m'empêcher de rire et reproduire les gestes précédents avant d'ingurgiter l'alcool. Le liquide me brûle et repousse toutes les idées négatives de mon esprit. La chanson Kids In America de Kim Wilde s'échappe des enceintes et provoque l'enthousiasme débordant de la mannequin.

- C'est notre chanson !

Parce qu'on a une chanson ? J'imagine que ça fait partie du scénario imaginaire que Rory nous a créé. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas le temps de réfléchir à la question que la petite brune me traîne jusqu'à la piste de danse. Nous nous agitons entre les corps suants des étudiants et profitons du petit bout de liberté créée pour la soirée.

Rapidement, un groupe se joint à nous pour chanter, rigoler et danser comme si notre vie en dépendait. Je me perds dans le son des basses et profite de l'instant présent. Des mains se posent sur mes hanches me faisant sursauter mais je ne me retourne pas. Je colle mon dos au torse derrière moi et me dandine contre lui. Son souffle est chaud contre ma nuque, il sent bon. Ses mains semblent immenses sur mon corps.

Rory me fait des clins d'œil, m'indiquant que l'homme derrière moi doit être séduisant. Je souris, comme si le monde m'appartenait et colle un peu plus mon corps contre lui. Je me sens normale, je me sens bien. J'aimerai que le soleil ne se lève jamais et que la nuit nous avale pour ne faire de nous plus que des ombres dansantes.

Les verres filent, l'alcool s'imprègne de nous et nous guide dans la soirée. Je n'ai jamais autant levé du coude de ma vie et pourtant, je me sens à l'aise, comme si mon corps et mon esprit s'étaient mis sur le même diapason. Les téquilas, les spritz, les shooters, tout y passe.

Je sors vers minuit pour prendre un peu d'air frais et m'avachis contre un poteau proche du bar. Le vent fouette mon visage, provoquant un frisson dans tout mon corps. Ça fait du bien. Peut-être m'en serais-je sorti finalement à la fac ? Peut-être me serais-je intégrée ? Cette histoire de folie aurait-elle été un frein ?