22 - Menace

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— Le temps risque d'être sacrément long.

Ca'horan prononce ces mots en balançant avec désinvolture ses affaires sur le sol du marui. Le sac en toile s'échoue lourdement au sol dans un bruit sourd.

Nous nous arrêtons tous pour le regarder. Il pousse un long soupir et pose les mains sur ses hanches en nous toisant un par un.

L'ambiance n'est clairement pas au beau fixe. Je peux le comprendre. Ce nouveau séjour ne démarre pas très bien.

Je peux néanmoins trouver un point positif dans cette histoire, c'est le fait que Ronal et Tonowari m'aient offert une chance de leur montrer de quel côté je suis vraiment. Revigorée par cette perspective, me sentant entourée et plus apte à tous les affronter, j'ose un sourire à Ca'horan. Ce dernier détend son expression contrariée et soupire derechef en passant ses mains sur son visage.

— Bon...

L'aîné du groupe a beau se montrer fort, vaillant, et courageux au quotidien, sa forte tête ne peut pas le préparer à tout. Et sortir de sa zone de confort, cette immense forêt et le village dans lequel il est né, n'est pas simple à assimiler.

Ca'horan aura besoin de s'intégrer. Tout comme Tahina, d'ailleurs, qui, sac en mains, regarde tout autour d'elle, inspectant murs et plafond en silence. Son analyse silencieuse se conclue par un soupir discret, et elle s'accroupit pour ouvrir son sac et en sortir ses affaires.

Nous la regardons sans mot dire durant quelques secondes, avant de se désintéresser de son rangement. Tahina a tendance à tout intérioriser. Très discrète et réservée, elle ne parle que très peu de ses opinions ou de ses sentiments, et encore plus dans un cas comme celui-ci, où elle est tirée de son cocon, de sa bulle.

Décidant de la laisser vaquer tranquillement à ses occupations, nous l'imitons, et c'est dans un calme plat que chacun s'active pour répartir son espace personnel dans le marui, fort heureusement suffisant pour nous accueillir tous les cinq.

— Je dors près de l'entrée, nous signale Ca'horan d'un ton qui ne prête pas au débat. Au cas où ces faces de thon décideraient de s'en prendre à nous.

Je lâche le pancho que j'étais en train de plier et lâche un petit rire.

— Pas de risque, les Metkayinas sont peut-être méfiants, mais ils ne feraient pas une chose pareille. Sinon je serais déjà morte cent fois.

Ca'horan esquisse un sourire.

— Tu ne me feras pas changer d'avis.

— Comme tu voudras ! dis-je en levant les mains. Libre à toi de te prendre tous les courants d'air.

Mon ami hausse les épaules.

— Ça m'est égal, je ne suis jamais malade.

— Ici nous sommes à la mer. Il y a des embruns, rétorqué-je.

— Ça ne changera rien. Allez ouste ! Je dois préparer mon plumard.

Il me dégage gentiment de l'espace qu'il a choisi et je ricane en allant m'assoir en tailleur sur ma couchette, avant de tirer un fruit de mon sac et de croquer dedans. Bien que je continue de m'alimenter, mon appétit ordinaire n'est pas revenu. Chose qui inquiète fortement mes amis, qui me regardent me contenter de ce maigre repas alors que nous n'avons pas correctement mangé depuis deux jours.

Je suis tellement focalisée sur la mission que je ne ressens même plus la faim.

Un sachet de viande de talioang, un gros mammifère dont se nourrissent les Omatikayas, vient glisser à moi et s'échoue à mes pieds. Je lève les yeux et croise le regard fixe de Ma'rou, qui penche la tête en silence vers moi. Je souffle du nez et secoue la tête.

Sur un coup de tête - Avatar (Neteyam) [𝐄𝐍 𝐏𝐀𝐔𝐒𝐄]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant