20 - Retour et consolation

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J'ai volé, pleuré, volé. Les trois jours de vol qui me séparent de la jungle ont été avalés le plus vite possible, tant il me tardait de rentrer au village des Omatikayas. Je ne me suis posée qu'une seule fois, et ai sollicité Yezìp sans arrêt. Endurante et compréhensive, elle n'a pas bronché et m'a portée jusqu'à la maison. J'ai bien compris qu'elle avait le mal du pays, elle aussi. Durant le voyage, notre tsaheylu nous a mutuellement permis de converser sous forme d'un semblant de télépathie étrange. Pas les mots, uniquement nos ressentis. Mon Ikran a reçu la peine que je subis. Et j'ai reçu sa compassion en échange, suivie d'une grosse partie de colère et d'incompréhension face au comportement des Metkayinas.

Ce serait mentir que dire que je ne comprends par leur rejet. Mais certains propos sont allés beaucoup trop loin. Rien que d'y penser me fous la nausée et des sueurs froides partout sur le corps. Ils affirment que je suis le danger, mais ce n'est pas vrai. Je suis en danger, et ça fait toute la différence. J'ai connu la persécution et les menaces sur Terre, et ça continue de me hanter sur Pandora.

À croire que je ne trouverai jamais vraiment la paix. Comme si le poids que je portais depuis gamine était destiné à peser sur mes épaules jusqu'à la fin de mes jours.

Je soupire et prends une grande inspiration en fixant mes mains, solidement accrochées au harnais surmontant la selle de mon Ikran. J'observe ma peau verte, celle qui me vaut tant de critiques, et lève une main sous mes yeux. Quatre doigts, comme les Na'vis. Je dois dire que c'est un des détails qui me rassure le plus. Avoir une main de démon sur Pandora reste un sujet très controversé.

Cela dit, malgré mes différences, je suis fière d'être unique. Je sors peut-être du lot pour les mauvaises raisons aux yeux des natifs, mais cela ne me dérange pas plus que ça.

Du moins, quand on ne me pointe pas du doigt comme un problème.

Je me demande si un jour, on m'acceptera totalement pour qui je suis. Mais honnêtement, je nourris de sérieux doutes à ce sujet. Les Omatikayas ont certes mis relativement peu de temps à pleinement m'accepter au sein de leur clan, la communication était compliquée avec certains d'entre eux, plus réticents, au début. Désormais les craintes se sont envolées, parce que j'ai démontré et prouvé ma bonté et mes valeurs, sans omettre le fait que je sois restée transparente avec eux. J'y ai mis un point d'honneur.

À présent que je fais partie intégrante du clan, savoir qu'en rentrant chez-eux - et chez moi -, je ne serai pas méprisée ni rejetée et encore moins menacée, me rassure et m'apaise énormément. Là-bas, je sais que je serai accueillie avec respect et gentillesse.

Contrairement aux Metkayinas, qui eux, bien qu'au courant de ma condition, n'en sont pas moins restés acerbes à mon égard.

J'ignore si les tensions qui persistent entre eux et moi s'éteindront un jour. J'ai bien peur de ne jamais parvenir à leur faire entendre raison, et en m'enfuyant comme une voleuse je n'arrange certainement pas les choses.

Mais je ne pouvais pas faire autrement. Si j'étais restée, je n'aurais supporté plus longtemps toutes cette haine et toute cette pression. Il fallait que je parte. Que j'évacue, change d'air. Et surtout, que je me ressource chez ceux qui m'ont ouvert les bras alors que je tentais de fuir Bridgehead et d'échapper à la menace.

Je songe encore aux paroles de Neteyam alors que j'arrive en vue de la chaîne des montagnes Hallelujah. Y penser me broie le cœur, j'ai extrêmement mal. Mon estime et ma confiance en moi, déjà bien basses, viennent de chuter de plusieurs crans supplémentaires.

Déprimée au plus haut point, je plonge sous une énorme roche en suspension, et remonte avant d'apercevoir la montagne qui dissimule High Camp. Des cris d'Ikrans et de Na'vis me parviennent, et je parviens à esquisser un léger sourire, la poitrine se gonflant d'un sentiment de joie à la vue de ce lieu si familier et si cher à mon cœur.

Sur un coup de tête - Avatar (Neteyam) [𝐄𝐍 𝐏𝐀𝐔𝐒𝐄]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant