Les deux frères

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Étonnamment, le Mage libre se montre plus détendu, voire peut-être un brin guilleret, à l'idée que l'Homme m'ait plus ou moins acceptée parmi eux. Sûrement était-il inquiet que toutes mes cachotteries ne finissent par créer des ennuis et des discordes au sein de la troupe. Par ailleurs, l'œil de Duran se désintéresse de ma personne ; il ne me fixe plus en coin, ni ne se plonge dans des méditations suspicieuses à mon égard. J'ignore ce qu'il a retenu de mon discours et ce qu'il a lu sur mon visage, mais il y accorde sa confiance et ne se sent plus menacé. À la bonne heure !

Nous ne quittons pas immédiatement la caverne des Elfes Noirs, trop anxieux d'une potentielle embuscade au-dehors. Laerran se propose en éclaireur et convient avec nous de deux sifflements, l'un avertissant du danger et l'autre de venir avec précaution. Torebok insiste pour un troisième, celui qui signifierait de fuir. Il acquiesce et disparaît par le tunnel illuminé d'un splendide soleil. Orist nourrit l'espoir que cette soudaine luminosité dans l'obscurité des dernières heures souligne la proximité des Plateaux Verts ; je l'espère aussi, mais avec moins d'assurance, car nous nous sommes déplacés vers l'ouest, plus proches que nous le devrions des Anciens Remparts.

Une poignée de minutes suffit pour que nous percevions le sifflement de l'Elfe. Duran ouvre la voie et je la ferme, Veseryn bien protégée entre le magicien et le Nain. Nous sortons ainsi à la lumière, pas à pas, les uns après les autres, et malgré l'optimisme de la brève mélodie de notre éclaireur, nous faisons preuve d'une grande prudence. Je découvre des escarpements identiques à ceux que nous avons abandonnés dans les pentes risquées. Par ici, les rochers ne sont pas aussi tranchants et périlleux, des touffes d'herbe verte se dressent au milieu d'un sol sec et terreux.

L'Elfe a pris soin d'escalader la roche pour guetter les traces d'un piège venant d'en haut. Duran lui demande ce qu'il en est. Ses yeux perçants ne discernent rien à des centaines de pas à la ronde, même les vautours ne nous ont pas suivis ici. L'endroit lui paraît déserté de toute forme de vie et par conséquent, il ne parvient pas à se repérer. Son hypothèse ressemble en tout point à la nôtre : quelque part près des Anciens Remparts, mais encore loin des Plateaux Verts. Orist, un peu au hasard et pour motiver la troupe, indique que nous atteindrons le territoire de paix en quelques heures et que nous nous reposerons à ce moment-là. 

L'archer garde son poste d'éclaireur, plus à l'aise dans les hauteurs, là où il pourrait nous prévenir et défendre, décocher ses flèches et prédire l'arrivée d'un ennemi. Le voyage reprend comme si aucun incident n'était survenu. Cependant, le destin nous réserve bien des surprises, pour la plupart mauvaises. 

Pour l'instant, Veseryn commence à s'agiter et avec elle, le bébé gémit de plus en plus. Elle traîne des pieds, malgré le sol découvert, et m'a l'air contrarié. Je ralentis et marche à son niveau. Rapidement, une odeur particulière agresse mes narines. J'en conclus que cette puanteur, bien que naturelle, ne provient pas de la fille, mais de l'enfant. Il faut le changer et elle hésite à réclamer une pause. Sur mon passage, je ramasse un galet et sors ma gourde remplie d'eau – je me rends compte que je n'ai bu, ni mangé depuis des heures. 

— Halte ! m'écrié-je. Je ne vois pas l'intérêt de nous affaiblir dans un voyage qui réclame notre force et notre endurance. Buvez et grignotez, nous repartirons dans cinq minutes. 

Orist ne répond rien, mais il continue de froncer ses épais sourcils. Il flaire quelque chose. Pourtant, l'Elfe ne constate aucune anomalie dans les environs. Qu'est-ce qui peut le presser autant ? 

Je me tourne vers Veseryn et lui fais signe d'allonger l'enfant dans un minuscule carré d'herbe. Elle lui enlève son tissu, plein d'excrément, et le jette à l'écart. Je verse un peu d'eau pour le nettoyer et utilise le galet afin de ne pas salir mes doigts, sans que le contact ne dérange l'enfant. Il se révèle d'un calme exemplaire. J'ai l'impression qu'il tient plus de la mère que du père. Son côté elfique lui confère un caractère plaisant et serein. Il ne gigote pas et se laisse faire. Elle extirpe un tissu propre de son sac et nous l'enroulons avec soin.

Dame AerynOù les histoires vivent. Découvrez maintenant