Les cors des Elfes

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— Bonjour Asemo, cela faisait longtemps. 

Le temps que je déverse toute ma frustration et ma haine sur Càdan, le Maître de l'Air, Asemo a reculé jusqu'à des doubles portes, au fond de la pièce, horrifié de me trouver là devant lui sans chaînes qui puissent contenir ma magie. En tant que serviteur loyal des Huit, il sait à quel genre de pouvoirs je pourrais faire appel pour l'anéantir. Bien sûr, je ne compte pas en user. Néanmoins, cela ne va pas m'empêcher de débarrasser ce monde d'une ordure pareille. À toute vitesse, il se retranche derrière ses pitoyables protections, fermant à triple tour. Ceci ne m'arrêtera pas longtemps. 

D'un coup d'œil circulaire dans la pièce, je note l'absence d'Aetheria, mais je la sens tout près. Elle doit être avec lui, derrière ces portes. Je m'acharne alors, les frappant de mes poings, de mes pieds, tout pour qu'elles cèdent. J'entends un premier verrou se fendre sous la pression et la brutalité, et je continue sans répit. Nul doute qu'Asemo appelle à lui tous les Mages Fous des parages. Qu'ils viennent. Je compte bien récupérer mon arme et partir avant que les troupes elfiques n'affrontent un trop grand péril. Le deuxième explose et je répète encore et encore mon ardeur. Soudainement, sa voix rauque et quelque peu anxieuse me parvient de l'intérieur.

— Princesse, nous sommes dans le même camp, inutile de faire preuve d'autant de barbarie ! Discutons, discutons, voulez-vous !

— Discuter quand ? Avant ou après que vous retourniez mes compagnons contre moi ?

— J'ai seulement dit la vérité. Vous êtes un danger, pour vous-même et pour les autres ! Comment justifierez-vous vos excès de colère, vos crises de nerfs, votre impatience et votre comportement manipulateur, lorsque l'Obscurité vous aura dévorée ? Je devine sans mal que vous n'utilisez pas souvent votre magie, et c'est un crime avec des pouvoirs aussi puissants que les vôtres. Mais elle vous rongera ! Peu importe le temps que cela prendra. Vous deviendrez identique aux monstres que vous haïssez, mais, nous, nous serons là. Nous vous accueillerons. Je le jure. Car nous sommes votre famille. La seule que vous n'aurez jamais. Ces misérables avec qui vous voyagez et ces maudits Elfes que vous admirez tant, ils vous tourneront le dos, vous les effraierez et ils ne vous comprendront jamais. Jamais ! 

— C'est une évidence. Mais, d'ici là, j'aurai participé à vous détruire et je pourrai mourir en paix, ainsi je n'aurai pas l'occasion d'incarner ce monstre surpuissant que vous décrivez. 

Et là, le troisième verrou, le plus solide, en acier, se brise. Les doubles portes volent en éclats et je n'attends pas pour entrer. Asemo tente de me tendre un piège stupide, caché derrière un pilier pour m'attaquer en toute discrétion. Je prévois tout de ses gestes et j'attrape d'une main sa lame, étranglant sa gorge de l'autre et le repoussant contre la roche. Je le désarme d'un vif coup au poignet, mais il ne se laisse pas faire, guerrier avéré, et tant mieux. Il lutte pour sa survie et moi, je lutte pour ma vengeance. Tout, de son épaisse chevelure hirsute à sa barbe noire et ses sourcils broussailleux, de son rictus mauvais et de sa longue robe de noirceur, à ses mouvements calculés et exécutés avec minutie s'efforçant aux parades et aux subterfuges, tout, je déteste tout de cet homme répugnant. 

C'est pourquoi je ne me dépêche pas autant que je le devrais. Je ne l'achève pas ; d'une part, car il est bon combattant à main nue, il faut l'avouer, et d'autre part, car j'ai envie de le faire souffrir. Cela ne provient pas de l'Obscurité en moi, non, mais d'un désir profond d'annihiler chacun des Mages Fous des Vieux Jours qui ont, de loin ou de près, joué un rôle dans la chute de la splendeur des Elfes, dans l'assassinat affreux de Laith et dans ma propre déchéance. Asemo n'a jamais cessé de servir les Huit et de rire du haut de sa tour. Je savoure cet instant et avant de l'abattre, je lui fais cadeau de nombreuses blessures. Je frappe sur toutes les parcelles de son corps, vite et avec précision, ne lui accordant aucune chance d'attaquer, uniquement de se défendre. 

Dame AerynOù les histoires vivent. Découvrez maintenant