Chapitre 19

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Dylan


Un cri, un soupir, un silence. La voix de Charles est littéralement paniqué, il bredouille mon nom. Sa voix me paraît aphone et lointaine, comme si nous étions dans l'eau. La sérénité la plus totale, alors que mon esprit émerge peu à peu de son sommeil lourd. De la paisible blancheur des rêves, je suis réveillé par l'étrange noirceur de la douleur. Mon oreille interne siffle, résonnant dans ma tête comme un horrible orchestre dissonant. Mon ouïe commence à revenir à la normalité, malgré ce sifflement. Je sens sur le plus grand muscle du corps, la peau, un toucher inconnu, au premier abord puis familier par son imperceptible douceur. Charles avait posé ses deux mains sur mon visage.

Je ne comprend pas ce qu'il se passe. Je ne sais même pas où je suis ce que je vois c'est de la noirceur. Charles pose un délicat baiser sur mes lèvres tuméfiés et rougies par la chaleur que produisait le soleil au zénith, par réflexion sur les vitres teintés mais aussi par le noir de l'habitacle de la voiture. Je sens l'odeur du cuir neuf, mélangée à la senteur fruité de Charles. Je me sens nauséeux, comme épris de dégoût. Il crie toujours mon nom, alors que le sifflement s'intensifie tellement, que mes membres se tendent presque aussi fortement que l'avait fait le désir, lorsque j'ai couché avec Charles la première fois. Je nie alors ses cris qui ne sont rien, et ses paroles résonnent dans ma tête dans un écho périodique. Tu es le gars, le plus chiant que je n'ai jamais rencontré... Charles combat contre ma chute dans la démence, mais je replonge cette fois plus profondément dans mes esprits. Tu n'es qu'une de ces merdes vide de sens, sans aucun intérêt.

Cette violence me fait planer vers des souvenirs bien plus sombres de mon enfance, même si je ne me rappelle de rien. Comme si j'avais commencé à vivre à l'âge à 10 ans. Un black out, complet à ce niveau. Donc je me rappelle que de certaines moments et certainement pas les plus bons. Les gens me regardent différemment, c'est étrange de se sentir si anormal qu'un horrible mutant de fêtes foraines. Les gamins à l'école me laissaient de côté de peur que je ne vienne gâcher leurs rêves et autres délires imaginaires. J'étais déjà quelqu'un d'à part, et indépendant. Je restais dans mon coin, avec un livre de Jane Austen, ou bien je mémorisais les numéros atomiques du tableau périodiques des éléments. J'étais quelqu'un d'affreusement curieux, mais pas pour l'espèce humaine. J'avais été tellement habitué à ne pas être normal que je l'avais accepté, avant qu'il n'arrive. Quand il est dans la même pièce que moi, je me vide de tout. Je me vide complètement ne laissant que mon âme. Je suis mis à nu, devant son innocence et la tristesse de son vécu. Mais ce n'est en aucun point une raison, pour me définir comme étant une victime. Sous entendant, qu'il a vécu bien pire, mais je ne veux pas savoir qu'il a eu le plus mal, ce que je veux savoir réellement c'est si on peut vivre des moments de bonheur ensemble. Question rhétorique débile. Oui. On peut.

Charles embrasse mes lèvres et implore mon réveil. Je l'entend enfin clairement estompant les sifflements. Je dois ouvrir les yeux. Mes paupières sont fermement collées.

– Bébé, réveille-toi, je te jure je sera celui qui tu veux que je sois mais il faut que tu te réveilles. Je t'aime, c'est fou je sais mais je t'aime. C'est mon plus grand péché, mais je peux vivre avec. Je veux que être avec toi, pour nous découvrir ensemble, dans les pires moments comme les bons. Je suis un con je sais, je ne dois pas jouer avec ta jalousie. Mais j'aime te taquiner. Putain... Je t'aime Dylan.

Mes paupières frémissent, et péniblement je les ouvre. La lumière tamisée était à peine aveuglante. Charles se tenait assis sur mes genoux, alors que j'étais encore assis sur le siège passager de sa voiture. Son visage furax demeure devant les iris qui commençaient à se dilater progressivement qu'elles percevaient la lumière. Les sourcils de Charles s'ouvrirent si grands, que je crus que ses yeux allaient sortir de leurs orbites. Il colle ses lèvres au mienne, prenant de ses doigts fins et squelettiques mon menton. De sa main gauche, il descend le siège tournant une manette sur le côté. Je tombe en arrière, et il colle violemment son torse contre le mien. Je sens au travers de son tee-shirt, les sueurs. Le tissu taille si fermement les courbes de son corps voûté. Mes mains glissent le long de son flan, distinguant le creux que son dos forme, je m'y niche. Il embrasse mon cou, avec sa langue, il goûte la saveur de ma peau, encore épris de sueurs froides, de ma convalescence. Il pose enfin ses mains sur mes joues, pour mieux plonger son regard dans le mien. Je reste la bouche bée, et les yeux bouffis de mes dernières larmes de haine. Mais je pousse ses souvenirs loin de mon esprit, pour ne pas gâcher ce moment d'euphorie.

lacking in choiceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant