"Mais que deviendrait tout ce que j'ai sacrifié pour ce sport ? Les Jeux Olympiques représentent plus qu'un rêve pour moi, c'est l'objectif de ma vie."
Patineuse de haut-niveau, Olivia parvient enfin aux championnats du monde de Patinage Artistique...
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— Encore ! ordonne Grace, la chorégraphe.
Le retour à l'entraînement est plus difficile que je ne l'aurais imaginé. Même avec du repos dans le sang. Ma tête me fait encore plus mal que la semaine d'avant, et ça fait seulement une journée qu'on a repris. Nous travaillons notre séquence chorégraphique depuis le début de l'après-midi. Autrement dit, nous en avons ras-le-cul.
Mes patins dans sa gueule, peut-être que ça me soulagerait. Grace, la chorégraphe avait l'air pourtant sympathique quand nous l'avons rencontrée le premier jour. En réalité, elle est impitoyable.
Je suis incapable de réaliser une pirouette sans avoir de gros vertiges au bout de six rotations et je manque de vomir dès que je tourne un peu trop vite. Sam remarque mon malaise et m'oblige à m'arrêter à plusieurs reprise dans la journée. À chaque pause, il me dévisage, inquiet. Après notre dernière pirouette combinée qui me vaut un énième vertige, je m'assieds à même la glace, le temps de me réorienter. Une ombre se dresse au-dessus de moi. Chris se tient droit, le regard sévère. Je lève les sourcils pour l'inciter à parler.
— Est-ce que tout va bien, Olivia ?
— Oui, ça va. J'ai juste pas pris mes repères pour la pirouette.
— C'est déjà la huitième pirouette que tu rates. Tu as mangé aujourd'hui ?
— Oui, ne vous inquiétez pas.
Je balaie une main entre nous pour le rassurer. Je me lève, tremblante et inspire un bon coup. Joanne se tient derrière l'entraîneur, le regard mauvais. Je rassure à nouveau notre entraîneur, et quand celui-ci se retourne, Joanne s'approche de nous et ne peut s'empêcher de faire une remarque.
— Ta tête va mieux ? Tu m'avais dit que t'avais peut-être des séquelles, je suis inquiète.
C'est comme si quelqu'un venait de glisser un glaçon dans mon dos. Je reste bouche bée. Nous sommes très loin d'être amies et pourtant je me sens trahie. Je la dévisage, abasourdie. Elle affiche son sourire narquois, fière de son coup. Je sais que l'environnement de ce sport est mauvais, toxique. Que certains sont prêts à tout pour vous écraser. Mais appuyer sur les blessures des autres, c'est petit.
— De quoi elle parle ? me demande l'entraîneur.
— De rien. J'avais un peu mal au crâne juste avant notre semaine d'arrêt, c'est vrai. Mais ça va mieux, je me suis reposée.
Je mens par obligation. La douleur est toujours présente, plus sournoise, plus oppressante. Mais il est hors de question que je m'efface maintenant. Je supporterai la douleur tant que je le peux et je me reposerai après les championnats du monde.
— Tu es en bonne santé ? Tu vois ton médecin régulièrement ?
Ses questions m'angoissent. Je voyais mon médecin deux fois par semaine pendant ma convalescence. Mais depuis que j'ai repris l'entraînement j'ai délaissé mon suivi. Je n'aurais probablement pas dû mais l'appel de la médaille était plus fort que tout. Je ne voulais pas perdre une minute de plus dans les couloirs de l'hôpital. Je réponds de nouveau par un mensonge. Hors de question d'être sur la touche.
Chris est peu convaincu par mes réponses mais n'insiste pas plus. L'angoisse me tord l'estomac et assèche ma bouche. Les séquelles de mon accident sont mon pire cauchemar. Je pensais que le pire était derrière moi après ma convalescence mais peut-être que je me trompe.
— C'est quoi ce bordel, Liv' ? s'étonne Sam.
Son ton est posé, calme. Mais quand je me tourne vers lui, la colère teinte ses yeux. Je vois les muscles de sa mâchoire tressauter, prêt à se broyer les dents. Je bégaie en cherchant à lui expliquer. Je ne veux pas lui mentir, mais je ne peux pas l'inquiéter. Pas maintenant.
— Je vais bien Sam, je te le jure.
Des mensonges, encore.
L'entraîneur ne me quitte pas des yeux de tout le reste de l'après-midi. Nous répétons notre danse libre plusieurs fois. Bien trop de fois selon moi, même.
Mon corps devient de plus en plus lourd. Mes jambes flageolent et des taches apparaissent lorsque je cligne les yeux. Ma tête tourne dangereusement et la douleur me vrille les sens. Ma vue s'obscurcit et je me raccroche à Sam pour retrouver mon équilibre alors que nous terminons un de nos portés.
— Liv', on devrait s'arrêter, tu...
Sa voix me vient de loin. Tellement loin que je ne l'entend pas finir sa phrase. Tout devient sombre et sans même avoir le temps de comprendre ce qui m'arrive, je perds connaissance.
