Chapitre 31 : Miroir, Miroir

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   Dans la maison règne un silence sans nom. Il est treize heure de l'après midi. Je n'ai toujours pas bougée de mon lit, je contemple le plafond, les larmes se font de plus en plus nombreuses sur mes joues. Ma tresse négligée serpente sur mon épaule.

-Emma, tu viens manger?

   Grand-père, j'avais complètement sa présence, lui. Je n'ai pas faim du tout, et si je me présente devant lui en chemise et en culotte ça risque de mal tourné. Mais ça ce n'est rien comparé à ma santé mentale. Il ne faut pas qu'il me voit dans cette état ou il m'emmènera à l'hôpital en me tirant par le bras.

-Non merci, je n'ai pas faim, refusai-je catégoriquement.

   Je l'entends produire un soupire, il s'appuie contre le montant de la porte et essaye d'ouvrir la poignée. Heureusement je l'ai fermé à double tour. J'avais tellement peur que Killian revienne dans la nuit, saute par la fenêtre et vienne m'étrangler dans mon sommeil.

   Sans que je m'y attende, la lumière dorée se remet à jaillir de mes doigts; j'ai les mains drôlement chaudes tout à coup. Qu'est ce qui se passe? Je ne peux m'empêcher d'émettre un couinement de peur et m'empresse de cacher mes mains sous la couette.

   Se méprenant sur ma réaction grand-père me rassure d'une voix étrangement douce : 

-Emma, ma puce, je sais que je suis pas très présent ces temps-ci ma princesse. Mais je veux que tu saches que si jamais tu as envie de parler je suis là. Je serai toujours la pur toi.

   Je ne réponds rien. Il est si rare qu'il enterre la hache de guerre. Cette prestation d'affection m'émue. 

   Des pas résonnent dans le couloir, signe qu'il est parti. 

   Je m'enfonce sous la couette. Ma chambre sans le renfermé. Il faut que je me reprenne en main, et surtout que je parle à quelqu'un. Mais qui? Azariel, surtout pas, c'est mon âme sœur, et si je lui raconte que j'ai échappé de justesse u viol, il ira tuer mon assaillant. Même si, je n'est qu'une envie c'est de voir ce salopard pourrir en enfer. 

   Eldoris? pourquoi pas après tout, il ne me connait pas très bien, il ne sera donc pas en position de me juger. Je sais pas.

   Nalu? c'est la proposition la plus évidente pour moi. Je sais qu'il ne dira rien à Azariel, mais je sais que ces révélations vont lui faire du mal. Je sais qu'il tient beaucoup à moi, et moi à lui.

   Oui, je vais aller le voir. Mais comment? Oh, avec mon amour on peut souvent ressentir les émotions et si j'essayais avec Nalu?

   Nalu?

  Nalu?

  Toujours rien, j'aurais du m'en douter.

   Emma?

   Pendant un instant je crois avoir rêvé.

   Oui, c'est moi Emma.

   Qu'est ce qui se passe?

   Il faut qu'on parle maintenant. On peut se voir? le plus vite possible.

   Bien sûr, on se rejoint à la crique comme d'habitude. Je serai là dans dix minutes, attend moi.

   Super, merci.

   Je fais au plus vite.

   Je me défais de ma couette et sprinte dans la salle de bain, sans prendre la peine de faire mon lit et de l'aérer. Mon regard rencontre le miroir moucheté de gouttelettes d'eau. Oh mon dieu ! je ne suis vraiment pas jolie à regarder, je ne me reconnais plus : comme je l'avais prédit mes yeux sont tous rouges et gonflés. Avec mes cheveux décoiffés je ressemble à une sauvage qui sort de la forêt. Mes larmes ont collées avec la mousse du matelas. Je sens mauvais, il faut vraiment que j'envisage un bon décrassage..

                                                              *                               *                                    *

      Je ne suis pas plongée dans mon intégralité dans l'eau. J'ai revêtue un de bain d'un bleu roi. J'attend patiemment mon ami. Mes mains me piquent, la source de lumière semblable aux rayons du soleil commence faiblement à s'illuminer entre mes mains. C'est pas vrai ! encore. Dans un mouvement irréfléchi je plonge mes mains dans l'eau et les frotte le plus fort possibles entre elles. Comme si un simple lavage de mains, aller faire cesser cette mascarade. Je crois que je suis encore en état de choque. 

   Je sens une main qui se pose subtilement dans mon dos. Je ne sursaute pas, je sais de qui il s'agit. Même dans une foule, rien qu'à son toucher ou à son odeur je le reconnaitrais entre mille. C'est lui qui prend la parole en premier ; 

-Emma, est ce que tout va bien?

  Je fais volte-face. Ses cheveux ont drôlement poussés, ou c'est mon instinct qui me joue des tours. Encore une fois.

Je ne réponds pas à sa question. Il a encore une fois le droit à mon mutisme déplaisant.

-Emma, je t'en prie parle moi, qu'est ce qui se passe? reprend-t-il.

-Nalu, tu te souviens de Killian? le salopard de l'aquarium?

  -Ah oui, cet enfoiré qui ma retenu captif dans cette cellule. Crois-moi, si il se tenait devant moi je le dévorerais tout cru.

   Je frissonne malgré moi. Se méprenant sur ma réaction, Nalu déclare : 

-Enfin, il y a longtemps que nous nous ne nourrissons plus d'humains je te rassure. 

C'est trop pour moi, je ne peux me retenir de me jeter à son cou, et de l'étreindre de toutes mes forces. Je laisse les larmes coulées, avec lui je peux me laisser aller. Je me sens en sécurité. Il cale une main dans mes cheveux et l'autre dans mon dos qu'il caresse pour calmer ma respiration. Mes jambes s'enroulent autour de sa taille. 

   Nalu, murmurai-je dans son oreille. Il faut que je te dises quelque chose. 

-Je t'écoute.

-Ki...Killian, il m'a... il m'a...

-Hé prend ton temps, je ne vais nul part.

-Killian, m'a agressé, et a tenté de me violé, hier soir.




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