Chapitre 22 : Un si horrible châtiment

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PDV : Azariel

   Six jours sont écoulés depuis que j'ai repêché Emma au fond de cette crevasse. Elle est dans le coma, et tout ça par ma faute. Je n'ai pas été capable de la protéger. Quelqu'un s'en est prise à elle : elle a un bleu bouffi sur son front, sans compter les marques de strangulations autour de son cou, sa joue enflée et ses vêtements en lambeaux.

    Comment un homme peut être capable d'une telle violence envers une femme si gentille? J'ai pensé ses blessures comme je le peux avec de la pâte d'algues marines, mais je n'ai pas l'impression que ce remède ne fonctionne pas sur les humains. J'ai demandé conseil à mon frère, mais il avait l'air encore plus perdu que moi. Je suis surpris de la relation qui s'est installé entre eux, en si peu de temps. Je suis contente de leur complicité, il est très tactile et protecteur avec elle. Il la prends souvent dans ses bras et s'amuse comme un enfant en son compagnie. Il doit la considérer comme sa petite sœur préférée. J'aime tellement observé leurs échanges, Nalu est très blagueur, et à chaque fois qu'il lui fait des blagues à proprement parler et l'embête, Emma lui envoie souvent des bourrades et l'envoie voir ailleurs. Elle me fait tellement rire. Je redoutais terriblement sa réaction quand je lui ait annoncé que mon âme sœur était une HUMAINE et moi un triton. Dans notre société, les humains ne sont pas biens vus et sont considérés comme nos ennemis - pour la simple et bonne raison qu'ils détruisent tous ce que nous construisons, et n'hésitent pas une seconde à ôter la vie d'autrui sans même nous connaitre.

    Après que Nalu soit revenu de cet prison dont il était captif, il m'a expliqué toutes les tortures qu'ils lui ont fait subir. Je n'ai pas dormi pendant plusieurs jours. Ses cris de douleur résonnent encore dans mes oreilles quand j'y repense. Il m'a expliqué que sans Emma, il serait probablement mort à l'heure qu'il est. Quand j'ai appris la nouvelle, je ne l'ai pas montré mais c'est là que je me suis rendu compte à quel point cette fille était intrépide, intelligente et déterminé. Elle est la fille de mes rêves. D'habitude je trouve l'apparence des humains repoussants, mais le visage de cette fille est une véritable œuvre d'art.     Je ne lui dit d'ailleurs pas assez à quel point sa beauté est unique et saisissante. Les moments où elle ne parle pas sont mes préférés : elle est tellement paisible quand elle lit. J'en profite de ces occasions pour figer dans ma mémoire les traits de son visage.

   Je l'ai ramené chez nous, au fond de l'océan. Je l'ai charmé afin qu'elle respire sous l'eau. Elle repose sereinement dans mon lit à baldaquin qui trône au milieu de la chambre. Je n'ai pas oser la déshabiller pour vérifier si elle avait d'autres éventuelles blessures sur son corps. En la contemplant de plus près, je remarque qu'elle à des formes là où il faut et un corps parfaitement sculpté. Elle doit drôlement aimé les bijoux :  elle a une multitude de bracelets dans ses poignets. Pourquoi je remarque ça?

    Nalu ne devrait pas tarder à arriver, il est partit chercher le dîner. 

   Oh non, pas ça : elle est de nouveau prise de spasmes violents et du mucus s'écoule sur le coin de sa bouche. Elle doit encore faire un cauchemar. D'un coup de nageoire, je me précipite vers elle, lui prend la main, et susurre des mots rassurants dans son oreille. Elle doit sentir qui se tient à côté d'elle  - elle se calme, sa respiration redevient régulière. Je lui caresse délicatement le ventre, elle paraît si fragile et précieuse dans mes bras. 

   -Mon frère ! s'exclame Nalu. Regarde ce que je nous ait trouvé pour le dîner. 

      Nalu se précipite dans la chambre et me jette dans les bras du varech et deux gros cabillaud. Il va me rendre malade. Je n'ai pas très faim tout à coup.

   Il s'avance vers Emma et me demande d'une petite voix :

-Comment- elle va? Il pose une main sur son front.

-Elle a encore fait une violente crise de spasmes tout à l'heure. Mais à part ça rien de nouveau, ses blessures ne guérissent pas, et elle est toujours fiévreuse.

   Il émet un soupir de désespoir, et prend place à côté d'elle.

   - Elle me manque tellement tu sais.

   Ses yeux se font humides, je sais qu'il déteste pleurer devant moi.

   Il s'approche encore plus près, et soulève son petit corps, bien trop amaigris pour une jeune adolescente de  dix sept ans. Je suis encore une fois touché que mon frère tienne autant à elle. Il est collé à lui comme une moule sur un rocher. Je me retiens de fondre en larmes moi aussi. Pas devant mon âme sœur.

-Son humour, son sourire, sa façon de mal me regarder et de me lorgner me manque, chuchote-t-il. Elle est tellement différente des autres filles, mais en même temps c'est ça qui la rend si attachante, c'est ce qui fait sa particularité. Mais malgré la carapace qu'elle porte, elle reste une fille profondément gentille, généreuse, à l'écoute, ambitieuse, intelligente et drôle. Tu as vraiment de la chance de l'avoir comme âme sœur mon frère.

   Ces mots me font l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. Nalu c'était toujours montré honnête, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il fasse son éloge. Je me rapproche de lui, et spontanément me jette à mon tour dans ses bras. Je le console en caressant son dos. Il me ressemble tellement...

-Il faut qu'elle se réveille. Je la sens mourir à petit feu, si je la perds, je ne m'en remettrais jamais.


Le NaufrageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant