Chapitre 34 : Un rire contagieux

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   Non loin de moi, Eldoris et Nalu parviennent à échafauder un plan pour retrouver Azariel. J'ai essayée sans relâche d'entrer en contact avec lui, il manque toujours à l'appel. Je ne ressens plus ses émotions : je ne sais pas si il a peur, triste, joyeux... ça me rend folle de ne pas savoir où il est. C'est comme si on m'avait arraché une partie de moi. Je suis en manque. Je crois que je vais exploser.

   Ma cuisse tressaute légèrement, des tremblements parcourent mes mains, de la sueur perle mon front. J'ai de plus en plus chaud et me sens de plus en plus à l'étroit dans cette grotte, j'ai beau être en maillot de bain et dans l'eau glacée, j'ai l'impression d'être dans un four.

   Je repense soudain à l'étrange comportement que j'ai eue toute à l'heure : j'ai pris plaisir à lui calciner le visage, sans le moindre remords. J'ai entendue ces hurlements d'agonie et de désespoir. Il me suppliait d'arrêter. Même si, j'ai beau trouver comme excuse que mon comportement était totalement justifié, étant donné que c'est moi qui fixe mes règles.

    Ce qui me trouble le plus c'est la deuxième partie de ce périple :quand Nalu a commencé à lui déchiqueter l'épaule dans le but de me protéger, je me suis subitement mise à rire, haut et fort, et tout ça en continu. Ce n'était pas un rire normal. C'était comme si quelqu'un avais pris possession de mon corps et m'indiquer de suivre ses instructions. Comme si, j'étais un pantin dont il suffisait de tier les ficelles pour mieux me posséder. Je lui avais énumérer les ordres suivants "Tue-le, tue-le ce connard est venu me faire ses excuses" ! 

   J'entends quelques mots subtils de l'échange de mes amis soit : "humains, capture, pas beaucoup de temps". Il y a trop de bruits. Les clapotis de l'eau me mettent mal à l'aise. Je ferme les poings et serre les dents, l'eau se remet à bouillir sans ménagement autour de moi. Je me met à hyperventiler.

   Mon âme sœur me manque.

   Et si il était mort? non, c'est ridicule, il ne me laisserait jamais tomber pas vrai? je ne pourrai pas vivre sans lui. J'ai envie qu'il soit là, à mes côtés. Je veux sentir ses lèvres sur les miennes, sa peau collée contre la mienne, la douceur de ses cheveux parcourant mon visage délicat, revoir le bleu de ses yeux. Mon coeur bat de plus en plus vite. 

   Mes deux amis arrêtent leur conversation et concentrent leurs attentions sur moi : 

-Emma, tout va bien ? s'enquit Nalu.

   Le regard de Eldoris se fait scrutateur, il fait encore plus peur de près.

-Vous n'avez pas chaud?

   Eldoris s'avance vers moi et pose sa paume sur mon front, je me laisse faire : 

-Elle est brulante, déclare-t-il.

 Nalu à son tour s'avance vers moi, me prend les mains. Je le repousse, je ne sais pas pourquoi son contact m'est insupportable. Sans doute parce qu'il ressemble terriblement à Azariel mais que ce n'est pas lui : les mêmes fossettes, les mêmes yeux bleu, le même froncement de sourcil. Il me regarde avec un froncement de sourcil et consulte Eldoris du regard :

-Oh, c'est bon on va pas en faire toute un plat non plus, je n'ai plus six ans, répliquai-je agacé. Bon dites-moi c'est quoi le plan pour sauver Azariel.

-Alors on a envisagé que Nalu était peut être retenu captif à l'aquarium où tu travailles. Donc, on envisage d'entrer par le bassin à dauphin et... commence Nalu.

-Vous comptez entrez comme ça l'air de rien dans le bassin à dauphin à la vue de tous, dans quel monde vous vivez? vous avez cru qu'on était dans un Disney Land de communie ou quoi?

-Calme-toi Emma, tempère Eldoris. 

   Je souffle, de la buée commence à embraser la grotte.

-Non, je ne vais pas me calmer ! vous deux vous ne servez strictement à rien. Mon âme sœur est prisonnier dans cette maudite prison de verre, on ne devrait même pas être là tranquillement occupé à vivre notre meilleure vie. On devrait être là bas, à ses côtés ! par l'océan, est ce que tous les tritons sont aussi bêtes ! 

  Je m'attarde particulièrement sur ce dernier mot, qui sonne plus comme une injure. Ces deux là commencent sérieusement à me pomper sur le système. Je passe une main sur mon visage et fait un tour sur moi même, il n'a donc aucun espace avec une bouffée d'air dans cette maudite grotte ! je ne vois même pas les étoiles, ou le reflet de la lune.

   Je refais un tour sur moi même. Ces deux-là me regardent comme si j'étais devenue bleue. Je suis bouillante de rage, même dans l'eau je transpire.

-Quoi encore ! 

-Tes, tes yeux... bafouille Nalu, ils sont tous rouges. 

   J'observe de l'incompréhension et un soupçon d'inquiétude dans leurs regards. Les deux trous sans fond d'Eldoris semblent vouloir me défier du regard. J'ai envie de mettre le feu à la grotte.

   Sans les prévenir je les contourne et tente plonger dans l'eau qui semble me lorgner avec tout ce bleu, alors que je ne tiens même pas six secondes là dessous, sans crier gare quelqu'un me rattrape la cheville et me remonte à la surface, je vais éclater.

   Je remonte le visage en furie et montre les dents, je jauge dans sa poigne ce qui me semble être celui avec un humour bancale, je l'apostrophe : 

-Je peux savoir ce qui déconne chez toi, tu ne peux pas me foutre la paix à la fin, lâche moi ! je ne suis la propriété d'aucun d'entre vous, merde ! 

   Cet imbécile de triton sarcastique s'avance vers moi : 

-On peut savoir où tu vas? s'offusque-t-il. Son ton ne laisse rien paraître. 

-A l'aquarium crétin ! retrouver l'amour de ma vie. Vous deux restez là si ça vous chante, vous ne me serez pas d'une grande aide.

  L'autre, qui fait acte de présence ressemble à un monstre des mers avec ses yeux entièrement noirs et ses dents affûtées comme des lames de rasoir, est resté en retrait pendant tout ce temps ce décide enfin à prendre la parole : 

-Emma, assieds-toi, m'intime Eldoris.

   Non mais je rêve, il vient de me donner un ordre là?

   Je le repousse, et aussitôt des flammes commencent à prendre place à chaque doigts de ma main gauche. Je ne sais pas d'où vient cette énergie, mais une boule de feu ce forme au creux de ma main, je sens que mes yeux ont dû atteindre leur maximum. 

   Dans un premier élan, je jette la boule de feu sur celui avec la gueule d'ange. Il l'évite, en faisant un mouvement sur le côté. Elle atterrit au fond de la grotte dans un fracas de fumée et de flammes. Parfait, il veut jouer on va jouer. Cette fois-ci ce n'est pas une mais deux flammes qui grandissent en ma possession. Mais avant que j'ai le temps de les lancer Nalu les suppriment avec son don d'eau. A la place des flammes se trouve maintenant de l'eau visqueuse. Bon sens comment ai-je pu être aussi bête et oubliée quel pouvoir il détient. Il fallait que ce soit l'eau évidemment. J'ai envie de lui en coller une.

   Je ne contrôle plus rien, rejette la tête en arrière et me met à rire à gorge déployée. Mon rire se mélange en écho avec les parois de la grotte. Je n'arrive pas à entrevoir le regard de mes compagnons, horrifiés sans doute. J'essaye d'arrêter cette folie incontrôlée qui s'empare de moi, mais rien n'y fais. Des larmes commencent à couler de mes yeux, et mon ventre est horriblement douloureux. Je me tords de douleur et essaye de reprendre le contrôle de moi même.

   Je sens des bras qui m'attire contre son torse. Encore une fois, je sais d'avance de qui il s'agit. Il me chuchote des mots doux à l'oreille, mais dans l'action, je crois pendant une seconde avoir perdue l'audition et la totalité de mes sens.

   Je passe de bras forts à ceux encore plus forts, je sens qu'on dispose un morceau de tissu sur ma bouche, et qu'on m'incite à inhaler le contenu. Prise au dépourvu, je respire la substance. Soudain, j 'arrête de rire, reprends une respiration normale et regarde autour de moi. Je vois flou, tout tourne autour de moi, les voix ce font de plus en plus nombreuses dans ma tête. 

   Et puis, plus rien.

   Le trou noir.



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