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~ Anna ou Rebecca, c'était peut-être à Aurélie… c'est dans tous les cas un A, je crois peut-être.

- Combien ?

~ Je ne sais pas, une quinzaine, ou moins, je ne sais plus.

- Une quinzaine, tu ne sais pas, on ne t'a absolument pas manqué finalement, me siffle Rafael entre ses dents.

~ Vous allez me faire croire que vous avez été des petites vierges effarouchées aussi ? 

- Ne commencez pas tous les deux, on n'était pas là, on n'a rien à dire.

~ Exactement.

- Une quinzaine et il ne sait pas… 

- Amour, ferme là. 

- Si je n'ai pas le droit d'être jaloux, il faut le dire aussi.

- C'est ça, on ne peut pas être jaloux, et crois-moi, j'ai les nerfs aussi. Quinze, souffle-t-il en se retirant.

Enzo s'en va auprès de Rafael à qui il pose sa tête sur son épaule, il croise ses doigts sur son ventre, il lui donne un baiser, j'aime cette vision, les voir ensemble, avec cette alliance au doigt.

- Vous vous êtes mariés pourquoi ?

- Pour empêcher sa mère de venir faire ce qu'elle voulait, elle a fait passer quelqu'un qui ressemble à Enzo pour lui, il n'y avait plus qu'une signature à poser sur ce maudit papier, et il était marié à une femme qui ne le connait même pas. 

J'éclate de rire, j'ai l'impression de voir ma mère, elle a fait des choses comme ça aussi où elle se croyait dans ses séries coréennes, où les grands-mères mariées de force les petits enfants.

- Arrête de rire.

Ce ton froid me fait fermer le clapet, Rafael tient le couteau dans la main, Enzo se recule d'un coup et le pointant vers moi, il continue : 

- Tu ne sais pas l'effet que ça fait de t'entendre rire, alors arrête ça, je suis censé être très en colère là, pas chamboulé ! 

Je repars dans un rire non soutenu, ça me casse la voix, mais même moi, j'aime ce son que je produis.

- Une objection, peut-être ? 

Rafael peut être dangereux avec ce couteau, surtout pointé vers moi, mais je ne peux pas m'empêcher de rire, même si parfois le son s'arrête pour reprendre, ça fait longtemps que je ne me suis pas senti vivant.

~ Vous m'avez manqué.

Et j'ai lâché cette petite bombe qui éclate dans ma poitrine, qui les font venir à moi pour échanger leur chaude douceur qui me traverse de part en part. 

- Allez, mangeons, ça va être froid.

On discute de ce qu'on a fait ses trois derniers mois, et je me rends compte qu'ils étaient au point mort, ils ont loué un studio si petit que le salon et la chambre n'était séparé que par une porte, ils ne voulaient pas le luxe, mais une cachette, loin de la mère d'Enzo, et loin des problèmes qu'ils auraient pu me provoquer, je comprends maintenant leurs départs, mais ça ne résout pas le problème de ne jamais m'avoir envoyé un seul message. 

Le téléphone d'Enzo ne cesse de sonner, ça n'arrête pas, dès que ça raccroche, un nouvel appel apparaît, il met sur silencieux se rongeant la lèvre, Rafael embrasse son tympan, et continue de manger comme si de rien n'était.

~ C'est qui, qui t'appelle ? 

- Ma mère, elle me sort par les yeux.

Ni une ni deux, je prends le téléphone d'Enzo, je réponds à cet appel, et à peine décroché, j'entends hurler dans cette boîte de ferraille.

- Un homme ! Tu t'es marié à un homme ! Tu es immonde, tu cherchais à te venger ? Un bon à rien, Enzo, tu n'es qu'un…

- Le bon à rien qu'il est, il est marié et se fait en même temps pas un mais deux mecs, vous devriez venir voir nos petites sauteries, je peux aussi faire une vidéo, vous devriez adorer voir mon Honey, crier de plaisir, un collier au cou. C'est transmissible, vous savez, d'être gays, non, pédé ou tafiole, lopette si vous avez envie. Vous ne devriez pas l'approcher, vous pourriez être contaminé, ce serait bête de se retrouver entre les cuisses d'une femme qui vous prend pour sa chienne. 

- Qu'est-ce que… que…

Les garçons se mettent à rire, Enzo en pleure, Sylvie bégaye, et elle raccroche, j'ai gardé mon sang-froid, de toute façon, je ne peux pas crier avec mes cordes vocales sensibles, et je suis obligé de parler assez lentement, et je ne veux plus m'énerver pour ça. Ils ont réglé ce problème, c'est le principal.

- Ne parle pas trop, Bleu, c'est tout cassé là.

~ Je sais, je vais me faire un thé, et je dois prendre mes médicaments.

- Tu es malade ?

~ Un ulcère, mais rien de bien grave, il fallait s'en douter avec le stress que j'accuse, la perte de mon travail, encore, Dedwen… que je ne gère plus en ce moment, mon corps rejette tout ça, ce n'est rien. 

Enzo se pose sur mes genoux pour me faire un long câlin que je lui redonne, Raf' amène un thé et attrape la poche de la pharmacie, posé à côté de la télé, il regarde à l'intérieur et fronce les sourcils.

- C'est quoi ce médicament ? me montrant une des boîtes.

~ Pour dormir, il est quelle heure d'ailleurs ?

- Presque quinze heures.

~ Merde, je vais être en retard, ne m'attendais pas cette nuit, les clés sont à leurs places, faites comme vous avez toujours fait, vous êtes chez vous. 

- Tu vas où là ? Bleu, Bleu !

Je me presse pour rejoindre mon nouveau travail, oui, car je ne peux pas rester à la maison sans travailler. L'argent, ce n'est toujours pas du ciel qui tombe malgré mes prières.

J'ai de la chance, ils avaient besoin de quelqu'un comme moi, et j'avais besoin d'eux pour payer le loyer.
Je ne roule pas encore sur l'or, mais ce que je gagne par client et représentation, couvre entièrement tous les frais que j'ai à sortir, les besoins quotidiens, manger et surtout les frais scolaires de mon fils ingrat.

Assis sur une chaise, jambes croisées, je regarde Lou que j'ai attaché délicatement à genou face à moi, son string en cuir noir et ses bras dans le dos, il a la tête baissée qui regarde mes pieds…  

Sans parler, On se voit.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant