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Si je n'aimais pas ses trois hommes, je me demanderais où je suis tombé.
Bleu a été hors de notre contrôle pendant une vingtaine de minutes, quand il a lâché Rafael, il étouffe, son cou est rouge, je ne fais absolument pas le malin, mais il ne faut pas qu'ils s'entretuent, car Bleu est vraiment entre le, je t'aime et je vais te crever.

Par contre, je me demande ce que lui a dit Dedwen, parce qu'il n'a jamais été comme ça, même pour nos jeux, il n'a jamais été violent avec nous.
Ils se sont calmés après un bon moment à se hurler dessus comme s'ils en avaient besoin, j'ai rarement vu Rafael être énervé au point de donner une gifle à notre homme, mais il est bien plus sanguin que moi. Et Bleu a compris qu'il avait dépassé les bornes, encore.

J'essaie une tentative pour voir Dedwen, je l'entends pleurer, à essayer de remettre la porte que son père a fait voler de ses gonds, quand il me voit, il se cache dans sa chambre, ce gamin à fait une grosse connerie et n'arrive pas à l'assumer.

- Dedwen, si tu ne veux pas me parler, ce n'est pas grave, mais il va falloir que je comprenne ce qui se passe pour régler le problème.

J'ai le droit à un silence qui me fait souffler. Étant l'arbitre de cette maison, j'ai l'impression que tout ce que je dirais ne va pas servir à grand-chose.

- Hey, je ne vais pas te tirer les vers du nez, j'en ai besoin pour apaiser ton père et savoir si je dois moi aussi m'en prendre à RFA…

- Il n'a rien fait !, me dit-il, me coupant la parole. Je le jure ! Il n'a rien fait, rien du tout, au contraire ! 

- Alors, qu'as-tu fait ?

- Ne me frappe pas, d'accord ?

- Mais quelle idée encore !? 

- Je ne sais pas pourquoi, j'étais heureux de retrouver papa, qu'ils prennent soin de moi, qu'on soit juste tout seul…  

- Tu te sens seul Dedy ? 

Il joue avec son pansement, je pose ma main dessus et il relève les yeux avant de les baisser à nouveau, dans une lente respiration où je laisse chercher ses mots :

- Pas juste seul, je ne me sens pas bien, j'étais coupé du monde à l'internat, je n'ai pas d'amis avec qui partager ça. Cindy est souvent occupée et on ne peut pas parler quand elle est chez elle. Quand je suis rentré à la maison, vous étiez partis, j'ai pensé que vous seriez de retour le vendredi, mais c'était faux, alors chaque vendredi qui arrivait…

Il me montre l'état de ses poignets qui me donne l'envie de vomir, il y en a partout, dans tous les sens.

- Je n'étais pas juste seul, je me suis senti abandonné, papa allé pas bien, rien n'allait ici, même si Rose essayait de venir, ce foutu bébé, il lui prend tellement de temps, je déteste ce bébé… Papa l'aime trop, plus que moi… et personne ne venait, et à l'école, j'ai…

- Tu sais, Dedwen, quand j'étais au collège, j'étais très, très amoureux d'un garçon. Il était populaire, toutes les filles le trouvaient super beau alors que j'étais l'élève oublié même par les professeurs, et moi aussi, je l'aimais beaucoup. On s'est lié d'amitié un peu par hasard, quand j'ai trouvé le courage de lui dire que je l'aimais. Ça faisait presque trois ans que nous étions amis. Je le vois m'écouter, essuyant ses larmes qui n'arrêtent pas de couler. Il a fait semblant de m'aimer pendant un gros mois. Il voulait en parler à personne, surtout pas à ses amis, ça a été toutes mes premières fois, ça a été un enfer lorsqu'il a tout pris en vidéo pour se moquer, j'étais là pute du collège, ça, c'est suivie dans les rues, le harcèlement que j'ai subi pendant les dernières années là-bas ont été un vrai cauchemar, et j'ai fait exactement comme toi, car je me croyais seul.

- Il s'est passé quoi après ? 

- Ma mère a dit '' Ce sont des gosses, ils font des bêtises, ce n'est rien.'', et ce garçon, je l'aimais tellement, qu'il arrivait à me faire faire ce qu'il voulait. Je pense qu'il viendrait aujourd'hui devant moi, j'arriverai à hésiter à vous quitter. C'est fou d'être aussi bête hein ?

Il se met à renifler. Repensant à cette période, j'ai une légère pointe de jalousie. Car au final, j'étais vraiment seul après ce qu'il s'est passé. Je n'avais personne pour sécher mes larmes ou encore avec qui parler. Il allait me dire quelque chose quand les garçons rentrent dans la chambre, et Dedwen n'arrive plus à me parler, ni à me regarder en face.

- On est ta famille, à l'école, il se passait quoi là-bas ? lui demande Sweety qui me lance un regard de compassion où je comprends qu'ils ont tout écouté.

- Ils n'arrêtent pas de dire que les pédés doivent crever, que papa a le sida, que je l'ai sûrement aussi, que notre vie n'est pas normale. Papa, je ne veux plus aller à l'école. S'il te plaît, ne m'envoie plus là-bas.

- Qu'as-tu fait à Rafael pour que ton père soit si agressif ?

- J'ai... embrasser papa, il était enfin là, je… ne l'ai pas fait qu'une fois, je n'ai pas compris pourquoi, quand j'ai ouvert les yeux. J'avais chaud, partout, je me sentais étrange, dans la poitrine, là, nous montre-t-il avec son doigt, montrant son entrejambe, gêné et rouge. J'ai fait comme papa, j'ai embrassé son front, mais ça ne se calmait pas, et j'ai embrassé ses lèvres. Mais papa, tu dormais, tu ne savais pas ! Je me suis sentie mieux, j'ai regardé sur internet, ils disent…

Il se met à pleurer à nouveau, Bleu reste complètement impassible face à ses larmes, je ne sais pas comment il fait, mais je prends Dedwen dans mes bras ou je caresse ses cheveux lui demandant de se calmer. Qui double ses pleurs jusqu'à tremper mon t-shirt.

- Je voulais son attention, juste qu'il discute avec moi, qu'il me fasse rire, je ne suis vraiment pas normal, je n'aurai jamais dû, je suis tellement désolé, tellement.

Bleu se lève du lit, je pensais qu'il allait partir, mais il prend son fils dans une étreinte protectrice comme un parent sait faire, Rafael lui passe une main dans le dos, et vient chercher la mienne, mais encore une fois, je n'ai pas l'impression d'être à ma place à leurs côtés dans cette situation.

- Ne me met pas dehors papa, je vais mieux me comporter, je ferai ce que tu veux, ne mets pas dehors, supplie-t-il, je serai un bon fils, je te le promets.

- Je n'ai pas eu la bonne réaction, c'est à moi de m'excuser, mais ne recommence jamais, car ce n'est pas toi qui payeras le prix, tu le sais non ? Tu vas te calmer, dans un premier temps, nous, on va discuter un peu. Je reviens dans dix minutes, sans faire ce que tu fais en ce moment, d'accord ? Prends ton temps, mais on doit discuter.

Avoir une personne comme lui en tant que père, j'aurais aimé. Il est maladroit, mais il joue ce rôle comme le mien ne l'a jamais fait.

<< Tu as beaucoup de chance d'avoir cette famille.>> 

Sans parler, On se voit.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant